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Résultats du 2e tour des élections municipales 2020 : pour le RN, la victoire à Perpignan cache un bilan en demi-teinte

Pour la première fois, le parti d'extrême droite remporte une ville de plus de 100 000 habitants. 

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Louis Aliot à Perpignan, le 28 juin 2020, s'adresse à des journalistes après avoir été élu maire du chef-lieu des Pyrénées-Orientales. (RAYMOND ROIG / AFP)

Le Rassemblement national affichait un certain sourire, dimanche 28 juin, à l'issue du second tour des élections municipales. La mairie de Perpignan (Pyrénées-orientales) a été remportée par Louis Aliot, ancien vice-président du Front national. Il s'agit de la première ville de plus de 100 000 habitants conquise par le parti d'extrême droite. Marine Le Pen, la présidente du RN, y voit "une grande victoire" et un "déclic".

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 Pourtant, Nicolas Lebourg, historien et spécialiste de l'extrême droite, se montre plus réservé. "Perpignan est l'arbre qui cache le reste des résultats, puisque le parti aura moins de conseillers municipaux qu'en 2014, commente-t-il auprès de franceinfo. Globalement, le résultat est quand même extrêmement décevant pour le RN." Et d'ajouter : "Evidemment la victoire sur une ville de 100 000 habitants rattrape cet échec, mais sur une ligne qui n'est pas la ligne du parti."

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"Pas un résultat que l'on peut qualifier de mauvais"

Louis Aliot, arrivé en tête lors du premier tour, a mené campagne sans l'étiquette du Rassemblement national, avec des personnes venues d'horizons divers. Il a fini par battre le front républicain qui s'était formé pour tenter de lui faire barrage. Il est "sur une ligne de fusion des droites", "avec des signaux à l'électorat conservateur, des signaux à l'électorat libéral", commente Nicolas Lebourg. "Dans l'entre-deux-tours, Louis Aliot a tendu la main à l'électorat de La République en marche par exemple. Ce n'est pas ce que l'on voit à l'échelle nationale", souligne-t-il.

Pour le politologue Olivier Rouquan, "sa stratégie d'ouverture vis-à-vis des partis est semblable à celle de Robert Ménard". Ce dernier, maire de Béziers (Hérault), a été élu en 2014 avec le soutien du parti d'extrême droite et réélu dès le premier tour en 2020 avec 68,74% des voix. Pour le spécialiste, "le RN n'a pas un résultat que l'on peut qualifier de mauvais", rappelant que les maires RN sortants ont été reconduits. En effet, lors du premier tour des élections municipales, le parti de Marine Le Pen a obtenu des scores très élevés dans la plupart des dix villes qu'il détient depuis 2014.

Lorsque le RN a remporté cette vague de premières villes, il y a six ans, des observateurs et opposants anticipaient un éventuel problème dans la gestion de la ville. Or, "nous voyons bien que les habitants de la plupart des villes gérées par le RN, quand on leur demande 'stop ou encore', disent 'encore'", constate Jean-Yves Camus, directeur de l'observatoire des radicalités politiques. Nicolas Lebourg note que Louis Aliot est un fervent défenseur des référendums et qu'il sera intéressant d'observer s'il compte gérer Perpignan à l'aide, entre autres, de ce dispositif.

"Le parti se constitue des fiefs géographiques"

En plus de la victoire marquante à Perpignan et des reconductions dès le premier tour, le Rassemblement national a remporté de nouvelles villes au second tour, souligne Jean-Yves Camus. C'est le cas de Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, et Mazan et Bédarrides, dans le Vaucluse. A Moissac, ville de 12 000 habitants, les raisons de la victoire du RN sont "très bien cernées", estime Jean-Yves Camus, qui mentionne la pauvreté, l'insécurité et la question "des travailleurs saisonniers qui, visiblement, a beaucoup compté dans le vote des habitants".

Toutefois, le nombre de ces nouvelles mairies aux couleurs du Rassemblement national reste extrêmement limité. "Un succès pour le RN aurait été une dizaine de villes de plus, mais on ne peut pas non plus parler d'échec", résume Olivier Rouquan. "En janvier, LREM avait listé 137 villes que le Rassemblement national pouvait gagner, nous en sommes très loin", rappelle de son côté Jean-Yves Camus.

Pour ce dernier, le Rassemblement national est "peut-être en train de se constituer des fiefs géographiques, et s'oriente vers la gestion de villes de 10 000, 15 000, 20 000 habitants". "Cela peut avoir une incidence au niveau de l'intercommunalité et cela peut avoir une incidence à terme, si cette tendance se poursuit, sur les sénatoriales", remarque-t-il.

"Tout cela n'amène pas au pouvoir"

"Mais tout cela n'amène pas au pouvoir, tranche Jean-Yves Camus. Cela installe dans une posture inconfortable : celle du parti qui a une opposition énorme au niveau national lors des élections présidentielles, une forte opposition lors des élections régionales, notamment dans des régions-clés comme la Provence-Alpes-Côte d'Azur, les Hauts-de-France, l'Occitanie. Mais qui, au fond, est peut-être destiné à rester comme ça", imagine le politologue.

Les spécialistes joints par franceinfo s'accordent à dire que les résultats de ces élections municipales ne permettent pas de se projeter sur les futures élections départementales, régionales et encore moins pour la présidentielle de 2022. Pour eux, la participation extrêmement faible et le contexte sanitaire exceptionnel rendent ce scrutin extrêmement difficile à analyser.

D'après Olivier Rouquan, en dehors du cas d'Europe Ecologie-Les Verts, il est délicat de dresser un bilan du rapport de force entre les formations politiques. "Aujourd'hui ont voté les sympathisants et les militants, ceux qui s'intéressent à la politique. Cela ne donne pas une idée de la dynamique dans laquelle se trouve le Rassemblement national", juge-t-il. Jean-Yves Camus, lui, rappelle "que les élections municipales sont souvent de mauvaises élections pour le RN".

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