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Législatives : des candidats de La République en marche refusent de débattre avant le second tour

Dans plusieurs circonscriptions, les candidats LREM ont décidé de ne pas participer à un débat d'entre-deux-tours. Franceinfo leur a demandé pourquoi.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard, Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le plateau du débat d'entre-deux-tours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, le 2 mai 2017 à La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). (ERIC FEFERBERG / AFP)

Ces messages, pleins d'amertume, fleurissent sur les réseaux sociaux depuis le premier tour. "Quand ta concurrente En marche ! veut bien ton siège à l'Assemblée, mais pas débattre avec toi avant", s'est plaint lundi 12 juin le socialiste Olivier Faure, candidat dans la 11e circonscription de Seine-et-Marne. "Mon concurrent refuse tout débat avec moi. De quoi a-t-il peur ?", s'est interrogé le candidat Les Républicains Guillaume Larrivé dans la 1ère de l'Yonne. Candidat dans la 2e circonscription de l'Oise, Gaëtan Dussausaye (FN) a mis en ligne un communiqué intitulé "En marche ! refuse le débat : un sombre présage pour les cinq années à venir".

Le parti de Jean-Luc Mélenchon n'est pas en reste. "Partout où La France insoumise demande un débat avec le/la candidat-e En marche !, c'est refusé. Sacrée conception de la démocratie...", se plaint un militant FI dans un tweet relayé par Manuel Bompard, candidat dans la 9e circonscription de Haute-Garonne. De fait, une recherche rapide permet de constater qu'une bonne quinzaine de candidats de La République en marche (chiffre non exhaustif) ont refusé de se livrer à cet exercice qui n'est ni systématique, ni obligatoire. Franceinfo en a contacté quelques-uns.

"Je ne débats pas avec quelqu'un d'agressif"

Depuis son cabinet médical, Paulo Da Silva Moreira balaye les propos de son opposant. "Je suis maire, médecin et enseignant, je manie très bien la langue française et je n’ai pas peur de Guillaume Larrivé que je connais très bien", pose le praticien, arrivé en tête au premier tour. Mais "je ne participe pas à un débat avec quelqu'un d'agressif. Il est diffamatoire et injurieux", dénonce-t-il, assurant que le député sortant LR l'a qualifié de "godillot" sur France 3 le soir du premier tour et de "candidat inutile" dans un tract. Le marcheur ne rejette pas le parallèle avec Jacques Chirac, qui avait refusé de débattre en 2002 face à Jean-Marie Le Pen.

Pour moi, Guillaume Larrivé a des attitudes frontistes. Moi, je suis un républicain et un humaniste.

Paulo Da Silva Moreira, candidat En marche !

à franceinfo

Eric Bothorel, qui brigue un siège pour LREM dans les Côtes-d'Armor, reproche également à son adversaire une attitude "incorrecte""Le soir du premier tour, il a estimé que les résultats étaient une imposture. C'est un manque d'élégance et de respect envers les électeurs", assène l'ancien conseiller général socialiste. Il est arrivé en tête dans la 5e circonscription avec 41,07% des voix, loin devant Jean-Yves de Chaisemartin (UDI), qui recueille 16,03% des suffrages. "Si mon adversaire avait voulu un débat sérieux, sans politique spectacle, j'aurais dit oui, poursuit Eric Bothorel. Mais les conditions ne sont pas du tout réunies."

"On ne peut pas causer avec le FN"

Pour d'autres, c'est la couleur politique de l'adversaire qui pose problème. "On ne peut pas causer avec le FN", tranche Agnès Thill, opposée au frontiste Gaëtan Dussausaye dans l'Oise. La candidate LREM reproche au directeur du Front national de la jeunesse d'avoir été "parachuté" et de "ne même pas adapter son discours et son programme à la circonscription". "Je suis sur le terrain depuis un an pour échanger avec les électeurs, mais Gaëtan Dussausaye n'est pas dans cette optique : les médias sont sa seule arme." Agnès Thill assure qu'un débat face à son adversaire frontiste "ne serait pas constructif".

Gaëtan Dussausaye veut m'utiliser pour se mettre en avant, parce que je suis issue de la société civile et moins expérimentée avec les médias. Je refuse d'être son jouet et de donner une plate-forme aux idées du FN.

