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Abdelhakim Dekhar, "un type ultra-tordu et assez parano"

Quel souvenir le tireur présumé de Paris a-t-il laissé à ceux qui ont travaillé sur l'affaire Rey-Maupin, pour laquelle il a été condamné en 1998 ?

Article rédigé par Hervé Brusini - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Une photo d'Abdelhakim Dekhar prise dans les années 90 et diffusée dans un numéro de l'émission "Faites entrer l'accusé", sur France 2, en 2003. (FRANCE 2)

Qui est Abdelhakim Dekhar, l'homme soupçonné d'avoir semé la panique ces derniers jours à Paris et arrêté, mercredi 20 novembre, à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine) ? L'homme, âgé de 48 ans, est connu des services de police pour avoir été condamné en 1998, dans l'affaire Rey-Maupin. Ce dossier a été largement couvert par Patricia Tourancheau, journaliste au quotidien Libération et par l'écrivain Frédéric Couderc, qui lui a consacré un livre intitulé Bac + 2 + crimes : l'affaire Florence Rey (Castells Raymond,1998).

Pour Francetv info, ils croisent leur regard sur cet homme aujourd'hui suspecté de tentative d'assassinat.

Patricia Tourancheau : Toumi [le surnom d'Abdelhakim Dekhar] est le troisième homme de l'affaire Rey-Maupin.C'est dans les esprits de Toumi et Maupin qu'a germé l'idée d'attaquer la préfourrière de la porte de Pantin, le 4 octobre 1994. Toumi avait acheté le fusil à pompe à la Samaritaine, en présentant ses propres documents d'identité. Voilà qui en dit long sur son état d'esprit. Au passage, c'est lui aussi qui avait scié le canon de l'arme, comme il l'a fait pour celle avec laquelle il a grièvement blessé un photographe de Libération le 18 novembre.

Face à ce duo masculin, Florence Rey, qui était éperdument amoureuse de Maupin, a fait savoir qu'elle voulait participer à l'action. Condamné à quatre ans de prison ferme en 1998, Dekhar sort très vite de prison, car sa peine est couverte par la durée de sa détention provisoire. Et qu'a-t-il fait par la suite ? C'est toute la question. Des séjours à l'étranger, à Londres, semble-t-il. En tout cas, je ne suis pas du tout surprise de le revoir comme cela aujourd'hui.

Frédéric Couderc : Je suis allé sur les lieux où le trio Rey/Maupin/Dekhar a vécu, croisé des gens et échafaudé des plans. Comme beaucoup à l'époque, j'étais fasciné par cette histoire tragique et, je l'avoue, romanesque, mais en définitive pathétique. A son procès, Abdelhakim Dekhar a par exemple évoqué appartenir à la sécurité algérienne. Personne de sensé n'y croyait.

A l'époque, j'avais retrouvé des tracts qu'il distribuait à l'âge de 28 ans, dans les années 90, sur le campus de Nanterre. Il y célébrait les hitistes, ces jeunes chômeurs algériens qui passent leurs journées adossés à un mur. Toumi écrivait qu'il fallait s'en inspirer, en faire une véritable philosophie anti-travail. Tout cela était rédigé avec une rare confusion, une absence totale de sens et une incroyable absurdité. C'est un peu ce que l'on ressentait devant ce type de personnage.

Patricia Tourancheau : J'ai un souvenir très précis de Dekhar. Pour moi, c'était un type ultra-tordu. A la fois effacé et obsédé par un désir d'action. En fait, quelqu'un d'assez parano.

Frédéric Couderc : Je suis étonné de le voir ainsi réapparaître. En fait, pour moi, ce trio incarnait une idéologie plus que vaseuse, qui s'inscrivait dans le contexte des années 90, le contrat d'insertion professionnelle [du gouvernement Balladur] et le climat de violence qui existait alors avec le mouvement autonomeLe décalage du trio était complet. Un délire du grand soir ! On avait le sentiment d'être face à du pathologique. Pour moi, Maupin et Rey ont eu la malchance de croiser la route de Toumi. C'est là que tout a basculé dans le gangstérisme.

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