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Solar Impulse : non, vous n'êtes pas près de voler dans un avion solaire

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Solar Impulse 2 décolle de l'aéroport Al-Bateen, à Abu Dhabi (Emirats arabes unis), lundi 9 mars 2015. (MARWAN NAAMANI / AFP)

L'appareil a débuté un tour du monde sans carburant, lundi, grâce à des milliers de cellules photovoltaïques. Mais les panneaux solaires ne représentent pas une piste sérieuse pour les vols commerciaux, selon un expert contacté par francetv info.

Chic, un avion solaire ! Solar Impulse 2 (SI2) s'est élancé d'Abu Dhabi (Emirats arabes unis), lundi 9 mars, pour un tour du monde sans carburant. L'appareil devrait passer 25 jours dans les airs pour boucler les 35 000 km du parcours, mais son voyage va durer cinq mois, le temps de promouvoir, au sol, lors de douze étapes, les énergies renouvelables. Car l'engin utilise uniquement le solaire.

"Nous voulons démontrer que nous pouvons voler de jour comme de nuit à bord d'un avion qui ne consomme pas une goutte de carburant", explique le Suisse Bertrand Piccard, l'un des deux pilotes. Pour l'heure, évoquer des vols commerciaux solaires semble toutefois prématuré.

Un rendement énergétique trop faible pour être viable

Le rendement énergétique des panneaux solaires pose un gros problème. Certes, d'immenses progrès ont été réalisés, puisque la production atteint parfois les 200 watts au mètre carré. Mais cela ne suffit pas, souligne l'expert aéronautique Gérard Feldzer, contacté par francetv info. "Il faudrait des centaines et des centaines de mètres carré." Or, Solar Impulse 2, dont les ailes longues de 72 mètres, presque autant qu'un A380 sont tapissées de 17 000 cellules photovoltaïques, ne peut emporter qu'un seul pilote.

Solar Impulse 2 est équipé de quatre moteurs électriques à hélices de 17,5 chevaux, soit 70 au total. Cette faible puissance constitue un frein considérable ; il a fallu alléger la structure au maximum. Conçu en fibre de carbone, l'appareil ne pèse que 2,5 tonnes, soit autant qu'un 4X4 familial, et moins de 1% du poids du A380.

"Le plus grand problème aujourd'hui, c'est de stocker l'électricité à bord, poursuit Gérard Feldzer. Un avion commercial, c'est un tiers de masse à vide, un tiers de carburant, un tiers de passagers." A performance égale, "il faut 30 kilos de batteries pour un kilo de kérosène", selon un expert cité par 20 Minutes. Difficile, dans ces conditions, de trouver un substitut efficace.

La faiblesse de l'avion a des conséquences directes sur son allure. "Au niveau de la mer, l'avion évolue entre 39 et 70 km/h", poursuit Gérard Feldzer. Mais l'appareil est prévu pour voler jusqu'à 8 500 mètres d'altitude. "Avec la moindre densité de l'air, il pourrait atteindre 140 km/h, voire 200 km/h, car il part avec des vents favorables." Mais un voyage entre New York et Paris pourrait alors durer entre deux et quatre jours ! "Les panneaux solaires pour le transport aérien, ce n'est pas pour demain."

D'autres pistes existent dans l'énergie électrique

Mais Gérard Feldzer ne ferme pas totalement la porte à l'énergie électrique. Des projets de moteurs hybrides sont déjà à l'étude. "Des piles à combustible pourraient fabriquer de l'électricité pour alimenter de grandes hélices. Ce sont des projets qui sont déjà dans les cartons de Boeing ou Airbus." Selon lui, "on peut également imaginer des supraconducteurs et des supercondensateurs capables de délivrer beaucoup de puissance, ou de l'énergie solaire fabriquée dans des fours à concentration et embarquée sous forme d'hydrogène."

Pourquoi pas, enfin, équiper les dirigeables de panneaux photovoltaïques ? Ils sont plus légers que l'air, il ne reste plus qu'à les faire avancer. "Quand j'ai tenté de traverser l'Atlantique avec Nicolas Hulot [en 1993], raconte Gérard Feldzer, nous avions des panneaux solaires qui alimentaient suffisamment les moteurs pour effectuer la traversée, voire un tour du monde." Mais la taille et la lenteur des dirigeables ne conviennent pas aux passagers, trop pressés. Gourmand en espace et en temps, il semble davantage destiné au transport de pièces volumineuses.

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