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Comment Macron met son réseau de parlementaires En marche pour la présidentielle

L'opération "grande marche", initiée par le ministre de l'Economie, débute samedi. En coulisses, le réseau de l'ancien banquier d'affaires se tisse au sein du PS, en vue d'une éventuelle candidature pour la présidentielle de 2017. 

Article rédigé par franceinfo - Juliette Duclos
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Emmanuel Macron, à Paris le 23 mai 2016, lors de son discours sur la "Nouvelle France industrielle" (MAXPPP)

Ils sont une petite dizaine à table, ce mercredi 18 mai à midi, dans une des salles de réception du ministère des Finances, à Bercy. Au menu : du poisson, du fromage et la loi Travail, de l'opposition à ce texte aux échauffourées. Ou encore des questions régaliennes, "car il ne faut pas qu'Emmanuel soit pâle sur cette problématique". Emmanuel Macron, c'est l'hôte du jour.

Autour de la table, avec lui, les députés Alain Tourret, du Parti radical de gauche, Stéphane Travert, plutôt proche de l'aile gauche du PS, Jean-Jacque Bridey et Corinne Erhel, ainsi que les sénateurs Gérard Collomb et François Patriat. "Mais ce midi, c'était quand même un peu particulier", glisse Stéphane Travert. La discussion tourne rapidement autour des propos de Gérard Collomb. Le matin même, le sénateur-maire de Lyon (Rhône) a annoncé de façon tonitruante, sur BFMTV, son soutien à Emmanuel Macron en cas d'éventuelle candidature à la présidentielle.

Un simple repas qui en dit long sur les mouvements stratégiques qui s'opèrent en coulisses. Et sur l'élaboration d'une nouvelle écurie "macronienne" au Parti socialiste. "On se retrouve régulièrement tôt le matin au Sénat ou à l'Assemblée nationale, pour savoir si telle ou telle personne serait intéressée pour rejoindre le réseau", raconte un parlementaire. A l'Assemblée ou au Sénat, les soutiens du ministre de l'Economie s'activent discrètement pour rassembler des élus. Tout laisse à penser que la machine présidentielle est en marche.

"Tu vas faire comme ton fils ?"

François Patriat, sénateur PS de la Côte-d’Or, se considère comme un "macronien ou macroniste, au choix". Un élu passe à proximité. "Alors, tu vas faire comme ton fils, j'espère ?", lui lance-t-il. L'intéressé esquisse un sourire et continue son chemin. "Sa progéniture a été vue avec Emmanuel", poursuit François Patriat. Au sénateur de convaincre le père.

"Emmanuel Macron mise sur la société civile avec le mouvement En marche, mais il sait qu’il ne pourra pas se passer du soutien d’élus nationaux et locaux", confie-t-il. Une mission compliquée au sein de la maison socialiste pour le ministre de l'Economie, nouveau venu en politique. Cela fait plusieurs mois que François Patriat fait office d'intermédiaire au Sénat en mobilisant ses (nombreux) réseaux. A 73 ans, l’homme se définit comme "un ancien mendésiste, ancien rocardien, ancien mitterrandien." Il sourit, "j'ai même fini par jouer au golf avec Dominique Strauss-Kahn."

Avec ce que Gérard Collomb a déclaré, on peut être sûr que la pression va monter au Parti socialiste, mais au moins maintenant, c’est dit, et on assume.

François Patriat

à francetv info

Récemment, une liste confidentielle destinée au ministre a même été publiée dans la Tribune. Elle recensait les noms de 17 sénateurs favorables à Emmanuel Macron, "et depuis que la note est sortie, je ne m’en cache plus". Désormais, François Patriat joue officiellement "le rôle de son bureau de recrutement." Parmi ses prises de guerre, Nicole Bricq, sénatrice du Seine-et-Marne, et ancienne ministre du Commerce extérieur, ou encore Bariza Khiari, sénatrice de Paris et nouvelle présidente de l'Institut des cultures d'islam (ICI). Comment se déroulent les recrutements ? "Les sénateurs savent que je roule pour lui, ils viennent me voir, on discute et ils finissent par me demander son numéro de portable", détaille le sénateur PS de la Côte-d’Or.

François Patriat, à Amiens, pour le lancement d'En marche, le 6 avril 2016. (MAXPPP)

Une soixantaine de maires intéressés

Sur le bureau d'Alain Tourret trône une photo de l'élu en compagnie d'Emmanuel Macron, et du Premier ministre de Tokyo, Shinzō Abe. "C'est pas tout le monde qui mange avec lui ! Il est même venu deux fois chez moi à Versailles et dans ma circonscription en Normandie", s'enorgueillit le député du Calvados.

Vous savez, moi j'ai commencé la politique en étant séduit par Kennedy. Et Emmanuel, il me fait penser à lui.

