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Départementales : pourquoi les sondages se sont-ils trompés sur le score du FN ?

Le FN allait arriver en tête au premier tour des départementales, à en croire certains sondages. A l'arrivée, le parti de Marine Le Pen récolte 25,24% des voix, derrière l'UMP, à 27,45%. Comment cela s'explique-t-il ?

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un électeur met son bulletin dans l'urne à Marseille, le 22 mars 2015, lors du premier tour des départementales. (GERARD BOTTINO / CITIZENSIDE / AFP)

Il n'est pas le premier parti de France. A l'issue du premier tour des élections départementales dimanche 22 mars, le Front national obtient 25,24% des suffrages, selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur. Un score très élevé, en hausse de près de 10 points par rapport aux élections cantonales de 2011. Mais le FN se fait néanmoins devancer par l'UMP et ses alliés (27,45% des suffrages), tandis que le PS et les candidats estampillés Union de la gauche arrivent en troisième position, avec 21,47% des voix.

Avant le scrutin, plusieurs sondages annonçaient que le FN supplanterait l'UMP au premier tour. Le 2 mars, le parti d'extrême droite était même présenté par l'institut Odoxa comme "plus que jamais favori pour le premier tour". Comme le rappelle Le Monde"au tout début du mois de mars, un sondage Odoxa créditait le Front national de 33% des suffrages. Le parti de Marine Le Pen n'a finalement totalisé 'que' 26% des votes, soit 7 points de moins. Même chose pour l'Ifop, qui voyait, dans un sondage publié le 20 mars, le parti d'extrême droite à 30 %."

A l'arrivée, le parti présidé par Nicolas Sarkozy devance celui de Marine Le Pen, qui enregistre 4 à 6 points de moins que les prévisions. De quoi s'interroger une fois de plus sur ces enquêtes abondamment relayées par la presse. Pour quelles raisons les sondeurs se sont-ils trompés ?

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L'effet de la campagne

Interrogé sur les écarts entre les intentions de vote et le score réel du FN, le président de l'institut de sondage Odoxa, Gaël Sliman, juge "malhonnête" d'évoquer son enquête du 2 mars, qui donnait le parti à 33%. Et rappelle que le sondage suivant d'Odoxa, le 9 mars, montrait déjà une baisse de 2 points des intentions de vote pour le parti de Marine Le Pen (à 31%) et une progression de l'UMP (à 29%). Bref, que les courbes n'étaient pas loin de se croiser.

Reste qu'entre les 31% du sondage et les 25% de la réalité, il y a six points d'écart. Les sondages mesurent les intentions de vote à un moment donné, mais celles-ci ont-elles tant varié en quinze jours ? A quoi attribue-t-il ce changement ? A une participation certes faible (le ministère a enregistré 49,83% d'abstention) mais néanmoins plus forte qu'attendu. Celle-ci "a mobilisé des électeurs de la droite parlementaire et divers gauche".

Même écho du côté d'Yves-Marie Cann, directeur chargé de l'opinion à l'institut CSA. Il reconnaît que ce dernier avait "prévu le FN à 28% lors de la deuxième vague d'enquêtes en mars, soit un écart d'environ trois points avec la réalité". Lui aussi estime que, sur fond de participation légèrement supérieure aux prévisions, "la mobilisation a davantage profité à la droite et la gauche gouvernementales".  

"L'écart est aussi imputable à l'effet de campagne électorale, précise-t-il. Il faut lire les sondages en dynamique. Le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, a réussi à revenir au centre du jeu la semaine dernière, et le Premier ministre, Manuel Valls, a également réussi à remobiliser."

L'électorat FN est le plus difficile à appréhender

Pour Gaël Sliman, "il y a, en outre,  une vraie difficulté à estimer le score du Front national dans cette élection à forte abstention. Car le vote FN, pour schématiser, ce sont des jeunes et des ouvriers, c'est-à-dire les catégories qui s'abstiennent le plus."

Dans Les Inaudibles. Sociologie politique des précaires (Presses de Sciences Po), les spécialistes de l'abstention Céline Braconnier et de l'extrême droite Nonna Mayer montrent d'ailleurs que les plus précaires ou les plus fragiles sont les plus abstentionnistes. Leurs préférences politiques vont parfois vers le Front national, mais ne se traduisent pas forcément par un vote, pour toutes sortes de raisons, dont la non-réinscription sur les listes électorales après un déménagement. 

Un scrutin local est un casse-tête pour les sondeurs 

Enfin, s'il y a un point sur lequel les sondeurs s'accordent, c'est que l'erreur n'est pas due à un problème de "redressement" des chiffres. Le vote Front national n'est plus tu et sous-estimé comme il pouvait l'être il y a quinze ans. 

Le problème principal, c'est le plaquage d'enjeux nationaux sur des élections locales. C'est pour cela que les européennes, avec scrutin de liste et fort enjeu partisan, se prêtent mieux aux enquêtes de ce type. "L'an dernier, l'Ifop avait bien prévu le score du FN aux européennes, mais cela a moins fonctionné sur les départementales avec un choix local, analyse Jérôme Sainte-Marie, président de l'institut Pollingvox. Car ces sondages nationaux ont porté sur l'étiquette du parti et non sur les candidatures réelles. Les sondés ont donc répondu sur l'étiquette, mais ont voté sur le canton. Or les candidats frontistes étaient souvent moins connus que d'autres candidats, et notamment que les sortants. La notoriété a beaucoup fonctionné."

Gaël Sliman, à qui l'on repose la question, estime qu'on est "dans la marge d'erreur". Ah, elle n'est pas de 3% ? "Ce n''est pas le cœur du sujet ! Le cœur du sujet, c'est que le FN a fait un score historique, un record, et qu'il n'avait jamais atteint un tel score ! C'est un élément de certitude qui nous a été donné par les sondages !" Sa conclusion ? "Heureusement qu'on peut encore avoir des surprises dans les élections !"

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