On vous explique où en est l'enquête sur la mort d'Adama Traoré
Les juges d'instruction chargés de l'enquête ont clos leurs investigations le 14 décembre, a appris mardi franceinfo de source judiciaire. L'occasion de faire le point sur cette affaire.
Le 19 juillet 2016, la mort d'Adama Traoré, 24 ans, avait été constatée près de deux heures après son arrestation à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise). Interpellé après une course-poursuite, il avait été maintenu au sol sous le poids des gendarmes. Il avait eu un malaise dans leur véhicule avant de mourir dans la cour de la gendarmerie de la commune voisine de Persan. Depuis, l'enquête est marquée par un climat de défiance vis-à-vis des autorités. Où en est-elle aujourd'hui ?
Les juges d'instruction ont terminé leur travail
Les juges d'instruction chargés de l'enquête ont clos leurs investigations le 14 décembre, a appris franceinfo de source judiciaire, mardi 12 mars, confirmant une information d'Europe 1. Ils ont remis le dossier au parquet de Paris. Le parquet de Pontoise, en charge au début de l'affaire, a en effet été dessaisi du dossier en octobre 2016 après la communication contestée du procureur à l'époque et l'annonce tardive du décès du jeune homme.
Aucune mise en examen n'a été prononcée
Les juges d'instruction n'ont pas prononcé de mise en examen lors de leur enquête. Fin novembre 2018, les trois gendarmes ayant interpellé Adama Traoré avaient été placés sous le statut de témoin assisté, un statut intermédiaire entre celui de témoin et de mis en examen.
Aucune infraction ne leur était reprochée directement, une expertise médicale ayant affirmé que le pronostic vital du jeune homme était "engagé de façon irréversible" avant son arrestation. Ce dernier souffrant d'une maladie génétique, la drépanocytose, ainsi que d'une pathologie rare, ces deux maux auraient, à l'occasion d'un épisode de stress et d'effort, entraîné une asphyxie.
Selon les avocats des trois gendarmes, "leur audition a permis d'établir qu'à aucun moment ils n'avaient eu connaissance d'un quelconque péril létal" concernant Adama Traoré et qu'ils "ont correctement géré [sa] perte de connaissance jusqu'à sa prise en charge par les pompiers et le Samu".
La famille a demandé à ce que les gendarmes soient de nouveau entendus
Depuis le début de l'affaire, qui avait provoqué cinq nuits de violences dans le Val-d'Oise, les proches d'Adama Traoré ont toujours dénoncé une interpellation violente, accusant aussi les gendarmes de ne pas avoir porté secours au jeune homme, laissé menotté jusqu'à l'arrivée des pompiers.
Après le placement des gendarmes sous le statut de témoin assisté, la famille avait fait la demande d'une contre-expertise. Mais cette démarche a été jugée irrecevable par les juges d'instruction mi-février, selon une source proche du dossier.
Lundi 11 mars, l'avocat de la famille d'Adama Traoré, Yassine Bouzroua, a demandé que les trois gendarmes soient de nouveau entendus. La famille espère ainsi qu'ils soient mis en examen. "Les gendarmes n'ont pas été interrogés sur l'asphyxie liée au poids des trois corps que mon frère a pris", explique à franceinfo Assa Traoré, la sœur de la victime, qui dénonce un "déni de justice".
La famille a transmis aux juges une contre-expertise médicale
La famille d'Adama Traoré a transmis aux juges, lundi 11 mars, une contre-expertise médicale sur le décès du jeune homme, a appris franceinfo de source proche du dossier. Ce rapport met en cause les gendarmes, contrairement à l'expertise judiciaire.
La famille d'Adama Traoré a mandaté des médecins des hôpitaux de Paris : quatre spécialistes des deux pathologies rares dont souffrait le jeune homme de 24 ans. Les médecins sont formels : ces deux pathologies ne peuvent pas expliquer la mort d'Adama Traoré. "Ces experts affirment clairement qu'il existe une seule cause de la mort : les conditions d'interpellation, la violence de cette interpellation, et notamment cette méthode très décriée, le plaquage ventral", a affirmé à franceinfo l'avocat Yassine Bouzrou. Il demande ainsi que la précédente expertise soit "mise de côté".
L'affaire est entre les mains du parquet
Le parquet de Paris a donc reçu le dossier mi-décembre. C'est à lui qu'il revient désormais de se prononcer dans cette affaire. Il peut requérir un non-lieu ou demander des "observations complémentaires". Selon l'article 175 du Code de procédure pénale, le parquet avait trois mois, après la fin des investigations, pour rendre ses réquisitions. La date est donc fixée au jeudi 14 mars. "Les parties disposent de ce même délai (...) pour adresser des observations écrites au juge d'instruction", précise le Code de procédure pénale.
Mais cette première décision des juges d'instruction, de clore l'instruction sans mise en examen, laisse craindre aux parties civiles que l'affaire ne se solde par un non-lieu.
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