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Programme, équipe, affiches... Les casse-tête qui attendent Agnès Buzyn lors de sa campagne municipale éclair à Paris

Malgré l'enthousiasme suscité par la candidature de l'ex-ministre dans les rangs du parti présidentiel, la remplaçante de Benjamin Griveaux va devoir relever de nombreux défis.

Article rédigé par Ilan Caro, Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
La candidate LREM à l'élection municipale de Paris, Agnès Buzyn, et le délégué général de LREM, Stanislas Guérini, lors d'une rencontre avec les militants "marcheurs" le 16 février 2020 dans un café parisien. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Quatre semaines pour convaincre. Agnès Buzyn a pris, lundi 17 février, les rênes de l'équipe de La République en marche (LREM) pour une course éclair à la mairie de Paris. Un défi de taille, alors que Benjamin Griveaux, mis hors jeu après la diffusion de vidéos intimes, stagnait à la troisième place dans les sondages, derrière la maire socialiste sortante Anne Hidalgo et la candidate Les Républicains Rachida Dati.

A cause de son entrée tardive dans la course, Agnès Buzyn, critiquée par ses rivaux pour avoir "abandonné" le ministère de la Santé, se retrouve face à plusieurs casse-tête. Du programme de Benjamin Griveaux à amender sans dénaturer, aux milliers de tracts à réimprimer, la course contre la montre a déjà commencé.

Elaborer son programme (sans renier celui de Benjamin Griveaux)

Alors que le programme de Benjamin Griveaux était déjà imprimé pour être distribué jeudi 20 février dans les boîtes aux lettres, l'urgence est à la finalisation des engagements de la nouvelle candidate. Agnès Buzyn s'y est attelée dès lundi 17 février, en passant une grande partie de la journée enfermée dans son QG avec ses équipes pour "s'imprégner du programme" et "voir la façon dont elle va pouvoir l'incarner", rapportent plusieurs membres de la campagne à franceinfo.


"Vous aurez ma feuille de route, ne vous inquiétez pas elle sera claire"
, a assuré lundi matin Agnès Buzyn aux caméras de LCI, promettant "de la sécurité, de la propreté, de l’apaisement, du respect". "Sécurité" et "propreté" ? Les deux premiers engagements de Benjamin Griveaux. "Il reste quatre semaines, on ne va pas réécrire le programme", confirme à franceinfo Eric Azière, tête de liste dans le 14e arrondissement.

Pour autant, Agnès Buzyn va y imprimer "sa patte", indiquent plusieurs membres de la campagne. Le projet de Benjamin Griveaux de déplacer la gare de l'Est pour la remplacer par un "Central Park parisien", tout comme l'apport de 100 000 euros pour aider les Parisiens à accéder à la propriété ne devraient ainsi pas figurer au programme de la candidate. "On doit se recentrer sur l'essentiel, on n'a pas de temps pour les polémiques et les mesures qui pourraient être mal comprises", justifie une cadre de la campagne. 

Trouver un arrondissement où se présenter

Depuis des mois, Agnès Buzyn laissait planer le suspense sur une candidature dans le 15e ou dans le 6e arrondissement, avant d'y renoncer à cause de son "agenda trop chargé". En reprenant le flambeau de Benjamin Griveaux, la nouvelle cheffe de file de la macronie à Paris va devoir se trouver son point de chute électoral. "Il a été décidé collectivement qu'on ne toucherait pas aux têtes de listes déjà désignées", confie un candidat. Agnès Buzyn ne devrait donc pas prendre les rênes de la liste du 15e arrondissement, où une candidate "très appréciée des 'marcheurs' locaux", Catherine Ibled, a été désignée fin janvier.

L'ex-ministre de la Santé pourrait en revanche conduire la liste du 6e arrondissement, où LREM n'a encore désigné personne, ou plus vraisemblablement celle du 17e arrondissement, que Benjamin Griveaux dirigeait avant son abandon.

Le 17e serait le plus logique, mais ce n'est qu'une option.

Une tête de liste d'arrondissement

à franceinfo

Un membre de la commission départementale d'investiture ajoute qu'Agnès Buzyn "pourrait aussi se présenter en deuxième ou troisième position sur une liste d'un autre arrondissement", à l'image d'Anne Hidalgo, candidate à la deuxième place derrière le maire socialiste sortant du 11e arrondissement. La décision, toujours en discussion, est en tout cas imminente. S'il reste encore du temps avant la date limite de dépôt des candidatures (fixée au 27 février), les équipes de LREM souhaitent en effet boucler cet aspect le plus tôt possible pour pouvoir se consacrer à la campagne proprement dite.

Travailler avec une équipe qu'elle n'a pas choisie

Les listes étant quasiment bouclées, le casting des candidats ne devrait plus changer. L'organisation interne de la campagne ne sera pas bousculée non plus, même si Agnès Buzyn emmène dans ses bagages deux de ses collaboratrices au ministère de la Santé. En débarquant au pied levé, elle va devoir composer avec des équipes déjà en place qu'elle n'a pas choisies et qu'elle n'a, pour certaines, jamais rencontrées.

