: Témoignages Présidentielle : ils sont ùgés de 19 à 25 ans et racontent pourquoi ils ont choisi l'action militante plutÎt qu'un parti politique
Au lieu de prendre une carte dans un parti politique, les six jeunes adultes que nous avons interrogés se sont engagés pour une cause "afin de faire bouger les choses".
Ils s'appellent Lena, Tom, Mona, Lauren, Camille et Zoé. Ils ont moins de 25 ans et ont choisi de se battre pour des causes auxquelles ils croient. De la lutte pour le climat à celle contre les violences faites aux femmes, en passant par la défense de la chasse ou la revalorisation des jeunes des quartiers populaires, ils ont décidé d'agir à leur niveau, loin des partis politiques, qu'ils trouvent "éloignés de la réalité". A l'approche de l'élection présidentielle des 10 et 24 avril, pour laquelle certains vont voter pour la premiÚre fois, ils racontent leurs motivations et leur engagement.
Lena, 20Â ans, militante #NousToutes
"Je suivais #Noustoutes sur les réseaux sociaux depuis trois ou quatre ans, mais je voulais faire plus. En tant que femme, je suis confrontée tous les jours à des problÚmes de violence. Du harcÚlement de rue, des remarques sexistes quasi quotidiennes, jusqu'à des violences dans le couple ou des viols. Cela n'était plus possible de ne rien faire, j'avais ça sous les yeux constamment.
Rejoindre un parti ne m'a jamais traversé l'esprit, je ne me suis jamais vraiment intéressée à la politique. Mon engagement chez #NousToutes est plus concret. Quand on interpelle les politiques sur les violences faites aux femmes, on se rend compte qu'il ne se passe pas grand-chose. On connaßt les solutions, mais les moyens ne sont pas alloués, on ne nous écoute pas.
"Peu importe qui sera Ă©lu, on ne sera pas entendues."
LĂ©na, militante #NousToutesĂ franceinfo
J'ai l'impression que ça fonctionne mieux quand la prise de conscience vient de la base et montre que les violences faites aux femmes sont systémiques. C'est cette prise de conscience qui va faire pression sur le monde politique. Sans cela, les femmes et hommes politiques ne verraient pas la nécessité de lutter.
J'espĂšre que la politique peut encore changer les choses, en tout cas c'est le but, mais je suis dĂ©sabusĂ©e. Dans les mĂ©dias et les dĂ©bats, on voit surtout l'extrĂȘme droite, Eric Zemmour, les mĂȘmes thĂšmes, l'islam, la sĂ©curitĂ©... C'est le plus effrayant et ça ne m'attire pas. Il faudrait rĂ©ussir Ă vulgariser un peu plus la politique pour que les jeunes se sentent concernĂ©s."
Tom, 25 ans, président de l'Association des jeunes chasseurs de la Loire
"J'accompagne mon pÚre à la chasse depuis que je suis en ùge de marcher. J'ai eu mon permis à 16 ans. Je préside une association de jeunes chasseurs dans mon département de la Loire. Je ne suis pas vraiment militant, mais j'aime bien défendre mes convictions, sans pour autant aboyer sur le premier individu qui vient me contredire. Mon engagement pour la chasse a été naturel, c'était presque dans mes gÚnes. Dans ma famille, on ne s'intéresse pas à la politique.
"Les femmes et les hommes politiques sont tous pourris, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre."
Tom, président de l'Association des jeunes chasseurs de la Loireà franceinfo
Selon moi, la chasse doit ĂȘtre totalement indĂ©pendante et non rĂ©cupĂ©rĂ©e par un parti. Les femmes et les hommes politiques ne sont au pouvoir que quelques annĂ©es, alors que la chasse se joue sur le temps long. On peut attendre une dizaine d'annĂ©es avant de voir les rĂ©sultats d'une action. Les dĂ©cisions doivent venir de la base, des associations, pour remonter ensuite.
Je prĂ©fĂšre agir au niveau local avec mon association. DĂ©jĂ qu'entre chasseurs, on a du mal Ă se mettre d'accord... Dans un parti, je serais peut-ĂȘtre tout seul Ă lutter pour la chasse, je ne pourrais pas faire bouger les choses. Mais j'ai toujours votĂ© lors des grosses Ă©lections.
