: Vidéo Des "gilets jaunes" passés à tabac samedi par des CRS dans un Burger King à Paris ? Voici ce qui s'est passé
Sur des images filmées par un témoin et des journalistes de France 2, on voit des CRS frapper à coups de matraque des manifestants réfugiés dans le restaurant ainsi que dans un autre café, avenue de Wagram.
Il est aux alentours de 18h50, samedi 1er décembre. La place de l'Etoile, à Paris, est envahie par le gaz lacrymogène. Les CRS entreprennent de déloger le millier de manifestants qui restent, après une journée de violences dans le cadre de la mobilisation des "gilets jaunes" sur les Champs-Elysées et à l'Arc de triomphe. A deux pas de là, avenue de Wagram, les hommes casqués s'engouffrent dans un restaurant Burger King fermé, mais dont la porte a été fracturée. Sur les images filmées par un vidéaste amateur, on les voit alors frapper des personnes porteuses d'un gilet jaune, à terre.
Au premier plan, devant le comptoir, on distingue un jeune homme au sol, vêtu d'un jogging gris et d'un gilet jaune autour du cou, en train d'être frappé par un CRS. C'est Olivier*, un habitant de Moulins (Allier), âgé de 26 ans. Franceinfo a pu vérifier son identité et sa présence sur les lieux.
Venu pour la première fois manifester à Paris, le jeune homme affirme qu'il s'est réfugié dans le Burger King avec un ami, après avoir tenté de gagner la place de l'Etoile en fin de journée "pour voir". "C'était rempli de gaz lacrymo, la fumée s'épaississait, on ne voyait rien. Dans le Burger King, les gens crachaient, vomissaient", se souvient-il. A l'arrivée des CRS, son copain Paul*, également contacté par franceinfo, parvient à fuir par la porte de la rue de Tilsitt. Olivier, lui, glisse. "Je me suis retrouvé à terre et les coups pleuvaient, ça a duré trop longtemps." Le "gilet jaune" se lève et parvient à s'enfuir. Lundi, il s'est rendu à l'hôpital pour faire constater ses hématomes et contusions et en est ressorti avec une ITT (incapacité totale de travail) de cinq jours. Il a fait parvenir à franceinfo une copie du certificat et se dit déterminé à porter plainte dans les prochains jours auprès du procureur de la République.
J'étais venu pacifiquement. Je ne me considère pas comme une menace, j'étais désarmé, à terre.
Olivier*, un "gilet jaune" frappé
dans le restaurant Burger Kingà franceinfo
"Ils avaient des gilets jaunes mais ce n'étaient pas forcément les manifestants les plus excités", confirme à franceinfo Nicolas Mercier, auteur de ces images. Selon lui, beaucoup d'entre eux "s'étaient réfugiés dans le fast-food pour fuir les émanations de gaz lacrymogène". Il filme la scène avec sa caméra jusqu'à ce qu'un CRS vienne lui intimer d'arrêter, son flash-ball "braqué sur [lui]" et lui donnant "un coup de pied".
A cette heure-là, c'est la "reconquête de la place", confirme un journaliste de France 2, Paul-Luc Monnier. Les CRS, qui ont déploré plus de 20 blessés dans leurs rangs, sont sur les dents. "Ils se sont rendu compte qu'il y avait des 'gilets jaunes' dans les restos de chaque côté de l'avenue. J'ai entendu un policier dire : 'Ils se sont réfugiés à l'intérieur'", indique le reporter, qui a également filmé la séquence avec son collègue. "C'était hyper violent, ils faisaient sortir les gens un par un du Burger King et leur donnaient des coups de matraque, ça criait", témoigne-t-il.
Trois photographes se trouvent, eux, à l'intérieur du restaurant. "La place était saturée de gaz, je suffoquais complètement. Avec deux collègues, on s'est engouffrés dans le Burger King où des gens s'étaient réfugiés. Ce n'était pas des pilleurs, ils essayaient juste de reprendre leur souffle", raconte à franceinfo l'un d'entre eux, Martin Colombet, qui travaillait ce jour-là pour Libération. Un agent de sécurité présent leur donne "des bouteilles d'eau". "Au bout d'un moment, on voit les CRS entourer le fast-food. Certains sont entrés, ont foncé sur les manifestants, les ont mis à terre et ont commencé à les tabasser", poursuit-il.
Ce qui est choquant et anormal, c'est qu'on frappe des gens à terre. Qu'ils vident un Burger King de façon musclée, c'est leur taf, mais là c'était clairement une punition
Martin Colombet, photographeà franceinfo
Si Martin Colombet parvient à sortir sans prendre de coup, en montrant sa carte de presse, son confrère Adrien Lévy-Cariès dit avoir reçu "deux coups de matraque" alors qu'il tentait de sortir. "Le CRS qui m'a frappé a vu que j'étais journaliste. J'avais en main un brassard presse, mon casque marqué presse, mon appareil dans l'autre main." Ce photographe indépendant s'en tire avec un bleu en haut du bras droit, dont il a fait parvenir une photo à franceinfo.
"Ils faisaient sortir les gens un à un et chacun se prenait des coups de poing et de matraque au passage", reprend Martin Colombet. Boris Allin, photographe comme lui pour Libération, a diffusé sur Facebook la photo d'un homme et d'une femme tout juste expulsés, selon lui, du Burger King. L'homme a l'arcade sourcilière en sang et la femme est en pleurs. "Elle criait 'Ils sont fous, ils sont fous !'", indique-t-il à franceinfo.
Boris Allin a fait un signalement à l'IGPN (la police des polices) sur la plateforme dédiée. Il a reçu mercredi 5 décembre une réponse, consultée par franceinfo, l'informant que son signalement avait bien été transmis au parquet de Paris.
Après le Burger King, les CRS ont investi un restaurant en face, La Flamme. "Là aussi, ils sont allés chercher les gens un par un", témoigne le journaliste de France 2 Paul-Luc Monnier, qui a filmé depuis l'extérieur.
Comme le montre cette autre vidéo filmée à l'intérieur et publiée sur Twitter par un journaliste de Brut, Rémy Buisine, les CRS délogent les manifestants attablés et demandent avec insistance au reporter d'arrêter de filmer.
Scène incroyable dans un restaurant, des CRS interviennent à l’intérieur sous haute tension au niveau de l’avenue Wagram. pic.twitter.com/CdMDVQIuR4
— Remy Buisine (@RemyBuisine) 1 décembre 2018
A la préfecture de police de Paris, on indique que ces vidéos sont étudiées et qu'une enquête sera diligentée si nécessaire. A sa connaissance, aucune plainte n'a pour l'heure été déposée. Sollicités par franceinfo, les représentants syndicaux des CRS n'ont pas souhaité commenter ces images.
* Les prénoms ont été changés
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