Pour ses premières heures de campagne, Agnès Buzyn a donc choisi de rester au plus près des candidats et militants qui s'étaient engagés derrière Benjamin Griveaux. Une première rencontre a eu lieu dimanche soir, dans un café du 9e arrondissement, avec plus d'une centaine de "marcheurs" venus faire la claque devant les journalistes, prévenus pour l'occasion.


La nouvelle candidate a passé son lundi avec les chevilles ouvrières de la campagne, au QG situé boulevard du Montparnasse. Une journée entrecoupée par un long déjeuner, de presque trois heures, avec les têtes de liste de chacun des arrondissements. Au menu : un tour de table pour faire mieux connaissance, selon un participant. "Chacun s'est exprimé à tour de rôle. De son côté, on a senti une candidate avec une vision et une compréhension de la capitale", relate ce convive.

L'irruption d'Agnès Buzyn dans le meccano de la campagne s'est aussi concrétisée sur les différentes boucles Telegram qui permettent aux équipes de converser. "Elle a été intégrée à notre groupe de discussion lundi matin, chacun a pu lui souhaiter la bienvenue", raconte ainsi une référente LREM de la capitale. Il sera ensuite temps pour Agnès Buzyn d'entrer dans le vif de cette campagne éclair. "Elle nous a dit qu'elle passerait partout et très vite", souligne un autre référent LREM, qui l'attend de pied ferme dans son arrondissement.

Réimprimer des milliers de tracts et d'affiches

Qui dit changement de candidat dit aussi… changement de tous les supports de communication. Le nouveau logo "Paris Ensemble avec Agnès Buzyn" a été envoyé lundi aux équipes, assure Rémi Chauvet, référent LREM dans le 10e arrondissement. En attendant la photo officielle, qui devrait arriver en début de semaine, les équipes des arrondissements font au mieux, choisissant parfois d'imprimer des "tracts intermédiaires" sans le nom et le visage de Benjamin Griveaux.

"On les a commandés ce lundi pour tenir une petite semaine", confie ainsi Fanta Berete, référente dans le 15e arrondissement. Du côté du 16e arrondissement, les tracts de la candidate Hanna Sebbah, avec la mention du nom d'Agnès Buzyn et une ancienne photo, ont été réimprimés dans l'urgence lundi.


Après avoir rencontré les têtes de liste lundi matin, la nouvelle candidate s'est d'ailleurs prêtée au jeu des photos. Rien d'officiel, assurent plusieurs participants au déjeuner, mais à défaut de figurer sur les affiches de campagne, ces clichés pourraient déjà être utilisés pour les premiers tracts ce week-end, espère Marianna Mendza, référente dans le 11e arrondissement.

Une chose est sûre : "On ne va pas refaire la même séance photo que celle de Benjamin… Ça n'avait pas été très apprécié", reconnaît dans un sourire un référent LREM. "Le shooting show-biz où il se marrait avec ses colistiers avait suscité un tombereau d'insultes… C'était une erreur, il ne faut pas faire de second degré avec les réseaux sociaux", estime aussi une tête de liste parisienne.


Mais il reste encore beaucoup à faire. Imprimé en masse en vue d'être distribué jeudi 20 février dans les boîtes aux lettres des Parisiens, le programme de Benjamin Griveaux a par exemple fini à la poubelle. 
"C'est de l'argent supplémentaire à dépenser, mais ce n'est pas faramineux, on est très loin du plafond de 2,4 millions d'euros à ne pas dépasser", se console Sylvain Maillard, président de l'association de financement de la campagne. Lundi soir, le site officiel de la campagne continuait aussi d'afficher le visage de l'ex-candidat.

Se réconcilier avec Cédric Villani

Et si le crash de Benjamin Griveaux permettait de réaliser l'impossible ? Un rapprochement avec le camp du député de l'Essonne ne semble plus hors de portée. Lundi, Agnès Buzyn a d'ailleurs pris attache avec le mathématicien. Si le duel avec Griveaux était aussi une guerre d'ego, ce n'est pas le cas avec l'ex-ministre de la Santé, dont la personnalité pourrait aider à apaiser les relations dans l'optique des alliances de second tour.

Agnès exprime une bienveillance, une écoute qui contraste avec la caricature qui avait été faite de Benjamin et qu'il traînait comme un boulet.

Un candidat

à franceinfo

En l'état, la marche reste trop haute pour que les deux camps se rabibochent avant le premier tour. Cédric Villani a fait savoir à sa nouvelle rivale qu'il réclamait des "concessions majeures sur l'écologie, la démocratie et l'agrandissement de Paris", ainsi que "l'ouverture à un accord de second tour avec les Verts" avant d'imaginer un éventuel "rapprochement". Or, les écologistes parisiens n'ont eux aucune intention de faire liste commune avec les candidats macronistes. Si elle veut devenir maire de Paris, Agnès Buzyn devra réaliser encore bien des exploits.

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