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Témoignages "Je stresse pour les acquis sociaux" : cinq manifestants nous racontent pourquoi ils ont défilé pour le 1er-Mai à Paris

Résignées, inquiètes ou en colère, plus de 20 000 personnes ont défilé dimanche après-midi à Paris, dont certaines pour la première fois. Franceinfo leur donne la parole.

Article rédigé par Pierre-Louis Caron
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Cinq manifestants racontent pourquoi ils sont descendus dans la rue, le 1er mai 2022 à Paris. (PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO)

Le rendez-vous était donné. Une semaine jour pour jour après la réélection d'Emmanuel Macron à la tête du pays, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé à travers la France pour la traditionnelle manifestation du 1er-Mai. A Paris, ils étaient 21 000 à avoir répondu à l'appel de l'intersyndicale et de différents collectifs, selon un décompte du cabinet Occurence. Au sein du cortège parisien, Franceinfo a interrogé cinq manifestants sur leur état d'esprit dans cette période très politique, entre l'élection présidentielle et les législatives des 12 et 19 juin.

Sarah, 23 ans : "Je suis doublement précaire"

Sarah, étudiante de 23 ans, se dit inquiète pour l'avenir de l'enseignement supérieur en France. (PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO)

Sur la place de la République, Sarah, étudiante de 23 ans, écoute d'une oreille distraite le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui a pris la parole en amont du défilé. "Je n'avais pas prévu de voter pour lui, mais finalement, c'est ce que j'ai fait au premier tour", confie-t-elle. J'ai même fait un trajet d'une heure trente pour ça !" Une motivation qui s'est transformée en "immense déception" au soir du premier tour. 

"C'est super important pour moi de manifester, parce que je suis étudiante et travailleuse, je suis doublement précaire", raconte la jeune femme, en alternance dans la communication. Si elle estime "plutôt bien s'en sortir", Sarah reste inquiète pour les futurs étudiants. "Je crains qu'on en arrive à un système d'éducation totalement privatisé, où il faudra encore plus de diplômes pour espérer décrocher un travail." 

Georgette, 65 ans : "On fait partie de la classe populaire supérieure" 

Georgette, 65 ans, est venue manifester pour le 1er-Mai avec des amis rencontrés au sein du mouvement des "gilets jaunes". (PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO)

Au milieu d'une centaine de militants "gilets jaunes" massés en tête de cortège, Georgette, 65 ans, répète autour d'elle qu'elle était "obligée de venir manifester""J'ai 1 000 euros de retraite, comment vous voulez vivre avec ça ?" interroge celle qui a passé "toute sa vie dans la restauration". Son mari aimerait bien prendre sa retraite, mais cela risquerait de mettre le couple en détresse financière. "On fait partie de la classe populaire supérieure, ironise Georgette. On gagne peu, mais suffisamment pour payer des impôts, et ça fait lourd." 

Déçue par les candidats à l'élection présidentielle, elle a voté à contre-cœur pour Emmanuel Macron au second tour. "Mais la bataille continue dans la rue, on va continuer nos actions en espérant se faire entendre." Sur ses épaules, un gilet jaune usé, délavé, témoigne de son engagement. "Je ne le quitte plus depuis que je l'ai enfilé, se souvient-elle, c'était le 17 novembre 2018". Soit aux débuts de ce mouvement protestataire, "loin d'être terminé", veut croire Georgette.

Thomas, 50 ans : "On a peur pour nos filles" 

Pour sa première manifestation "depuis longtemps", Thomas a tenu à défiler avec sa compagne et ses deux filles. (PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO)

Quelque part entre les militants du syndicat Solidaires et les collectifs de travailleurs sans-papiers, Thomas, 50 ans, "retrouve ses marques". "J'ai fait beaucoup de 1er-Mai quand j'étais jeune, mais là ça faisait un petit moment quand même", s'esclaffe-t-il. Pour l'occasion, ce travailleur du monde du spectacle est venu avec sa compagne, Isabelle, et leurs deux filles âgées de 10 et 13 ans. "On a peur pour elles", souffle le couple, qui juge la politique d'Emmanuel Macron "beaucoup trop libérale". 

Ni Thomas ni Isabelle n'ont voulu voter au second tour. "Mais on avait bien prévu de manifester", précise la graphiste de 50 ans. "On a l'impression d'avancer vers un système qui éjecte les plus faibles, c'est contre ça que l'on défile", abonde Thomas.

Magguy, 66 ans : "Emmanuel Macron doit tirer les enseignements des crises"

Même si elle a voté pour Emmanuel Macron "aux deux tours", Magguy, 66 ans, tenait à venir manifester en ce 1er mai. (PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO)

Venue avec son mari et sa petite-fille, Magguy dénote quelque peu dans le cortège. "J'ai voté pour Emmanuel Macron en 2017, et à nouveau en 2022, aux deux tours", raconte sans détour cette animatrice culturelle âgée de 66 ans, installée en région parisienne. "Je trouve qu'on a été trop dur avec lui, il est encore jeune et a dû faire face à des évènements exceptionnels, comme la pandémie." 

Mais interrogée sur le bilan du président réélu, Magguy souhaite apporter des nuances. "Je suis Antillaise et je trouve que le gouvernement ne s'est pas vraiment intéressé à cette partie de la France, dénonce-t-elle. Voilà pourquoi on a vu un vote important pour Marine Le Pen en outre-mer." Un désaveu qui vaut aussi pour la politique d'Emmanuel Macron en matière d'éducation et de santé. "Un pays qui pousse ses soignants dans la rue, c'est un pays qui va mal", tranche celle qui espère que le président de la République saura "tirer les enseignements de ces crises" pour son second mandat. 

Pablo, 28 ans : "Je stresse pour les acquis sociaux"

Pour Pablo, 28 ans, il s'agissait de la première participation au défilé du 1er-Mai. (PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO)

Pour Pablo, ce 1er-Mai restera une "grande première". "On s'est motivés avec des potes, et ça fait du bien de voir tout ça", raconte le jeune homme, en désignant les divers mouvements présents dans le cortège. Après avoir travaillé dans la restauration, Pablo s'est réorienté "en plein pendant la crise du Covid-19". Il évolue désormais dans la fonction publique, où il est chargé de recherche. "Je me suis déplacé pour montrer au gouvernement qu'il y a du monde en face et pour réclamer plus de financements publics." Au centre de ses préoccupations : la protection de la solidarité nationale. "Je stresse pour les acquis sociaux. Et ce n'est pas parce que je suis jeune que je ne peux pas défendre mon droit à la retraite", sourit-il.

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