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Aulnay-sous-Bois : l'avocat du policier a-t-il raison de dire qu'un viol est forcément un acte "intentionnel" ?

Les avocats contactés par franceinfo sont partagés sur cet argument, mais tous convaincus de la difficulté de convaincre la justice que la pénétration anale du jeune Théo par une matraque était accidentelle.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une inscription hostile aux policiers, le 6 février 2017, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où l'interpellation violente d'un jeune homme a donné lieu à la mise en examen de quatre policiers, dont l'un pour viol. (ALPHA CIT / CITIZENSIDE)

Depuis le début de l'affaire d'Aulnay-sous-Bois, c'est l'argument martelé par la défense : le policier mis en examen pour le viol de Théo, 22 ans, n'aurait pas volontairement enfoncé sa matraque dans le rectum du jeune homme. C'est ce qu'affirmait l'IGPN dans ses premières conclusions, rendues dimanche 5 février, même si Théo affirme le contraire. "Ils ont considéré que l'élément d'intentionnalité, qui doit être caractérisé pour que le viol puisse être retenu, n'a pas été retenu", a assuré l'avocat du policier, Frédéric Gabet, jeudi sur franceinfo. Mais le geste de l'accusé doit-il réellement être intentionnel pour constituer un viol ? Franceinfo a posé la question à trois avocats spécialistes de ce genre d'affaires.

Si le jeune Théo affirme que le policier a "enfoncé sa matraque dans [ses] fesses", de façon volontaire, l'avocat du policier reconnaît que ce dernier a utilisé sa matraque "à la manière d'une épée", plutôt qu'en faisant le geste de le fouetter, mais assure qu'il "visait les cuisses" du jeune homme. Théo s'est vu diagnostiquer une "plaie longitudinale du canal anal" sur près de 10 cm et une "section du muscle sphinctérien", ce qui lui vaut aujourd'hui 60 jours d'incapacité totale de travail.

Le Code pénal définit clairement un viol

Pour Anne Bautheac, avocate au barreau de Marseille, trois éléments doivent être réunis, en droit pénal, pour obtenir une condamnation : "un élément légal, qu'il existe un texte de loi sur la question ; un élément matériel, en l'occurrence l'acte de pénétration avec la matraque ; et un élément intentionnel". La justice devra donc, à ses yeux, "démontrer l'intention d'introduire la matraque à des fins sexuelles". "Les affaires de viol reposent toujours sur la question du consentement ou de l'intention, poursuit-elle. Et là, clairement, l'absence de consentement ne fait pas de doute." Mais le caractère non intentionnel sera de toute façon difficile à plaider, selon elle : "On ne pénètre pas par accident."

Un point de vue que ne partage pas Pierre Lebriquir, avocat au barreau de Paris, pour qui la défense des policiers "déforme les textes" sur le viol : "Dans le Code pénal, c'est l'intention de la victime qui est prise en compte. Il n'y a pas de référence à l'intention de l'auteur." L'article 222-23 du Code pénal, très simple, ne l'évoque effectivement pas.

Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Article 222-23 du Code pénal

"Le policier peut très bien expliquer qu'il n'avait pas l'intention de faire ce geste, et cela peut avoir un impact sur la manière dont l'affaire est abordée, estime Pierre Lebriquir, mais cela n'aura pas d'impact sur la qualification pénale des faits, et ne permettra pas d'obtenir une relaxe ou un acquittement."

"Peu importe que la pénétration ait un but sexuel"

Reste une autre question, posée par certains sur Twitter : faut-il qu'un acte ait un caractère sexuel pour être qualifié de viol, et est-ce le cas d'une pénétration de l'anus par un objet dans le contexte d'une arrestation ? "Cela reste sexuel parce que c’est intrusif sexuellement. La matraque ne s’est pas enfoncée dans ses narines", estime Aurélie Devaux, avocate au barreau de Versailles. "L'acte de violence commis sur un organe sexuel est un viol", acquiesce Pierre Lebriquir. "Peu importe que la pénétration ait un but sexuel ou non." Et la jurisprudence désigne clairement l'anus comme un organe sexuel.

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