: Vidéo Le ministère de la Santé alerté du cas de Joël Le Scouarnec : l'avocat de La Voix de l’Enfant dénonce une "faillite de l'institution judiciaire"
Maître Frédéric Benoist, avocat de l’association La Voix de l’Enfant, dénonce la "faillite de l'institution judiciaire", alors que franceinfo révèle jeudi 9 février que 10 ans avant l'arrestation du chirurgien Joël Le Scouarnec en 2017 pour agressions sexuelles sur près de 300 enfants, une alerte avait été lancée au sein du ministère de la Santé, mais était restée lettre morte. En 2005, douze ans avant son arrestation, le chirurgien est condamné pour détention d'images pédopornographiques. A l'époque, la justice n'a pas transmis l'information, ni à l'hôpital dans lequel le chirurgien travaillait, ni à l'Ordre des médecins. "Tout a dysfonctionné", commente Maître Frédéric Benoist. "La Voix de l'enfant réfléchit actuellement à engager des plaintes et des actions pour dénoncer et faire sanctionner ces faits", indique l'avocat.
franceinfo : Faut-il parler de négligence judiciaire ?
Frédéric Benoist : C'est une faillite de l'institution judiciaire. La France a été informée par les autorités judiciaires américaines.
"Il y a eu un signalement du docteur Le Scouarnec en janvier 2004. Le FBI aux États-Unis avait constaté que Joël Le Scouarnec et d'autres personnes en France allaient sur des sites pédopornographiques. Ils alertent les autorités judiciaires françaises. Joël Le Scouarnec est entendu par la gendarmerie. Il reconnaît tout de suite les faits."
Maître Frédéric Benoist, avocat de l’association La Voix de l’Enfantà franceinfo
Il est ensuite renvoyé devant le tribunal correctionnel en août 2005. Il est condamné à quatre mois de prison avec sursis. Pendant ces 20 mois, entre janvier 2004, le signalement, et l'audiencement en août 2005, il y a eu 29 victimes présumées. L'autorité judiciaire aurait dû évidemment informer les autorités de santé pour qu'on mette à l'écart Joël Le Scouarnec. Ça aurait dû être automatique. Ça ne l'est absolument pas aujourd'hui. Ces faits qui sont dévastateurs évidemment, aujourd'hui, malheureusement, pourraient encore se reproduire et se renouveler.
Une note du ministère de la Santé, à l'époque, dit que le chirurgien n'aurait pas dû être titularisé, mais qu'il est difficile de le sanctionner ou de le radier. Comment expliquez-vous cette position ?
Cette frilosité résulte peut être du fait que le conseil de l'Ordre des médecins du Finistère, en décembre 2006, avait, à la quasi-unanimité, considéré que la condamnation de Joël Le Scouarnec en 2005 n'était pas contraire aux dispositions de l'article 3 du Code de déontologie médicale : "Le médecin doit en toutes circonstances respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensable". Donc les autorités de santé étaient évidemment très embarrassées parce que cette décision de non-poursuite ne figurait pas dans le dossier de Joël Le Scouarnec.
Rien n'a fonctionné dans cette affaire ?
Tout a dysfonctionné. L'institution judiciaire, les autorités de santé. On doit considérer que cette note, non datée, doit être de mars 2007, dix ans avant l'arrestation. Elle n'est pas signée. On a quelques petites idées sur sa provenance. C'est évidemment dans les services de l'administration de santé.
Dans le cabinet du ministre de l'époque ?
Non, non. Sans doute pas. C'est justement l'instruction qui devrait pouvoir permettre d'avancer sur ce point.
Allez-vous demander des éclaircissements, des explications?
Au vu de tous ces événements, on va même peut être aller plus loin. La Voix de l'enfant réfléchit aujourd'hui à engager des actions. Les faits sont extrêmement graves, absolument pas de prévention, pas de mise en sécurité de toute cette population d'enfants, un nombre incalculable de victimes. Il y a de toute évidence une non-assistance.
"Il y a de toute évidence une mise en danger d'autrui par ces négligences, par ces défaillances et par ces carences."
Frédéric Benoistà franceinfo
La Voix de l'enfant réfléchit actuellement à engager des plaintes et des actions pour dénoncer et faire sanctionner ces faits.
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