Les propositions des candidats sur la chasse pourraient Ă©videmment influer sur mon vote. Le candidat qui veut l'interdire, il n'aura pas ma voix. On compte environ 1,2 million de chasseurs en France. Si on ajoute leur famille, ça fait un gros rĂ©servoir de voix. On peut forcĂ©ment trouver des accords avec les Ă©cologistes. Un chasseur a tout intĂ©rĂȘt Ă voir plus d'animaux et plus de forĂȘts. On ne veut pas tout dĂ©cimer et empĂȘcher la reproduction des espĂšces."
Mona, 22Â ans, militante Ă Ghett'up et Nouvel Air
"Je suis engagĂ©e dans deux associations, Ghett'up et Nouvel Air, qui poursuivent le mĂȘme but : revaloriser les quartiers populaires et les jeunes qui y vivent. Je ne retrouvais pas ces thĂšmes dans les partis politiques, qui sont trĂšs dĂ©connectĂ©s de la rĂ©alitĂ© du terrain. Ce milieu manque d'authenticitĂ©. Je perçois Ă©galement beaucoup de mĂ©pris envers les personnes issues de l'immigration.
Plus jeune, j'Ă©tais trĂšs en colĂšre, je me demandais pourquoi on ne s'intĂ©ressait pas Ă nous. Ou pourquoi toujours de maniĂšre nĂ©gative : la violence, l'islam, le voile, la sĂ©curitĂ©... On nous mĂ©prise, nous humilie. Mon militantisme vient de lĂ . A mon niveau, je pense que je peux changer des petites choses. Je veux dĂ©fendre les personnes qu'on n'entend pas, celles que je frĂ©quente ou que j'ai frĂ©quentĂ©es.Â
Je n'ai encore jamais votĂ©, j'assume et je n'Ă©prouve aucune culpabilitĂ©. J'ai l'impression que mon vote ne changera rien.Â
"Les candidats sont surtout en campagne pour dĂ©fendre leurs intĂ©rĂȘts. Il est de plus en plus question de conquĂȘte du pouvoir."
Mona, militante Ă Ghett'up et Nouvel Air,Ă franceinfo
Aucun candidat ne me reprĂ©sente. La phrase qu'on entend souvent dans la bouche des jeunes des quartiers populaires, c'est : 'DĂšs que les personnes sont Ă©lues, elles ne sâintĂ©ressent plus Ă nous.'
MĂȘme si j'avais confiance en un candidat ou une candidate pour changer les choses, le systĂšme en place fait que ce serait toujours les mĂȘmes personnes qui seraient privilĂ©giĂ©es, les inĂ©galitĂ©s perdureraient. Ceux qui profitent du systĂšme n'ont aucun intĂ©rĂȘt Ă le changer."
Lauren, 24 ans, cocréatrice de l'association Cité des Chances
"Je n'avais pas vraiment d'intĂ©rĂȘt pour la politique avant mon hospitalisation en raison d'un grave souci de santĂ© dans le 16e, Ă Paris. J'ai poursuivi ma scolaritĂ© pendant six mois lĂ -bas et j'ai dĂ©couvert de nouveaux Ă©lĂšves, un nouveau milieu, moi qui ai grandi Ă Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Ils connaissaient la politique, les noms des ministres, des secrĂ©taires d'Etat... En 2017, l'Ă©lection approchait, il fallait faire quelque chose.
Avec Brandy Boloko, on a créé l'association Cité des Chances. On aide les jeunes des quartiers populaires à se familiariser avec la politique, son fonctionnement, et avec les institutions. On essaie de leur faire comprendre qu'ils ont les capacités pour faire partie de la vie politique du pays. Je me sens plus utile ici que dans un parti.
Je suis jeune Ă©lue dans le conseil municipal de ma ville de Fosses (Val-d'Oise), je sais comment les partis fonctionnent au niveau local et national. J'ai plutĂŽt l'impression qu'ils veulent prĂ©server leur place plutĂŽt que de rĂ©ellement rĂ©flĂ©chir au bien commun et Ă l'avenir des gens. On retrouve souvent les mĂȘmes discours dĂ©connectĂ©s.
"Intégrer un parti, ça serait m'éloigner de la réalité des gens."
