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Criminalité : Toulouse est-elle la nouvelle Marseille ?

La Ville rose fait face, depuis neuf mois, à une multiplication des règlement de comptes sanglants sur fond de trafic de drogue. Une situation qui rappelle celle à laquelle les habitants de la cité phocéenne sont régulièrement confrontés.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des policiers s'affairent après la mort d'un homme dans une fusillade visant une pizzeria du quartier des Izards, à Toulouse (Haute-Garonne), le 21 janvier 2014. (MAXPPP)

Deux motards s'arrêtent devant un bar à chicha, vendredi 15 août, vers 21 heures. L'un deux, casqué, entre dans l'établissement et tire à huit reprises sur un client. Mehdi el-Aouamad, un jeune homme de 24 ans connu des services de police pour trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs, décède quelques heures plus tard aux urgences.

La scène ne se déroule pas dans les quartiers Nord de Marseille, mais dans la cité du Mirail à Toulouse. La Ville rose fait face, depuis neuf mois, à des règlements de comptes sanglants, qui ont poussé le Service régional de police judiciaire (SRPJ) à lancer une opération de grande envergure mercredi 20 août. Sept personnes ont été interpellées dans le quartier des Izards et ont été placées en garde à vue, rapporte France 3 Midi-Pyrénées. Toulouse est-elle en train de connaître le même sort que la cité phocéenne ?

Oui, car le trafic de drogue est en plein essor

"Nous soupçonnons que le trafic de drogue constitue un des facteurs importants dans ce déchaînement de violences", explique Michel Valet, procureur de la République de Toulouse, à la Dépêche. Les règlements de comptes sont attribués à une dispute entre bandes rivales née en décembre 2013 dans le quartier des Izards, réputé pour être une plaque tournante du trafic de stupéfiants, explique Libération

"Au milieu des années 2000, la cité est passée du deal de cannabis à la coke, explique un animateur de cette cité comptant 3 900 habitants, cité par le Monde. Beaucoup d'argent est entré et les mentalités ont changé. Les jeunes se sont métamorphosés." Puis, ils se sont armés, affirme à Libération un ancien délinquantqui explique que, "du jour au lendemain, des petits mecs ont endossé le costume du grand banditisme". 

Une situation que l'on connaît bien du côté de Marseille, où les trafiquants de drogue sont devenus les premiers employeurs des jeunes dans les quartiers Nord. "Le soir, une camionnette vient déposer un gamin au pied de mon immeuble, puis elle fait 50 m et en dépose un deuxième au pied de la tour suivante. C'est le Pôle emploi des cités", témoignait une habitante de la cité Félix-Pyat auprès de francetv info, en novembre 2013.

Oui, car il y a une radicalisation des violences 

Et comme dans la cité phocéenne, les violences se sont multipliées ces derniers mois, rapporte Le Monde. En décembre 2013, Larbi Bey, un homme de 28 ans en liberté conditionnelle après une tentative de meurtre, est visé par une fusillade dans un salon de coiffure des Izards. L'attaque ne fait aucun blessé. Cinq jours plus tard, un jeune de 18 ans meurt dans une attaque à main armée dans le hall d'entrée d'un immeuble. Larbi Bey est, lui, incarcéré pour des tirs contre le gérant d'une pizzeria du quartier, le Milano. 

En janvier 2014, ce restaurant est une nouvelle fois visé par une attaque, qui fait deux blessés et un mort, Miloud Nemar, inconnu de la police. Le quartier des Izards retrouve son calme quelque temps. Mais la sortie de prison de Larbi Bey ravive les tensions et il est abattu sur le parking de sa résidence par deux hommes armés de kalachnikovs, jeudi 14 août. A chaque fois, des fusils d'assaut sont utilisés par les assaillants.

"Cette violence, la radicalisation de certains acteurs, nous pose de vrais problèmes", se désole Michel Valet, ajoutant que "Toulouse n'a rien à envier à Marseille". Car ces règlements de comptes à l'arme lourde rappellent ceux de la cité phocéenne, où un homme a été abattu avec un fusil d'assaut à la mi-juillet. Le troisième assassinat en une semaine à Marseille. 

Non, car il n'y pas la même "histoire criminelle"

L'émotion des Toulousains, peu habitués à un tel déferlement de violence, est légitime. La situation de la Ville rose est pourtant encore très éloignée de la criminalité marseillaise. Une quinzaine de règlements de comptes mortels ont déjà été perpétrés dans la cité phocéenne depuis le début de l'année. Un chiffre bien supérieur aux quatre assassinats et deux tentatives de meurtre de Toulouse.

"Marseille a une très longue histoire criminelle, qui remonte bien avant l'épisode de la French Connection", explique le criminologue Alain Bauer à La Dépêche. La ville dénombre une vingtaine de morts par armes à feu chaque année - jusqu'à 45 en 2006 -, dans des règlements de comptes sanglants. La dernière série d'assassinats avait poussé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, à se rendre sur les bords de la Méditerranée, le 22 juillet, après trois interpellations dans le cadre d'une enquête.

Rien à voir avec la situation à Toulouse, selon Olivier Arsac, adjoint au maire en charge de la sécurité, cité par Le Figaro. "À Marseille, les problèmes de criminalité sont le fait de réseaux enchevêtrés, multiples, plus étoffés, plus anciens et structurés. À Toulouse, nous n'en sommes pas là. L'affaire se limite à deux bandes rivales qui se disputent des territoires", estime l'élu toulousain. "Toulouse est bien plus calme, confirme Alain Bauer dans les colonnes de La Dépêche. Ce qui se passe en ce moment, c'est un pic ponctuel, qui n'a rien à voir avec le contexte marseillais ou celui de Sevran, en Seine-Saint-Denis. Deux villes où se situent de véritables kystes criminels."

Jean-Luc Moudenc, maire UMP de la Ville rose, a néanmoins écrit au ministre de l'Intérieur, lui demandant de "rétablir l'Etat de droit". Les policiers toulousains se plaignent, de leur côté, d'un manque criant de moyens, qui les empêche d'endiguer la violence dans les cités. Et c'est là toute la différence avec la cité phocéenne, selon Didier Martinez, secrétaire du syndicat policier SGP-FO, interrogé par Libération"Un meurtre à Marseille et c’est 20 policiers supplémentaires, grince-t-il. Dans le commissariat des quartiers nord de Toulouse, ils sont 19 fonctionnaires avec en moyenne 300 dossiers chacun à traiter, et pas le temps d’enquêter."

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