: Vidéo Quand le juge Lambert confiait qu'il ne s'était "jamais remis" de l'affaire Grégory
Trois ans avant sa mort, Jean-Michel Lambert, juge d’instruction de l’affaire Grégory, confiait dans une interview à France Inter qu’il éprouvait "un immense sentiment de culpabilité" pour avoir inculpé d’assassinat Bernard Laroche, "innocent" selon lui.
Jean-Michel Lambert, retrouvé mort mardi 11 juillet, restera dans les esprits comme "le juge de l’affaire Gregory". Alors qu’il prenait sa retraite de la magistrature, il s'était confié dans une interview accordée à France Inter le 28 août 2014. Il y revenait sur "l'immense sentiment de culpabilité" qui était le sien pour avoir inculpé Bernard Laroche pour assassinat. Bernard Laroche avait été l'un des premiers suspects de l'affaire, placé en détention pendant trois mois à l’automne 1984 puis libéré, avant d'être tué par Jean-Marie Villemin, le père de Grégory.
"Elle m'a marqué, elle a bouleversé ma personnalité"
"Je ne me suis jamais remis de cette affaire, confiait-il à Matthieu Aron, de France Inter, en août 2014. C'est clair. Elle m'a marqué, elle a bouleversé ma personnalité. Mais en même temps il faut faire preuve de beaucoup de pudeur. 30 ans après, je suis là, je vous parle. Bernard Laroche, lui n'est plus là."
Jean-Michel Lambert définissait ainsi son métier de juge : il faut "travailler avec humanité, avec humilité, ne pas prétendre détenir la vérité, se remettre toujours en question. C'est ce que j'ai essayé de faire, et ce n'est pas forcément facile."
La "pression médiatique" contre la "sérénité"
Jean-Michel Lambert avait pris la décision d'inculper Bernard Laroche, le 5 novembre 1984, et soulignait alors au micro de France Inter "la pression médiatique". "Je ne me suis pas levé un beau matin en me disant : il me faut un inculpé dans ce dossier, tiens, je vais inculper Bernard Laroche. C'est évidemment beaucoup plus complexe, il y avait de éléments contre lui. Si on se situe dans le contexte de l'époque, avec la pression médiatique, cela interdit de travailler dans la sérénité."
Au moment de cet entretien, Jean-Michel Lambert était convaincu de l'innocence de Bernard Laroche. "Il était innocent. je m'apprêtais à rendre un non lieu, son assassinat ne m'en a pas laissé le temps. (...) C’est moi qui ait pris la décision de le libérer, contre l'avis du parquet. Ce n’était pas une décision courageuse, c’était tout simplement une décision honnête : je n’ai fait que mon devoir." "Si on reconstitue l'emploi du temps qui aurait fait de lui l'assassin, mis à plat, cela ne tient pas", estimait-il.
Les thèses du "petit juge" toutes mises à mal
Après la mort de Bernard Laroche, tué par Jean-Marie Villemin, les soupçons du juge Lambert s'étaient tournés vers la mère de Grégory, Christine Villemin, qu'il avait inculpée d'assassinat et placée en détention provisoire. La Cour de cassation avait annulé la mise en accusation, avant que la chambre de l'instruction de Dijon ne rende en 1993 un arrêt de non-lieu pour "absence de charges" contre Mme Villemin. Entre temps, l'instruction avait été reprise par un autre magistrat, le juge Maurice Simon, qui avait mis à mal toutes les thèses du "petit juge".
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