Agnès Thill, candidate LREM dans l'Oise

à franceinfo

A Toulouse, Sandrine Mörch invoque une question de fond pour refuser le débat avec Manuel Bompard, le bras droit de Jean-Luc Mélenchon qu'elle a nettement distancé dans les urnes dimanche. Lors du débat du premier tour, "il a fait des déclarations péremptoires, a dit des contre-vérités et a fait pleuvoir les milliards (...) Ce type de démagogie fausse le jeu du débat et de la démocratie. Elle produit de l'illusion et n'éclaire pas nos concitoyens", martèle l'ancienne journaliste de France 3, qui juge le comportement de son adversaire "un peu dangereux" et qui n'hésite pas à parler "d'usage de faux". Sandrine Mörch lui reproche par exemple d'avoir prétendu que le trafic aérien était en augmentation de 18% depuis la privatisation de l'aéroport en 2015. "Il a confondu l’augmentation des passagers avec l’augmentation du nombre de vols. A ce que je sache, les nuisances aériennes sont plutôt dues au second chiffre", s'agace-t-elle. Or, les chiffres officiels indiquent une augmentation de 3,5% sur l'année 2016 et de 9,2% depuis le début de l'année 2017. Et non 18%.

Pas de temps à perdre

Des problèmes d'agenda et de manque de temps sont également mis en avant. "Je n’ai que quatre jours pour faire campagne, pourquoi devrais-je perdre mon temps pour que Gaëtan Dussausaye puisse se montrer à la télé ?", s'agace Agnès Thill, opposée au candidat frontiste dans l’Oise. "J'ai d'autres priorités", balaie Eric Bothorel. "Je n'ai pas d'intérêt à revenir sur des positions qui, en ce qui me concerne, ont toujours été claires, poursuit-il. Mon adversaire se rend peut-être compte qu'il a oublié d'aborder certains sujets, mais il avait le temps de la campagne pour le faire."

A Lyon, Hubert Julien-Laferrière, arrivé en tête dans la 2e circonscription du Rhône, assure que les créneaux proposés par le blog Salade Lyonnaise pour débattre avec Nathalie Perrin-Gilbert (divers gauche) ne lui convenaient pas. "Si on arrive à trouver un autre créneau, il n'y a pas de souci avec le fait de débattre, répond celui qui est aussi maire du 9e arrondissement. J’ai fait un débat de premier tour qui s’est très bien passé."

Les actions sur le terrain,"plus efficaces qu'un débat"

Certains candidats de La République en marche ne voient tout simplement pas l’utilité d’un débat avec leur adversaire. Opposée à Olivier Faure en Seine-et-Marne, Amandine Rubinelli, estime que débattre à la télévision revient à "faire de la politique comme il y a vingt ans""Monsieur Faure préfère parler aux médias, moi je préfère aller à la rencontre de mes électeurs et échanger avec eux", assène la jeune femme. La forme de sa réponse, un communiqué lu au téléphone, laisse penser que cette éducatrice spécialisée de profession n'est pas très à l'aise dans l'exercice.

Une forme de lassitude des électeurs est également invoquée. "Les gens nous disent qu’ils se sont ennuyés lors des débats de la présidentielle, ils veulent une façon différente de faire de la politique", assure Sandrine Josso, qui brigue la députation dans la 7e circonscription de la Loire-Atlantique. "Les Français en ont assez de ces débats politiques", abonde Béatrice Piron, candidate dans la 3e circonscription des Yvelines.

Il n’est pas utile de discuter avec un politicien cumulard qui voudra uniquement parler de son expérience, être dans l’opposition, et ne me laissera pas parler de mon programme.

Béatrice Piron, candidate LREM dans les Yvelines

à franceinfo

"Pas de mot d'ordre" d'En marche !

Béatrice Piron, qui se présente comme une ancienne chef d'entreprise, préfère "poursuivre ses actions sur le terrain", afin de "préciser son programme et d’être au contact de ses concitoyens". "La proximité avec les électeurs a fait la différence au premier tour, ajoute Sandrine Josso. Pour les toucher, il faut être à leur écoute, sur les marchés, ou en faisant du porte-à-porte. C’est bien plus efficace qu'un débat." Agnès Thill estime même qu’il s’agit de la meilleure stratégie pour confronter les idées de son adversaire frontiste. "Je réponds aux idées du FN lors des réunions publiques : là, c’est un véritable échange", assure-t-elle à franceinfo.

Cette stratégie est-elle le fruit d’une consigne de La République en marche ? Tous les candidats joints par franceinfo assurent que non. "Il n’y a pas de mot d’ordre. Le preuve, d’autres ont accepté de débattre !", souligne Béatrice Piron, candidate dans les Yvelines. C'est par exemple le cas de Bruno Bonnell face à Najat Vallaud-Belkacem dans le Rhône ou Sébastien Gardette dans le Puy-de-Dôme. "La seule consigne qu’a donnée En marche !, c’est de prendre plaisir dans la campagne, d’être enthousiaste. Pour beaucoup, cela passe par une présence sur le terrain, insiste Sandrine Josso. Chacun est différent, on ne peut pas tous avoir la même approche que le voisin."

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