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Vrai ou faux Election présidentielle : Gabriel Attal a-t-il le droit de soutenir Emmanuel Macron avec son compte Twitter de porte-parole du gouvernement ?

Le jeune secrétaire d'Etat a provoqué de nombreuses réactions en postant une vidéo de soutien au candidat Macron depuis son compte Twitter de membre du gouvernement. Un mélange des genres contraire au Code électoral.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le secrétaire d'Etat Gabriel Attal, le 23 mars 2022, à Paris. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Sur la vidéo, publiée mardi 29 mars, Gabriel Attal apparaît décontracté. La cravate est tombée et le jeune secrétaire d'Etat se présente souriant pour mobiliser les troupes macronistes en vue du meeting d'Emmanuel Macron à Nanterre, prévu le 2 avril. Dès les premières images, un bandeau laisse peu de place au doute quant à la fonction de l'intervenant, avec la mention "porte-parole du gouvernement". 

Au cours de la "période de réserve", qui a démarré le 18 mars, les membres du gouvernement sont invités à ne pas utiliser les moyens de l'Etat dans le cadre de la campagne électorale. Par conséquent, comme le rappelle une circulaire du secrétariat général du gouvernement, "les ministres ne peuvent pas intervenir dans la campagne électorale ou apporter un soutien à un candidat dès lors que ces ministres s'expriment 'officiellement' en tant que membres du gouvernement".

"En théorie, on est en infraction"

Les opposants au président de la République n'ont pas manqué l'occasion pour dénoncer un mélange des genres entre l'action gouvernementale et le soutien au candidat Macron. "Vous n'avez sûrement pas reçu la circulaire du secrétariat général du gouvernement sur la période de réserve des ministres et la communication gouvernementale", a ainsi piqué la sénatrice LR Valérie Boyer.

Le Code électoral permet à un ministre de participer à la campagne électorale, mais il rappelle aussi dans son article L. 52-1 qu'on "ne peut pas utiliser à des fins de propagande électorale des moyens de communication institutionnelle", observe l'avocat Christophe Pichon, spécialiste en droit électoral au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel. L'article L. 52.8 ajoute que les personnes morales (hormis les partis), donc l'Etat, ne peuvent pas participer au financement de la campagne électorale d'un candidat en lui fournissant des services.

Libération avait déjà épinglé Gabriel Attal pour avoir cumulé ses casquettes de porte-parole et de soutien de candidat lors de diverses interview, mais, cette fois, c'est l'utilisation du compte Twitter du secrétaire d'Etat qui pose question. "En théorie, le compte utilisé par le porte-parole du gouvernement devrait être utilisé pour porter la parole du gouvernement, sinon on est en infraction", estime Christophe Pichon. "Il n'a pas le droit de mélanger le compte de porte-parole du gouvernement et un compte de soutien dans la campagne, ça ne me paraît pas possible", confirme l'avocat en droit public Louis le Foyer de Costil.

Un compte Twitter "personnel"

Du côté de Gabriel Attal, on assure que tout est fait dans les règles. "Rien n'empêche un ministre en fonction de faire campagne, de participer à des activités militantes ou que son titre soit rappelé à ces occasions, répond à franceinfo le cabinet du secrétaire d'Etat. En revanche, tout usage de moyens de l'Etat est interdit. Dans ce cas précis, et comme cela a été le cas pour d'autres ministres et élus, Gabriel Attal a relayé sur son compte Twitter personnel une vidéo réalisée par les équipes de campagne, dans le cadre d'un déplacement de campagne, financé par le budget de la campagne."

"Aucun moyen de l'Etat n'a ainsi été engagé ni de près ni de loin."

Le cabinet de Gabriel Attal

à franceinfo

Même son de cloche du côté de Matignon, où l'on assure que sur les réseaux sociaux, "les comptes personnels des ministres – et pas les comptes des ministères – peuvent être utilisés pour y diffuser des messages considérés comme 'militants'. Mais, là encore, aucun moyen de l'Etat ne doit concourir à leur réalisation, qu'il s'agisse de moyens matériels (smartphone, ordinateur…) ou humains (community management assuré par un membre du cabinet)." Plusieurs autres ministres, comme Olivier Véran, Marlène Schiappa ou Jean-Michel Blanquer, utilisent d'ailleurs leurs comptes sur les réseaux sociaux pour faire campagne. 

La Commission de contrôle a déjà épinglé Emmanuel Macron

Le 11 mars, la Commission nationale de contrôle de la campagne (CNCCEP) a créé un précédent en demandant à Emmanuel Macron de ne pas utiliser son compte Twitter pour faire campagne, "compte tenu des caractéristiques de l'utilisation de ce compte Twitter, utilisé de longue date et de façon prépondérante pour relayer des messages afférents à l'exercice de ses fonctions de président de la République", selon le communiqué. Autrement dit, puisque le chef de l'Etat s'est servi de son compte pour vanter son action gouvernementale depuis cinq ans, il ne peut pas le transformer d'un coup en compte de candidat. Dans d'autres pays, comme aux Etats-Unis, il existe d'ailleurs un compte dédié à la fonction présidentielle.

Depuis l'alerte de la Commission de contrôle, Emmanuel Macron fait donc preuve de prudence sur son compte et se contente de renvoyer vers son compte de campagne @avecvous. De leur côté, Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, et Anne Hidalgo, maire de Paris, n'ont en revanche pas cessé d'utiliser leurs comptes Twitter. La CNCCEP juge "que nous sommes en situation de position dominante, parce que le compte Twitter de Macron a huit millions d'abonnés", déplore l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron auprès de l'hebdomadaire Marianne

Selon les spécialistes interrogés par franceinfo, la même règle devrait malgré tout s'appliquer aux autres candidats, comme aux ministres. "Dès lors que le compte est utilisé de manière prépondérante et de longue date, il est préférable que Gabriel Attal s'abstienne d'utiliser ce compte pour faire campagne, insiste l'avocat Christophe Pichon. Il ne faut pas laisser penser qu'on a la contribution d'une personne morale, en l'occurrence l'Etat, dans la campagne."

"Le principe, c'est de dire qu'il faut être extrêmement prudent pour éviter le mélange des genres et la confusion."

Christophe Pichon, avocat en droit électoral

à franceinfo

Que risque donc Gabriel Attal en utilisant son compte de porte-parole pour faire campagne ? "La Commission nationale de contrôle va peut-être lui taper sur les doigts… mais voilà. Je vois assez mal le Conseil constitutionnel annuler une élection présidentielle sur un sujet de ce type", répond Christophe Pichon. Sollicitée, la CNCCEP n'a pas répondu pour l'heure à franceinfo, mais le risque juridique semble faible pour les membres du gouvernement. En revanche, Gabriel Attal et les autres ministres s'exposent en prêtant le flanc aux critiques de l'opposition.

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