Réforme de l'ISF : ce que l'on sait du comité d'évaluation mis en place
Ce comité doit mesurer les effets de la réforme de l'ISF sur l'économie française, mais ses membres ne se sont pour le moment réunis que deux fois et la méthode et les données sont encore floues.
La première séquence du grand débat national s'achève vendredi 15 mars. Les discussions ont largement été animées ces dernières semaines par les questions fiscales même si le chef de l'État Emmanuel Macron a volontairement exclu l'ISF du champ de ce grand débat. Pourtant, le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune est l'une des principales revendications des "gilets jaunes" depuis le début du mouvement le 17 novembre 2018. Seule concession du gouvernement, pour l'instant : la réforme de l'ISF (transformé en un impôt sur la seule fortune immobilière) sera évaluée pour en mesurer les effets. Un comité d'experts a été nommé fin décembre et rendra ses conclusions en septembre prochain.
Qui compose ce comité ?
Ce comité est constitué de 14 membres. Un "comité composé d'experts et de personnalités qualifiées dont des parlementaires", précisait le Premier ministre Édouard Philippe le 5 décembre 2018 à l'Assemblée nationale. Des personnalités placées sous l'autorité de France Stratégie, un organisme de réflexion qui dépend directement de Matignon. On trouve par exemple des économistes spécialistes de la fiscalité, des représentants des syndicats et du patronat (CFDT, CFTC, Confédération des petites et moyennes entreprises), un représentant des banques, des fonctionnaires de l'Insee, de Bercy et de la Banque de France.
En revanche, contrairement à ce qu'assurait le chef du gouvernement face aux députés en décembre, on n'y trouve pas plusieurs mais une seule parlementaire : la députée LREM des Yvelines Nadia Hai. Quant au Sénat, il n'a pas souhaité nommer de parlementaire dans ce comité.
Quels objectifs ?
Depuis sa mise en place, ce comité ne s'est réuni que deux fois. Sa mission, pourtant, s'apparente aux travaux d'Hercule, version fiscale. Il a pour objectif non seulement d'évaluer la réforme de l'ISF mais aussi la mise en place du PFU (prélèvement forfaitaire unique) - le fait de taxer les dividendes, les intérêts à un taux unique de 30%. "Ce sont des ambitions, concède la députée Nadia Hai. On n'a pas fixé exactement ce sur quoi nous allons baser nos premiers travaux à court terme". "Les objectifs, poursuit-elle, sont d'abord d'évaluer les impacts macroéconomiques et microéconomiques : la création d'emploi, les investissements, l'attractivité et la compétitivité des entreprises (...) Ce ne sont que des pistes de réflexion uniquement et cette dernière doit agréger un certain nombre d'informations et de données complexes à synthétiser."
Quelles données et quelle méthode ?
Principale difficulté : la réforme de l'ISF appliquée depuis janvier 2018, est très récente. Certaines statistiques n'existent pas encore, tout simplement car les chiffres n'ont pas encore été traités. Des informations "que ni l'Insee, ni la banque de France ne sont en mesure de fournir", estime un bon connaisseur du dossier. D'après cette source, une étude sérieuse nécessite des données sur trois ans, au minimum. Il s'agit qui plus est d'accéder à des données individuelles de contribuables - donc soumises au secret fiscal - ce qui est possible dans le cadre de travaux de recherche, car elles seront anonymisées. Pour cela, il faut faire une demande auprès d'un comité du secret statistique et compter environ six mois avant d'avoir une réponse.
Problème : le calendrier est très serré. Le rapport sur l'évaluation de l'ISF doit être rendu public fin septembre et certains membres du comité demandent également la réalisation d'études qualitatives. Ces études sont similaires à des sondages. Il s'agit d'une sorte de questionnaire envoyé aux banques, aux gestionnaires de patrimoine pour savoir de quelle façon leurs clients – qui ont bénéficié de la réforme de l'ISF – ont utilisé leur argent. "Au moins on aurait des choses à dire", commente un des experts. Sauf que cela fait débat au sein du comité. La question d'avoir recours à ce type d'étude n'est toujours pas tranchée.
Pour quel résultat ?
Si l'horloge tourne, que la méthode de travail n'est pas tout à fait établie et que les données manquent, qu'allons-nous apprendre dans ce rapport à l'automne prochain ? "On peut avoir des hypothèses, consolidées par un faisceau d'indice", répond l'un des experts du comité. Traduction : les attentes risquent d'être déçues. Le résultat "sera un rapport technique, pas politique, dans les limites des données". Le comité ne se penchera pas sur certains aspects de l'ISF, même si certains interrogent les experts. L'un d'eux se demande "quel est l'impact psychologique et sociétal de la réforme de l'ISF sur le sentiment d'injustice fiscale" et donc sur le consentement à l'impôt des Français. La question "n'est plus économique, dit-il, elle est démocratique". Ce rapport attendu en septembre ne sera que le premier d'une série d'évaluations de la réforme : le comité est en effet censé poursuivre ses travaux sur plusieurs années.
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