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Audition d'Eric Woerth : questions pour un ministre

Après Liliane Bettencourt, au tour d'Eric Woerth : le ministre du Travail est entendu aujourd'hui comme témoin par les policiers de la brigade financière, dans le cadre de l'enquête sur le contenu des enregistrements clandestins réalisés au domicile de la milliardaire. _ Le ministre sera surtout interrogé sur un possible conflit d'intérêts, et sur une possible fraude fiscale de la part de l'héritière de L'Oréal. Mais d'autres questions se posent sur l'ex-ministre du Budget.
Article rédigé par franceinfo
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Détendu dans son fief de Chantilly, Eric Woerth a joué le week-end dernier à celui-qui-profite-du-beau-temps-sans-se-poser-de-questions. Les questions pour le moment, ce sont les autres qui les posent. Cette semaine, ce sera au tour des enquêteurs de la brigade financière. Ils auditionneront le ministre dans le cadre d'une enquête sur le contenu des enregistrements clandestins réalisés au domicile de Liliane Bettencourt, enquête ouverte par le parquet de Nanterre et le procureur Philippe Courroye. Ce sont ces bandes dont la diffusion par Mediapart et Le Point a lancé “l'affaire Woerth-Bettencourt”, feuilleton politico-judiciaire à rebondissements.

Le lieu de cette audition reste incertain. Il semble en tout cas que le témoin Eric Woerth ne sera pas convoqué dans les locaux de la brigade financière, mais que l'audition aura lieu soit dans son logement de fonction parisien, soit à Chantilly.

Le ministre ne sera pas interrogé par les policiers sur l'ensemble de cette affaire labyrinthique. Pas moins de six enquêtes distinctes ont été ouvertes pour couvrir les différents volets de l'affaire.

LES QUESTIONS AU PROGRAMME DE L'AUDITION

  • Le conflit d'intérêts : Entre mai 2007 et mars 2010, Eric Woerth était à la fois ministre du Budget et trésorier de l'UMP, charge dont il a depuis démissionné sous la pression. Alors qu'il portait cette double casquette, sa femme, Florence, a été embauchée pour 200.000 euros par an dans l'une des sociétés qui gèrent la fortune de Liliane Bettencourt, Clymène, dirigée par Patrice de Maistre.
    _ Le même Patrice de Maistre, qu'Eric Woerth a d'abord prétendu ne pas connaître, finançait, au nom de Liliane Bettencourt, dont il est le factotum, le parti présidentiel et la vie politique d'Eric Woerth.

  • La complicité de blanchiment de fraude fiscale : L'héritière de L'Oréal et ses collaborateurs sont soupçonnés d'avoir dans le même temps organisé une fraude fiscale, à travers deux comptes en Suisse et la possession, encore non prouvée, de l'île d'Arros, aux Seychelles.
    _ Le ministre du Budget de l'époque aurait-il couvert d'une manière ou d'une autre cette évasion ? Non, a répondu un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), concluant qu'Eric Woerth n'était pas intervenu dans le dossier fiscal de Liliane Bettencourt. Les enquêteurs pourront questionner le principal intéressé sur le sujet.

    AUTRES QUESTIONS AUTOUR D'ERIC WOERTH

  • Le financement de la vie politique : Les policiers de la brigade financière n'aborderont sans doute qu'à la marge cette question, car les soupçons de financement illégal de l'UMP et du parti d'Eric Woerth dans l'Oise ne découlent pas du contenu des enregistrements.
    _ C'est l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, qui a révélé le pot-aux-roses présumé en laissant entendre que Patrice de Maistre avait donné 150.000 euros à l'UMP, via son trésorier, Eric Woerth, en pleine campagne présidentielle. La comptable affirme qu'une rencontre entre les deux hommes a eu lieu en janvier 2007, au lendemain du retrait de cette somme des comptes de la milliardaire. Et selon l'hebdomadaire Marianne, Liliane Bettencourt avait demandé à retirer 500.000 euros, ce qui aurait été refusé par la banque. Patrice de Maistre affirme que c'était pour acheter une bague.

  • La vente de l'hippodrome de Compiègne : Aucune enquête n'a été ouverte sur la vente par l'Etat des 57 hectares de l'hippodrome de Compiègne, assorti d'un golf, à la Société des courses de Compiègne, par l'intermédiaire d'Eric Woerth quand il était ministre du Budget. Le terrain n'a coûté “que” 2,5 millions d'euros. Un véritable cadeau, selon l'hebdomadaire Le Canard enchaîné, qui a sorti l'affaire. Faux, répond Eric Woerth, qui explique que le faible prix tient au fait que le terrain n'est pas constructible. Depuis, la polémique porte sur ce point.

  • Les micro-partis sous le feu des projecteurs : Les méandres de l'affaire “Woerth-Bettencourt” ont mis en lumière une pratique de la vie politique française peu connue du grand public : la multiplication des micro-partis, coquilles politiques quasiment vides, mais qui permettent de collecter de l'argent.
    _ Si la loi interdit de donner plus de 7.500 euros à un parti politique, elle n'interdit pas en revanche de faire des dons à plusieurs partis. D'où la prolifération de ces structures de soutien à une personnalité politique, à droite comme à gauche : Manuel Valls a la sienne à Evry par exemple. Rien d'illégal, mais la morale y trouve-t-elle son compte ? Eric Woerth, “premier-ministrable” potentiel il y a quelques semaines, est là encore l'homme par qui la polémique est arrivée.

    Grégoire Lecalot, avec agences

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