Départementales : le bal du débutant Emmanuel Macron à Fresnes
Le ministre de l'Economie a tenu son premier meeting électoral jeudi soir, dans le Val-de-Marne. Une façon de défendre sa loi et de tester son goût pour les discours politiques.
Il n'a pas cotisé au Parti socialiste depuis 2009, mais parle ce soir devant des drapeaux estampillés PS, à l'occasion de la campagne des élections départementales. Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, tient son premier discours électoral de sa jeune carrière politique à Fresnes (Val-de-Marne), jeudi 19 mars. A 37 ans, l'énarque, passé par la banque Rothschild puis le secrétariat général adjoint de l'Elysée, reste un béotien sur le terrain politique. De nombreux sympathisants PS venus à la Grange Dîmière ont justement fait le déplacement, ce soir, pour voir "comment se débrouille" celui qu'ils ont "vu à la télé".
Pris à partie dès le début du meeting
Même si les flashs des photographes sont pour lui, Emmanuel Macron pénètre dans le théâtre de 250 places accompagné des quatre candidats du canton. L'accueil qui lui est réservé n'est pas flamboyant, une partie de la salle jugeant inutile de se lever pour lui souhaiter la bienvenue. A peine le ministre installé, un homme l'interpelle depuis le public. Motif de son courroux, le travail le dimanche, rendu plus flexible avec la loi Macron. "Les salariés ne veulent pas du travail dominical ! Votre loi, c'est de la régression sociale !" Le ministre quitte son tabouret, s'empare du micro et lui répond sur un ton véhément. Habitué aux rodomontades sur ce sujet, il s'évertue à démonter "les mensonges" qui visent son texte, puis se rassoit, applaudi par l'audience.
La gauche, ce n'est pas des belles idées, la gauche, c'est du concret.
Le perturbateur, un syndicaliste SUD Commerce et services, est finalement évacué par la sécurité. "Je voulais faire passer un message, confie-t-il, à l'extérieur du bâtiment. Il y a quatre ans encore, on entendait de belles promesses... Tout ça s'est envolé." Cet ancien salarié de Virgin Megastore reproche au ministre, en plus de sa politique "dictée par le patron Bernard Arnault", de l'avoir tutoyé lors de leur bras de fer. "Je suis plus vieux que lui. J'ai des enfants. Ce tutoiement, c'est déplacé."
Un style qui s'affirme
Malgré son inexpérience auprès des militants, Emmanuel Macron imprime déjà sa personnalité. Ecouter ses interlocuteurs d'une oreille inflexible, les sourcils en circonflexe. Prôner le pragmatisme, quel que soit le domaine. Défendre "nos valeurs, à gauche", sans trop s'étendre sur le sujet. Concéder que "les résultats ne sont pas encore là", mais se permettre une plaisanterie à cet égard.
Les résultats ne sont pas encore là. Si ça avait été le cas, la situation aurait été tellement agréable, vous vous seriez ennuyés !
Emploi, école, écologie, logement, santé, Europe, les grands dossiers gouvernementaux sont évoqués par Emmanuel Macron, ainsi que, plus timidement, certains qui concernent le Val-de-Marne. Pour justifier sa venue, le ministre salue les candidats socialistes dans ce département, "ces quatre visages de la nouveauté", une qualification qui lui sied bien, lui qui était encore inconnu du grand public il y a huit mois. A l'aise sur scène, capable de tenir un discours une demi-heure sans notes, il tarde toutefois à soulever l'enthousiasme. Certaines formules tombent à plat, comme : "Ce n'est pas d'une société amish dont nous rêvons" ou "Ne faisons pas comme les trois petits singes", en référence aux singes de la sagesse qui se couvrent chacun une partie différente du visage (oreilles, bouche, yeux). Ce premier meeting est aussi l'occasion de se rôder.
Mystère sur une éventuelle candidature
Il faut attendre les dernières minutes de son allocution pour voir le public s'animer, à mesure que la voix du ministre s'amplifie. Après avoir plaidé pour "la reconquête de l'avenir", Emmanuel Macron vante les mérites "du combat" à mener "jusqu'au dernier quart d'heure" des départementales. Les divisions de la gauche dans le Val-de-Marne ne sont jamais abordées, pas plus que le risque de voir le Front national arriver en tête. "Si vous baissez les bras, vous laissez la place à ceux qui ne veulent rien changer !", clame le ministre, visiblement grisé de voir la salle enfin debout. Fin de discours en fanfare, hormis cette petite maladresse : Emmanuel Macron enfile illico son chèche blanc, comme s'il était pressé de quitter les lieux. Maladresse vite corrigée, les militants se ruent sur lui pour obtenir leur photo avec le ministre. Le chèche refait son apparition dehors, fraîcheur oblige.
Curieuse au départ, l'assemblée semble à présent conquise. "Je le voyais un peu comme Jacques Attali. Mais en fait, il a l'air sympa", relève un jeune retraité. "Il a l'habitude de parler, ça se sent. Mais bon, il a quand même la niaque !", se félicite une employée. Tandis que le député socialiste Jean-Jacques Bridey, venu avec le ministre, loue "la pédagogie" d'Emmanuel Macron, un sympathisant tout excité s'empresse de l'interrompre : "Putain, la vache, le jeune, il est bien ! Ça nous change de certains énarques du parti !"
Et qu'en dit "le jeune" en question ? Certains lui prêtent de l'ambition, beaucoup d'ambition... Emmanuel Macron viserait-il la présidence de la République ? Sur ce point, il laisse planer le mystère, mais ce premier meeting lui a sans doute apporté quelques réponses. "Il ne faut pas toujours penser à soi", lâche-t-il, avant de s'engouffrer dans sa Renault Zoé. A-t-il envie de se briguer un mandat, pour devenir, par exemple, député en 2017 ? "Si l'engagement politique ne donnait pas envie, je ne serais pas là où je suis." Passer de ministre à député ou maire, voilà un parcours républicain qui serait atypique. Et qui sait, peut-être un jour, reprendre sa carte de militant au PS ?
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.