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Tireur de Paris : le voile se lève sur la personnalité d'Abdelhakim Dekhar

L'homme, en grève de la faim et mutique, a été condamné en 2013 par la justice britannique au port d'un bracelet électronique pour des violences conjugales. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Photo d'Abdelhakim Dekhar prise en 1994 et diffusée dans l'émission "Faites entrer l'accusé" sur France 2. (17 JUIN MEDIA /  AFP )

Il dort à Fleury-Mérogis depuis quatre jours. Abdelhakim Dekhar, soupçonné d'être le tireur parisien qui a notamment blessé un assistant photographe de Libération, s'est retranché dans le silence. Mais l'enquête des médias et de la police lève petit à petit le voile sur la personnalité de cet homme de 48 ans, surnommé "Toumi". Francetv info détaille les derniers éléments connus sur ce personnage complexe.

Un détenu mutique et en grève de la faim

Mis en examen vendredi 22 novembre pour "tentatives d'assassinat", "enlèvement" et "séquestration", Abdelhakim Dekhar ne parle pas et ne s'alimente plus. En grève de la faim, il a dû être hospitalisé 48 heures à l'Hôtel-Dieu, à Paris, avant de pouvoir être incarcéré à la célèbre maison d'arrêt de l'Essonne lundi. "Très affaibli", selon son avocat, Rémi Lorrain, Abdelhakim Dekhar a invoqué le droit au silence lors de sa garde à vue, faute d'avoir eu accès au dossier de l'enquête.

Un comportement qui tranche avec celui décrit par les experts-psychiatres et les enquêteurs à l'époque de son arrestation dans l'affaire Rey-Maupin en 1994 - Abdelhakim Dekhar a été condamné à quatre ans de prison pour avoir fourni le fusil à pompe au duo meurtrier d'ultragauche. Selon les docteurs Henri Grynszpan et Daniel Zagury, qui l'examinent en 1996, cet homme aux "tendances affabulatoires" se montre "plutôt volubile et manifestement heureux de pouvoir s'épancher" sur son parcours, rapporte Le Monde. Celui qui se présente comme un agent des services secrets algériens n'hésite pas "à surestimer ses possibilités" en se comparant "à Nelson Mandela", se disant "à la recherche de [son] Zola, celui qui élèvera contre [son] incarcération un puissant 'J'accuse'".

Un père et un époux condamné pour violences conjugales 

Le passé d'Abdelhakim Dekhar au Royaume-Uni, pays dans lequel il a passé treize ans après sa sortie de prison en 1998, se précise. Libération révèle ainsi, jeudi 27 novembre, qu'il a été condamné en 2013 par la justice britannique au port d'un bracelet électronique pour des violences conjugales. La plaignante est une étudiante d'origine lettone, Valentina, avec laquelle il se serait marié religieusement. Elle est la mère de ses deux garçons, nés en 2004 et 2006. Selon le quotidien, ses démêlés judiciaires outre-Manche pourraient expliquer le retour en France d'Abdelhakim Dekhar, voire son passage à l'acte. 

En 1996, les experts avaient noté une "grande agressivité verbale" chez Dekhar lorsqu'il se sentait persécuté. Une agressivité devenue physique en septembre 1996 lorsqu'il blesse un gendarme et un greffier après s'être vu notifier le prolongement de sa détention provisoire. 

Sa famille - il est membre d'une fratrie de douze frères et sœurs qui a grandi en Moselle - est brouillée avec lui depuis "plus de vingt ans", assure sa sœur Farida Dekhar-Powell, 44 ans, interrogée par Libération. Installée en Angleterre depuis vingt-deux ans, elle s’est mariée avec un Britannique à la mairie de Redbridge, en 1990. C'est dans cette même ville qu'Abdelhakim Dekhar épouse en 2000 une jeune étudiante turque, Gamze Aras. La même année, le couple s'installe à Ilford, au nord-est de la capitale britannique, et Dekhar, employé dans un restaurant, rencontre S., un jeune Français. "Cadre dans la finance", c'est lui qui l'a hébergé près de Paris pendant des années, avant de le dénoncer le 20 novembre.

Un "sinistre personnage" aux motivations floues

Pour Florence Rey, condamnée à vingt ans de prison et libérée en 2009 après quinze ans de détention exemplaire, Abdelhakim Dekhar n'est autre qu'un "sinistre personnage". Ses motivations dans cette nouvelle affaire restent à éclaircir. Les enquêteurs ont en main deux lettres, laissées par le tireur dans une valise oubliée - à dessein ? - dans l'hôtel parisien où il a passé sa dernière nuit avant d'être arrêté. L'une, en anglais, contient ses "dernières volontés" pour les membres de sa famille au Royaume-Uni. Abdelhakim Dekhar a en effet été interpellé dans un "état semi-conscient" après une prise de médicaments qui laisse penser à une tentative de suicide. 

L'autre lettre est un texte de revendication contre les médias, "infâmes journaputes", les banques et le capitalisme. Selon Le Figaro, Abdelhakim Dekhar y dénonce également la "gestion des banlieues", qui s'apparente selon lui à une "entreprise de déshumanisation portant sur des populations dont le grand capital ne veut pas". Il évoque "un complot fasciste". Un discours qui "mérite d'être examiné et montré à un psychiatre", selon le procureur de la République de Paris, François Molins.

Un exemplaire de L'Homme révolté publié en 1951 par Albert Camus se trouvait également dans la valise, assure Le Parisien (article payant). Dans cet essai, le prix Nobel de littérature développe les thèmes du meurtre et de la révolte. 
 

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