Crash en Argentine : "Sur le Dakar, les hélicos restent loin les uns des autres", témoigne Gérard Holtz
Quelles leçons tirer de l'accident qui a coûté la vie à Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine ? Interview de Gérard Holtz, qui couvre depuis des années le rallye Dakar pour France Télévisions.
Quand la réalité percute de plein fouet la télé-réalité ... Le crash qui, lundi 9 mars, a fait dix morts dans la province de La Rioja, en Argentine, dont la navigatrice Florence Arthaud, la nageuse Camille Muffat et le boxeur Alexis Vastine, rappelle que l'hélicoptère peut être dangereux, tout comme certaines conditions de tournage.
Ce dramatique accident va-t-il modifier la façon dont sont réalisées les émissions de télévision, notamment les retransmissions d'événements sportifs ? Francetv info a interrogé Gérard Holtz, journaliste sportif pour France Télévisions. Il couvre depuis vingt ans le rallye Dakar en faisant, dit-il, "sept heures d’hélico par jour dans toutes les circonstances : tempête de sable, orage ou brouillard.".
Francetv info : Quelle leçon sera tirée du crash argentin, par exemple pour la couverture du Dakar ?
Gérard Holtz : C'est trop tôt pour le savoir. Mais si c’est une erreur humaine, que le pilote n’a pas vu l’autre hélicoptère parce qu’il vérifiait quelque chose sur son tableau de bord par exemple, cela ne changera pas grand-chose pour nous, car nous faisons extrêmement attention. Sur le Dakar, un pilote d’hélico ne fait jamais preuve d'audace juste pour impressionner. Les premiers témoignages disent qu'à La Rioja, les hélicos sont partis presque en même temps et qu'ils volaient près l’un de l’autre. Ils n’auraient pas respecté les consignes de sécurité normales : jamais on ne décolle ensemble !
Sur le Dakar, nous avons douze hélicoptères : quatre pour le tournage, au moins quatre pour le médical, et le reste pour les photographes et la direction de la course. Nous passons la nuit sous la tente et, à 6 heures, nous décollons. Mais jamais ensemble, parce qu’il y a des perturbations, des turbulences et qu’on ne voit pas au-delà de 180 degrés. L’hélicoptère qui suit derrière doit faire attention à celui qui est devant.
Nous restons loin les uns des autres et nous nous parlons sans arrêt. Nous signalons au pilote la position des hélicoptères les uns par rapport aux autres, comme s'ils étaient situés sur le cadran d'une montre. Exemple : "L’hélico à ma gauche est à 11 heures et là, il passe à 9 heures." Lorsqu’on est proches, à 300 ou 400 mètres de l’autre hélico, on se dit sans cesse ce qu’on fait, où on est, les obstacles possibles [oiseaux, lignes à haute tension...]. .
Est-ce que le drone pourrait remplacer l'hélicoptère sur ce type d'événements ?
Sur le Dakar, cette année, nous avions emmené deux drones. C’est pratique et ça fait des images professionnelles, mais c’est extrêmement sensible au vent et vulnérable aux conditions météo. Autre inconvénient : le drone est dirigé par télécommande. Sa portée est donc limitée. Il ne peut pas remplacer un hélicoptère avec lequel on peut faire des plans séquence de 15 minutes.
Les deux peuvent être complémentaires. Pour le Tour de France, par exemple, l’hélicoptère suit la course, mais si on longe un château fort, le drone peut approcher de très près de la paroi des remparts pour filmer le monument.
Avez-vous déjà eu un accident d'hélicoptère en couvrant un événement sportif ?
Oui, pendant le Dakar, il y a plus de quinze ans. Le 4 janvier 1998, avec Eric Veyssière et Hervé Lemay, nous nous sommes écrasés à Nador, au Maroc, alors que nous étions en train de filmer Stéphane Peterhansel, qui a remporté la victoire à moto cette année-là.
Le pilote a tiré sur le manche pour faire un virage arrière, la commande du rotor arrière s'est cassée et on s’est écrasés sur du sable. Dans l’hélicoptère qui nous suivait se trouvait le président de France Télévisions de l'époque, Xavier Gouyou-Beauchamps. C'est lui qui a pris les premières photos de l'accident ! Moi, j’avais le bras et six côtes cassés, le pilote s’est ouvert le front en ayant la tête projetée contre le pare-brise et le troisième, le caméraman, a eu une entorse au genou. Depuis, tous les photographes veulent monter avec moi. Vous savez pourquoi ? Parce que, dans l’histoire de l’hélicoptère, personne ne s’est jamais écrasé deux fois.
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