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"Le phénomène jihadiste n’en est qu’à ses débuts", craint le journaliste Wassim Nasr après l'attaque au couteau à Paris

L’attaque au couteau qui a fait un mort samedi à Paris a été revendiquée par le groupe État islamique. Pour le journaliste Wassim Nasr, le phénomène pourrait prendre de l'ampleur.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un homme a attaqué au couteau plusieurs passants dans la soirée du samedi 12 mai à Paris avant d'être abattu par la police. (MAXPPP)

L'enquête continue après l'attentat qui a fait un mort à Paris, samedi 12 mai au soir. L'attaque au couteau a été revendiquée par le groupe État islamique. L'assaillant est un Français né en Tchétchénie en 1997. Khamzat Azimov était fiché S mais n'avait pas d'antécédents judiciaires. Il s'agit du deuxième attentat perpétré en France cette année, après les attaques dans l'Aude en mars. Pour Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste du jihadisme, invité sur franceinfo lundi 14 mai, "le phénomène n'en est qu'à ses débuts".

franceinfo : On répète que Daech est vaincu sur le terrain et pourtant il continue de motiver, d’inspirer et de recruter de nouveaux terroristes. Comment l’expliquez-vous ?  

Wassim Nasr : On l’a vu aussi avec les attentats de Trèbes et de Carcassonne, avec notamment l’assassinat du colonel Beltrame. L’État islamique était sur le recul territorialement en Syrie et en Irak. Il y a les réussites militaires de la coalition, mais il y a aussi la perception. Pour ceux qui se battent au nom de l’EI, Daech a tenu neuf mois à Mossoul face à la coalition. C’est plus long que la bataille de Stalingrad pendant la Seconde Guerre mondiale. L’EI a tenu sept mois à Syrte en Libye, six mois à Raqqa, cinq mois à Marawi aux Philippines. Donc le mythe de l’EI est construit, comme quoi il a fait face au monde entier, il a tenu. Les efforts pour arrêter ce groupe jihadiste ont commencé en 2013, la coalition est entrée en jeu en 2014, et on en parle encore aujourd’hui. Il faut imaginer que ce groupuscule qui avait démarré en Irak en 2006, ce n'était que quelques combattants, aujourd’hui c’est une marque mondiale. Ils sont présents en Libye, en Egypte, au Yémen, en Somalie, en Afghanistan. En Indonésie, ils ont essayé d’attaquer cinq églises, ils ont réussi à en attaquer trois. C’était une famille jihadiste : père, mère et enfants de retour de Syrie. Le phénomène, à mon humble avis, n’en est qu’à ses débuts.  

Que vous inspire le profil du terroriste qui n'avait pas de lien particulier avec la délinquance ?  

On a vu tous les profils. Ils ont très bien assimilé une chose : du moment où ils essayent d’acheter des armes ou de fabriquer des explosifs, ils sont susceptibles d’être arrêtés. Donc ils prennent des armes à faible empreinte : un camion comme à Nice pour écraser des passants, des couteaux. Je vous rappelle que le terroriste de Villejuif, arrêté après avoir tué une joggeuse, était un étudiant. Celui qui a attaqué la police sur le parvis de Notre-Dame à Paris, c’était un doctorant. Au Louvre, c’était un touriste égyptien. Il faut sortir du prisme français. Il y a un fils de député en Jordanie qui est mort en kamikaze en Irak. Il y a les filles d’un ministre africain des Affaires étrangères qui ont rejoint l’EI et qui étaient étudiantes en médecine. C’est une idéologie. Il faut de tout, des petites mains, des gens différents.  

Il y a toute une polémique sur la surveillance des fichés S. Est-ce qu'elle a lieu d’être ?  

Ce sont des polémiques vides de sens. Une fiche S n’est qu’une fiche qui signale. Ce n’est pas une condamnation ni une preuve comme quoi la personne va passer à l’acte. À la moindre preuve, la France est très bien outillée en termes de lois pour mettre les gens hors d’état de nuire. Si les autorités ont le moindre soupçon d’un passage à l’acte, ils vont forcément arrêter la personne. Plus de 90% des fichés S ne passent pas à l’acte. Il y a une minorité qui déjoue la vigilance des autorités.    

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