Lauren, de Cité des Chancesà franceinfo
Cela peut ĂȘtre un cercle trĂšs fermĂ© et parfois hostile dĂšs qu'on a un profil diffĂ©rent. Les partis considĂšrent souvent les jeunes comme une vitrine, mais dĂšs qu'on aspire Ă davantage de responsabilitĂ©s, c'est compliquĂ©. Je ne veux pas ĂȘtre juste la jeune femme noire qu'on 'expose' et ensuite aller dĂ©fendre des propositions que je n'approuve pas et que j'ai subies. Dans le milieu associatif, on se rend vite compte qu'on rĂ©pare les dĂ©faillances de l'Etat. Mais je comprends qu'on veuille se tourner vers la politique parce que le milieu associatif peut ĂȘtre frustrant."
Camille, 19Â ans, militante Youth for Climate
"Je suis militante au sein de Youth for Climate depuis 2019. J'avais connaissance des enjeux Ă©cologiques et de l'urgence, mais je ne savais pas que je pouvais agir. Puis, j'ai entendu le discours de Greta Thunberg lors du Forum Ă©conomique de Davos. En parallĂšle s'organisait la premiĂšre grosse grĂšve pour le climat, ça Ă©tĂ© le tremplin.Â
Chez Youth for Climate, on mÚne une action politique et on sait que le changement passe par là . Mais dans le systÚme tel qu'il est, je ne crois pas que l'action des hommes et femmes politiques puisse avoir un effet. En juillet 2019, Greta Thunberg et trois jeunes de notre association ont été invités à l'Assemblée nationale. Les députés étaient là pour faire des photos et nous féliciter, mais deux heures aprÚs ils votaient le Ceta, l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada.
La discipline de parti ne m'attire pas, c'est un cadre dans lequel je ne me sentirais pas Ă l'aise. Ăa ressemble parfois Ă un combat de coqs et Ă une lutte pour le pouvoir, jusqu'Ă en oublier les Ă©lecteurs. Parfois, je me dis que certains politiques se foutent de nous. Un exemple : la Convention citoyenne sur le climat. Ăa allait dans la bonne direction. Au final, on a un texte vidĂ© de sa substance. Des gens se sont engagĂ©s et on a piĂ©tinĂ© leurs efforts.Â
"Cela ne donne pas confiance et aprĂšs on s'Ă©tonne qu'il y ait de l'abstention."
Camille, de Youth for ClimateĂ franceinfo
Je crois en l'action politique collective, comme la grĂšve mondiale pour la justice Ă©cologique et sociale qu'on organise le 25 mars. Mais j'ai de gros doutes sur le fait qu'on puisse y arriver dans le systĂšme tel qu'on le connaĂźt. Et mĂȘme si un candidat Ă©cologiste arrivait au pouvoir, qu'est-ce qu'il pourrait faire ? ConcrĂštement, comment on arrĂȘte l'action d'une multinationale comme Total par exemple ? Selon moi, on ne pourra pas rĂ©soudre la crise climatique sans changer un systĂšme gangrenĂ© par les puissances de l'argent, les lobbys."
Zoé, 25 ans, militante chez Alternatiba
J'ai commencĂ© en tant que militante Ă Alternatiba, il y a trois ans, via un groupe local Ă Strasbourg (Bas-Rhin). Je me rendais compte de l'Ă©tat d'urgence dans lequel on Ă©tait : les catastrophes, les inondations, les gros incendies... Puis, je constatais la grosse indiffĂ©rence du milieu politique.Â
Les associations et les partis sont un peu complémentaires. On provoque aussi le rapport de force, on peut mener des actions de blocage, alors que les mouvements politiques, comme les Verts au Parlement européen, vont travailler à l'intérieur des institutions. Je connais mal l'organisation des partis certes, mais j'avais davantage de mal à  saisir ce que je pouvais apporter dans un parti, en tant que militante de terrain.
"Je voulais mener une action concrÚte et je préfÚre cette organisation collective, horizontale, qui permet d'avoir une grande autonomie, notamment au niveau local."
Zoé, d'Alternatibaà franceinfo
On tient vraiment à rester apartisans. Je ressens que mes amis et beaucoup de jeunes de mon ùge se sont éloignés des sujets politiques. Ils ne se sentent pas représentés et ont perdu la sensation qu'ils pouvaient agir en tant que citoyens. C'est cette sensation que je voulais retrouver, celle de pouvoir transformer mon quotidien."
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