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Ego bien taillé, gaullisme exacerbé et happenings ratés : qui est vraiment Nicolas Dupont-Aignan ?

Sans cesse réélu dans son fief essonnien, le leader de Debout la France s'attaque à la bataille des régionales avec son slogan fétiche : "ni système, ni extrêmes".

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Nicolas Dupont-Aignan se baîllonne à l'Assemblée nationale pour protester contre les règles de prises de parole dans l'hémicycle, le 12 juillet 2011. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

"Ce sera moi ou Le Pen." Si Nicolas Dupont-Aignan est sûr d'une chose, c'est bien de son destin. Devant l'ampleur de la désaffection qui frappe les partis traditionnels, il en est persuadé : son tour est venu. "On ne pourra pas continuer avec ceux qui ont créé les problèmes d'aujourd'hui. C'est fini. Ils sont morts."

Avant de devenir président de la République, un défi autrement moins ardu s'offre à lui : qualifier sa liste pour le second tour des élections régionales en Ile-de-France. Une marche qu'il est, évidemment, convaincu de franchir sans encombre. Crédité de 8% dans les sondages pour le premier tour (il en faut 10 pour se qualifier), "NDA" n'imagine même pas rester sur le carreau.

"Obama était à 1% et il a gagné la présidentielle américaine", rétorque-t-il, jamais avare d'une comparaison flatteuse. "Je serai au-dessus de 10%, et je maintiendrai ma candidature quoi qu'il arrive", jure-t-il, quitte à offrir la région sur un plateau à la gauche dans une quadrangulaire avec Claude Bartolone (PS), Valérie Pécresse (Les Républicains) et Wallerand de Saint-Just (FN).

Une frontière pas toujours claire avec l'extrême droite

Coincé entre la droite et l'extrême droite, le leader de Debout la France trace sa ligne avec obstination, refusant toute compromission, tant avec les Républicains qu'avec le Front national. "Ni système ni extrêmes", résume le slogan du parti.

Les médias nous assimilent au Front national car nous sommes les deux seuls partis qui veulent restaurer l'indépendance de la France et rompre avec la soumission à l'Europe.

Nicolas Dupont-Aignan, président de "Debout la France"

à francetv info

Mais celui qui se définit comme un "gaulliste social" préfère détailler ce qui le distingue du parti de Marine Le Pen. L'histoire, d'abord : "Le gaullisme, ce n'est pas l'extrême droite." L'économie, ensuite : "Leur projet économique est illusoire et pas ancré dans le réel." Enfin, l'immigration : "On n'a jamais été pour l'immigration zéro, mais pour un contrôle des frontières."

Où se situe la limite entre la droite et l'extrême droite ? Ce n'est pas toujours très clair : quand le député-maire d'Orange, Jacques Bompard, lui apporte son soutien financier, Nicolas Dupont-Aignan n'y trouve rien à redire, arguant que le président de la Ligue du Sud (et co-fondateur du FN) "n'est pas d'extrême droite".

"Chez nous, il n'y a jamais eu la moindre parole xénophobe", souligne-t-il, bien que l'un des vice-présidents de son mouvement, l'écrivain Dominique Jamet, directeur du site Boulevard Voltaire, ait été récemment condamné pour provocation à la haine envers les musulmans. "Ce site ouvre ses pages à tout le monde, et Dominique Jamet ne cautionne pas tout ce qui est écrit", défend Nicolas Dupont-Aignan, qui dit "détester le racisme".

Lorsque le journaliste Frédéric Haziza l'accuse, en février 2014, d'avoir dans son entourage une militante d'"Egalité et réconciliation", groupuscule d'extrême droite dirigé par Alain Soral, Dupont-Aignan s'emporte : "Vous êtes une merde intégrale !", lâche-t-il devant une caméra de Canal + qui passait par là. "J'avais été sali. Avoir été suspecté d'antisémitisme, ça m'avait mis hors de moi", se justifie-t-il aujourd'hui, pour bien signifier qu'il rejette toute forme d'extrémisme.

Des posters de Chaban dans sa chambre d'enfant

Nicolas Dupont-Aignan n'a jamais baigné dans des milieux d'extrême droite. Le petit Nicolas raconte s'être intéressé anormalement tôt à la politique. A peine adolescent, le nez plongé dans les livres d'Histoire ou dans les Mémoires du général de Gaulle, il ne rêve que d'une chose : "devenir député". A 12 ans, il s'amuse avec son meilleur ami à commenter le programme commun de la gauche de 1972. "Je m'en souviens très bien, nous étions dans le train et nous faisions des fiches ! Vous voyez le genre ?"