Alain Tourret

à francetv info

Quel est l'essentiel du travail de ces "macroniens" ? Convaincre lors de discussions informelles entre deux commissions ou réunions, car "beaucoup d’élus sont dans l’expectative aujourd’hui, ils attendent de voir comment cela va se passer pour se prononcer", confie Alain Tourret. Le Normand s'occupe de réunir les troupes, chez les socialistes et les radicaux de gauche au Palais Bourbon, car "la force et la faiblesse d'Emmanuel, c’est qu’il n’est pas socialiste".

Mais le député fait également office de VRP dans son fief. "J'ai déjà une soixantaine de maires intéressés par le personnage dans ma circonscription, et ils ne sont pas tous au PS..."  Des élus locaux essentiels. En cas de candidature face au président de la République, Emmanuel Macron devra ainsi partir à la recherche des 500 signatures nécessaires pour se présenter. 

Un discours officiel tout autre

Mais si en coulisses, le ministre de l'Economie place ses pions et rassemble des alliés, le discours officiel est tout autre. Lors du lancement du mouvement En Marche, à Amiens (Somme) le 6 avril, Emmanuel Macron déclare ainsi que "ce n'est pas un mouvement pour avoir une énième candidature à la présidentielle. Ce n'est pas ma priorité du moment".  

Ils sont quelques-uns à parler au nom du ministre, comme les députés Arnaud Leroy, Pascal Terrasse ou Richard Ferrand. Ce dernier refuse d'évoquer la construction d'un réseau en sous-main. "Nous n’avons pas cherché à faire un club d’élus ou un sous-courant du PS, comme cela se fait habituellement", assure-t-il. Pour la garde rapprochée d'Emmanuel Macron, le soutien affiché de Gérard Collomb était prématuré. A l'image de l'ancien banquier, Richard Ferrand évite scrupuleusement d'évoquer les sujets qui fâchent.

Aujourd'hui, on spécule dans le vide, on verra quelle sera la situation au mois de décembre, le président de la République a dit qu'il se prononcerait à ce moment-là.

Richard Ferrand

à francetv info

Une candidature dissidente ? 

Pour autant, la question est omniprésente au sein de l'écurie "macronienne". Avec un président de la République au plus bas dans les sondages, différends scénarios sont envisagés. La première option est liée à une candidature de François Hollande. S'il y a un rebond dans les sondages, alors Emmanuel Macron pourrait l'accompagner. Si la situation reste similaire, la possibilité d'une candidature rivale est évoquée à demi-mot. "Peut-être qu'En Marche pourrait devenir un véritable parti, si la situation l'impose", explique un parlementaire proche du ministre. Une éventualité peu probable, selon François-Xavier Bourmaud, journaliste au Figaro. "Le problème d’Emmanuel Macron, c’est qu’il est coincé par sa loyauté envers Hollande", assure l'auteur d'Emmanuel Macron, le banquier qui voulait être roi, à Paris Match

Le scénario espéré par les "macroniens", réside sur l'incapacité de François Hollande à se représenter du fait de son impopularité. L'objectif ? Qu'Emmanuel Macron soit perçu au Parti socialiste comme la seule alternative possible à gauche pour remporter la présidentiellePour Gérard Collomb, "si au mois de décembre, François Hollande est toujours autour de 14-15% dans les sondages et qu'Emmanuel Macron est toujours aux alentours de 28-30%, évidemment, à un moment donné, il sera candidat. Cela se fera naturellement".

Il cherche donc à justifier une candidature à la présidentielle sans passer pour un traître. Ou en faisant en sorte que Hollande soit si durablement affaibli qu’il ne puisse pas se représenter.

François-Xavier Bourmaud

Paris Match

"Un club de supporters"

Mais l'arrivée de l'écurie "macronienne" ne se fait pas sans heurts, ni coups bas dans un Parti socialiste divisé entre différents courants. Chez les sociaux-démocrates, la bataille s'annonce sanglante. Pour les "macroniens", le destin politique de Manuel Valls est intrinsèquement lié à François Hollande. La rivalité, si elle existe entre les deux hommes, ne serait pas une menace. Un positionnement qui a le don d'agacer Christophe Caresche, le député de Paris. "Si François Hollande n'est pas candidat, ce sera peut-être Emmanuel Macron... Ou peut-être Manuel Valls. Lui, au moins, il est porteur et ne se positionne pas dans une discours critique du quinquennat", fulmine l'élu.

Pour les partisans de Manuel Valls, la légitimité de ce ministre hors-sol, "qui ne paye même pas ses cotisations car il n'est toujours pas encarté" au PS n'est pas gagnée, selon les mots d'un supporter du Premier ministre. "Emmanuel Macron, c’est le Donald Trump français, avec sa politique de la table rase. Et le mouvement En marche, c’est un club de supporters", poursuit Christophe Caresche. Les prochaines semaines s'annoncent brûlantes au sein du PS.

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