Mort d'Adama Traoré en 2016 : "Il n'est pas normal que [les] gendarmes n'aient jamais été entendus par des juges"
Par la voix de son avocat, la famille d'Adama Traoré, mort lors de son arrestation en 2016, est toujours persuadée qu'il s'agit d'une bavure policière. Un rassemblement est prévu ce samedi à Beaumont-sur-Oise.
"Il n'est pas normal que [les] gendarmes n'aient jamais été entendus par des juges d'instruction", a affirmé samedi 21 juillet sur franceinfo Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille d'Adama Traoré mort en 2016 après son interpellation par des gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val d'Oise). Selon lui, il y a des "indices graves et concordants laissant présumer que les gendarmes ont commis l'infraction de violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner." Mais pour l'avocat, c'est la lenteur du dossier que ses clients "ne comprennent pas." Deux mille personnes sont attendues à partir de 14h samedi 21 juillet à Beaumont-sur-Oise, pour dénoncer un "déni de justice."
franceinfo : Comme la famille d'Adama Traoré, vous dénoncez la lenteur de l'enquête ?
Yassine Bouzrou : Il est possible d'affirmer que ce dossier est extrêmement lent. L'enquête est lente, mes clients ne comprennent pas. Je n'ai plus beaucoup d'arguments à avancer à mes clients car il n'est pas logique qu'après deux ans d'enquête, les gendarmes qui ont eux-mêmes reconnus le caractère violent de leur intervention, il n'est pas normal que ces gendarmes n'aient jamais été entendus par des juges d'instruction. C'est anormal. Nous ne comprenons pas pourquoi cette affaire prend autant de temps.
Vous posez la méthode d'interpellation de ces gendarmes. Vous demandez une reconstitution ?
Une reconstitution a été acceptée. Le problème c'est que nous n'avons pas de date. Les magistrats instructeurs attendent le retour des expertises médicales avant de faire une reconstitution et d'entendre les gendarmes. Ce que je peux comprendre. Mais le problème c'est que ces expertises médicales auraient dû être rendues depuis longtemps. Nous savons qu'Adama Traoré est mort par asphyxie. Nous savons qu'Adama Traoré a pris le poids des trois gendarmes sur lui. Ce n'est pas nous qui le disons, ce sont les gendarmes interpellateurs eux-mêmes. Il y a des indices graves ou concordants laissant présumer que les gendarmes ont commis l'infraction de violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner. Il y a un autre fondement juridique, c'est le fondement de la non-assistance à personne en danger, dans la mesure où Adama Traoré est mort dans la cour d'une gendarmerie, qu'il était face contre sol, menotté, alors qu'il est en train de mourir et que personne ne l'a aidé.
Que dit cette affaire du fonctionnement de notre justice ?
Il se trouve que mes clients avaient confiance. Aujourd'hui ils se rendent compte que c'est beaucoup trop long. Depuis deux ans, cinq membres de famille Traoré ont été condamnés pour des affaires qui n'ont pas de liens avec Adama Traoré. On se rend compte qu'ils ont pu être jugés avec des peines d'emprisonnement fermes, certains en appel. Pourquoi, d'un côté, la justice serait extrêmement rapide, voire expéditive. Et pourquoi, lorsqu'il s'agit de gendarmes avec des éléments précis, objectifs, ces derniers ne sont même pas entendus sous le statut de mis en examen. Il y a deux poids deux mesures. Il est très difficile pour la famille Traoré d'attendre calmement des années sans que rien ne se passe. On a l'impression qu'il faut attendre 10 ans que la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France. On a l'impression aujourd'hui que seule la Cour européenne des droits de l'homme décide de rendre justice, mais c'est souvent très longtemps après. Je comprends l'exaspération de mes clients.
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