L'année suivante, il s'engage "à fond la caisse" dans la campagne de Chaban-Delmas. "J'avais même mis des affiches sur les fenêtres de ma chambre, chez mes parents, pour que tous les voisins de l'immeuble d'en face voient que je soutenais Chaban", se souvient-il. Au lycée, au lendemain des législatives de 1978, il apporte la carte des circonscriptions en classe : "On l'a remplie avec les couleurs des partis politiques et je l'ai fait afficher dans la salle !"

Son parcours modèle (Sciences Po puis l'ENA) en fait, malgré lui, un pur produit du "système" qu'il dénoncera des années plus tard. Un "système" qui lui ouvre, dans les années 1990, les portes du corps préfectoral et des cabinets ministériels de François Bayrou à l'Education nationale, puis de Michel Barnier à l'Environnement. Mais sa fibre militante, Nicolas Dupont-Aignan la développe derrière Philippe Séguin, "le seul homme politique que j'ai vénéré", devant lequel "j'ai été en adoration". L'alliance Séguin-Pasqua, formée pour défendre le "non" au référendum sur le traité de Maastricht "était magnifique", se remémore-t-il avec nostalgie.

Philippe Séguin et Nicolas Dupont-Aignan lors d'un colloque à Paris, le 19 octobre 2001. (MAXPPP)

Des scores soviétiques aux élections

Petite main au RPR, Nicolas Dupont-Aignan a des fourmis dans les jambes. L'appel du suffrage universel commence à se faire pressant. C'est à Yerres, dans l'Essonne, qu'il est parachuté en 1995, dans une ville en plein marasme financier.

Tout le monde me disait que c'était ingagnable. On m'a investi là-bas parce que je n'avais aucune chance. Et je gagne dès le premier tour !

Nicolas Dupont-Aignan, président de "Debout la France"

à francetv info

En 1997, en pleine vague rose post-dissolution, son succès aux législatives sur le sortant socialiste l'installe durablement dans le paysage local. Il est, depuis, sans cesse réélu maire et député, avec des scores soviétiques : 76% aux municipales de 2001, 79% en 2008, 77% en 2014...

A mesure qu'il enchaîne les victoires électorales, Nicolas Dupont-Aignan s'éloigne de sa famille politique. Il quitte le RPR en 1999, pour rejoindre le RPF de Philippe de Villiers et Charles Pasqua. De retour à l'UMP en 2002, il claque à nouveau la porte – cette fois définitivement – avant la présidentielle de 2007. "Quand Sarkozy a annoncé qu'il voulait signer un traité pour passer outre le 'non' des Français à la Constitution européenne, ça a été le coup de grâce", explique-t-il.

Debout la République prend son autonomie, et son chef se sent pousser des ailes. Sa première tentative présidentielle, en 2007, est un échec : il n'obtient pas les 500 signatures d'élus pour se présenter. Et quand il passe ce premier cap (en 2012), il ne réalise qu'un modeste 1,79% au premier tour…

Des happenings médiatiques plus ou moins réussis

Il en faut pourtant davantage pour démoraliser cet infatigable bosseur, décrit comme un homme intègre par ses adversaires locaux. Probablement candidat en 2017, le souverainiste ne rate jamais une occasion de faire parler de lui dans les médias, à coups de happenings plus ou moins réussis.

On l'a ainsi vu sur une estrade déchirer un billet géant de 10 euros, à l'Assemblée se bâillonner avec son écharpe tricolore, à l'Elysée offrir une paire de lunettes à François Hollande pour son premier anniversaire de président, traverser la frontière franco-italienne avec une kalachnikov, cadenasser les portes des écoles de sa ville pour protester contre la réforme des rythmes scolaires, louer un ULM pour faire défiler une banderole "Debout la France" le long des plages françaises…

Parfois, l'opération fait un bide. Ce qui, paradoxalement, lui donne une plus grande visibilité, les médias se délectant des mésaventures du pauvre candidat. En juin, en immersion avec la presse dans le RER D (la ligne qui dessert sa ville), Nicolas Dupont-Aignan, sûr de lui, annonce que les portes de la rame s'ouvriront côté droit. Perdu. Le "Petit Journal" de Canal+ s'est fait une spécialité de tourner en dérision ses sorties médiatiques et de moquer son côté désuet qui lui colle à la peau. Fin mai, au péage de Saint-Arnoult (Yvelines) pour dénoncer le "racket autoroutier", il s'apprête à lever les barrières pour laisser passer les automobilistes gratuitement, avant de se rendre compte que lui et ses militants se trouvent du mauvais côté, celui où l'on prend son ticket...

Dupont-Aignan assume son mode de communication, dans un univers qu'il considère comme hostile : "Lorsque j'organise des conférences de presse hyper sérieuses, vous ne venez pas. Je fais ce que je peux avec ce que j'ai", reproche-t-il aux journalistes. A nouveau pris en flagrant délit d'immodestie, il ajoute, en plaisantant à peine : "Le général de Gaulle a pris une radio à Londres, ce n'était pas à la mode !"

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