Présidentielle 2022 : Marine Le Pen se veut "plus présidentiable, plus consensuelle", mais reste sur une ligne d'extrême droite, selon un politologue
Le programme de Marine Le Pen "s'inscrit tout à fait dans la ligne droite et d'extrême droite du Front national d'antan", estime sur franceinfo Erwan Lecœur, spécialiste de l'extrême droite.
À six jours du premier tour de l'élection présidentielle, l'écart se resserre dans les intentions de vote entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. La candidate du Rassemblement national gagne du terrain pour atteindre le score qu'elle avait réalisé il y a cinq ans (21,3% des voix au premier tour en 2017), mais elle semble disposer d'un réservoir de voix plus important cette année et d'une image moins clivante. Pour autant, selon Erwan Lecœur, politologue et sociologue, spécialiste de l'extrême droite, invité de franceinfo lundi 4 avril, son programme "s'inscrit tout à fait dans la ligne droite et d'extrême droite du Front national d'antan."
franceinfo : Est-ce que cette image plus consensuelle chez Marine Le Pen se retrouve dans son programme ?
Erwan Lecœur : Non. Elle ne se trouve pas dans son programme de façon évidente, son programme est un peu toujours le même. Un programme qui, en gros, vient de l'extrême droite, du Front national qui a été légèrement remanié en 2012, en 2017 et encore récemment, mais légèrement à la marge. Ce qui est fondamental dans le programme du Rassemblement national, c'est l'idée de redonner la parole au peuple par des référendums qui seraient très encadrés et une vision un peu autoritaire et un peu conservatrice de la société française. Et donc, cet excès de démocratisme, disons-le, permettrait à Marine Le Pen de faire passer un certain nombre de choses sur des sujets tels que la remise en cause de l'avortement libre et gratuit, la remise en cause de la fin de la peine de mort, et tout un tas d'autres sujets qui sont des anciens sujets pour le Front national que Marine Le Pen remet au goût du jour sous un modèle de type référendum pour ne pas avoir à assumer complètement ce qu'elle dit.
Est-ce un programme qui s'inscrit dans l'histoire de son mouvement et de l'extrême droite ?
Oui, tout à fait, qui s'inscrit tout à fait dans la ligne droite et d'extrême droite du Front national d'antan. Donc, c'est bel et bien toujours un peu le même fond programmatique avec une façon de faire plus présidentiable, plus consensuelle et qui prend aussi des éléments d'un populisme qui se voudrait ni droite ni gauche, comme cela a été défini dès les années 90.
Est-ce qu'Eric Zemmour sert d'épouvantail à Marine Le Pen ?
Absolument. Il a rendu plus sérieuse Marine Le Pen, plus sympathique parce que lui-même est apparu peu sympathique, très extrémiste, très à droite. Il le dit lui-même, son objectif est de rassembler à la droite de la droite, ce n'est plus l'objectif de Marine Le Pen. Et puis, médiatiquement Éric Zemmour est apparu beaucoup plus dur à l'égard des femmes, à l'égard de la gauche. Il a parlé des socialo-communistes. On n'avait plus entendu ce mot-là, sinon dans la bouche de Jean-Marie Le Pen. Ce n'est pas du tout le langage de Marine Le Pen, qui est beaucoup plus caressante, beaucoup plus protectrice, beaucoup plus femme, aussi féminine. Et on le sent bien dans une grande partie de l'électorat que son père n'avait jamais réussi à séduire. Elle y arrive beaucoup plus facilement aujourd'hui qu'Éric Zemmour. Et donc, il y a là une chance pour elle de pouvoir récupérer un électorat qui se serait déplacé pour Éric Zemmour au premier tour et qui, au deuxième, serait disponible pour elle, ce qui n'était pas le cas les fois d'avant.
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