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"En votant, je suis vivant" : les détenus votent pour la première fois à l'intérieur de leur prison à l'occasion des européennes

Jusqu'à présent, les détenus qui souhaitaient voter devaient faire une procuration ou demander une autorisation de sortie.

Article rédigé par franceinfo, Stéphane Pair - édité par Julien Pasqualini
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des détenus votent pour les élections européennes à la maison d'arrêt de Réau (Seine-et-Marne), le 20 mai 2019. (SEBASTIEN BLONDE)

Pour la première fois, à l'occasion des élections européennes, les détenus français peuvent voter à l'intérieur même des prisons. Jusqu'ici, ils devaient voter par procuration ou ils demandaient une autorisation de sortie.

Les opérations de vote anticipé dans les prisons ont débuté lundi 20 mai. Elles s'achèveront mercredi. 5 342 détenus ont demandé à participer à ce scrutin. C'est 10% des 56 000 personnes incarcérées ayant le droit de voter. 

Le reportage de Stéphane Pair à la prison de Réau

Au centre pénitentiaire de Réau, en Seine-et-Marne, une cinquantaine de détenus ont voté lundi. Escortés par des surveillants, ils se sont rendus au centre scolaire de la prison. C'est là que la direction de l'établissement a installé la salle de vote temporaire, avec enveloppes, bulletins de vote, assesseurs improvisés et même deux isoloirs prêtés par la mairie de Réau. "Vous devez partir à l'isoloir, avec minimum deux bulletins, explique une surveillante. Vous écrivez nom, prénom, numéro d'écrou, et pour le lieu de vote, c'est CPSF, Centre pénitentiaire sud-francilien."

Beaucoup de jeunes détenus

Sur les 670 détenus que compte le centre de Réau, 53 se sont inscrits pour voter, 43 hommes et 10 femmes. Parmi eux beaucoup de jeunes détenus, comme Samy, 23 ans, qui vote pour la première fois. "Je n'ai jamais voté de ma vie, reconnaît-il. À la base, je suis contre, mais bon j'ai vu les affiches, je me suis dit 'on va bouger pour une fois'. On ne va peut-être pas s'en priver quand même. On n'a peut-être pas tous les droits, mais vu qu'il nous reste quelques cartouches, on les utilise."

Rodolphe, lui, fait partie des vieux détenus. Il ne s'est pas inscrit, car dégoûté, dit-il, par la politique. "Quand on a une longue peine, égoïstement on ne pense qu'à soi, on ne pense pas du tout au monde extérieur." Pour lui, les détenus qui ont choisi de voter aujourd'hui se classent en deux catégories.

Il y a ceux qui font cela pour se montrer, pour avoir un bon dossier carcéral, et d'autres qui le font par conviction, c'est un peu partagé.

Rodolphe, détenu

à franceinfo

Mohamed, lui, a voté. Il a suivi la plupart des débats à la télé dans sa cellule. "On est enfermés mais on n'est pas interdit de voter, explique ce détenu. En votant, je suis vivant. Même si on est derrière les barreaux, on suit ce qui se passe dehors, avec les 'gilets jaunes', avec le Front national qui est en train de monter. Dimanche, je vais être dans ma cellule et je regarderai qui va gagner." 

Lors de la présidentielle 2017, quand il fallait voter par procuration ou demander une autorisation de sortie, ils étaient cinq fois moins de détenus à voter. Dimanche, leurs bulletins et ceux collectés dans les 187 autres prisons françaises seront dépouillés au ministère de la justice par une commission spéciale.

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