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"Armes dangereuses", "règne de l'opacité", "entraves aux libertés" : une ONG critique le maintien de l'ordre à la française

L'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture encourage le gouvernement à sortir de "l'opacité" quant aux armes utilisées, aux agents mis en cause et aux suites données aux plaintes. Elle réclame notamment la création d'un "organe indépendant" pour enquêter.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La BAC encadre une manifestation contre la réforme des retraites, le 29 janvier 2020 à paris (photo d'illustration). (THOMAS SAMSON / AFP)

L'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat) a mené une vaste enquête d’un an sur l'évolution du maintien de l'ordre en France, notamment depuis l'apparition du mouvement des "gilets jaunes". Le constat de l'association de défense des droits humains est sans appel : "La France n'est plus un modèle" en la matière. Parmi ses préconisations, l'ONG réclame que les LBD et les grenades de désencerclement ne soient plus utilisées par les forces de l'ordre.

Dans ce rapport, consulté par franceinfo, l'Acat dénonce également le recours à des "armes controversées et dangereuses", le nombre élevé de personnes blessées lors des manifestations, des "entraves à l'exercice des libertés", ou encore l'opacité des autorités quant à l'usage de la force par les policiers et les gendarmes.

L'usage des LBD et des grenades doit cesser

L’ONG pointe tout particulièrement "l'usage important des armes de force intermédiaire" tels que les lanceurs de balle de défense ou les grenades de désencerclement. Selon un décompte effectué par l'association, entre 2000 et 2019, 48 personnes ont été éborgnées par un tir de LBD, 8 ont perdu un œil à cause de l'explosion d'une grenade de désencerclement. Voilà pour le constat. L'Acat réclame donc que les LBD "ne soient plus utilisés par les forces de l'ordre dans l'attente d'un examen complet et indépendant de ces armes". Idem pour les grenades de désencerclement.

Autre arme de force intermédiaire : la grenade GLI-F4, mise en cause notamment lors des manifestations à Notre-Dame-des-Landes. En moins d'une décennie, ces grenades lacrymogènes ont mutilé 10 personnes (8 mains arrachées et 2 blessures graves au pied).

Les gendarmes lancent des grenades lacrymogènes sur les manifestants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le 15 avril 2018 en Loire-Atlantique. (DAMIEN MEYER / AFP)

En janvier 2020, Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, avait annoncé le retrait "immédiat" de la GLI-F4. Toutefois, l'Acat rappelle que depuis 2018 cette grenade "est en cours de remplacement par une autre aux effets similaires, bien qu'elle ne contienne pas de TNT : la GM2L". Là encore, l'association de défense des droits humains demande la suspension de l'utilisation de ces grenades.

Les manifestations doivent être encadrées par des forces spécialisées

Plus globalement, dans son rapport l'Acat souligne "l'évolution inquiétante des pratiques" de maintien de l'ordre. Par exemple, l'un des principes fondamentaux de la doctrine française est le recours, pour encadrer les manifestations, à des forces spécialisées et formées, comme les CRS ou les gendarmes mobiles. Or, l'Acat rappelle que dans de récentes manifestations, de "gilets jaunes" notamment, les autorités ont eu recours à des "forces non spécialisées tels que des agents de la brigade anti-criminalité (BAC)".

Par conséquent, l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture demande que "la spécificité des unités spécialisées dans le maintien de l'ordre soit reconnue et que leur formation soit améliorée et actualisée afin de mieux prendre en compte les évolutions des manifestations et garantir un exercice effectif des libertés".

L'ONG dénonce "le règne de l'opacité" et met en cause l'impartialité de l'IGN

Mieux encadrer l'usage de la force pour ne pas entraver la liberté de manifester est donc une notion essentielle de ce rapport. Le deuxième fil directeur est un plaidoyer pour une meilleure transparence, à la fois "sur les armes utilisées", mais aussi sur "les suites données aux plaintes". En effet, l'Acat vilipende "l'opacité des autorités quant à l'usage de la force". Ainsi, "aucune donnée exhaustive n'est publiée sur le nombre d'armes utilisées chaque année".

Document de l'enquête menée par l'Acat (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) sur l'évolution du maintien de l'ordre en France. (ACAT)

De la même manière, "aucune information n'est communiquée sur le nombre de plaintes déposées chaque année par les victimes de violences illégitimes". Enfin, l'association fait part de son "inquiétude" quant aux "problèmes d'identification des agents mis en cause". Parfois, lors de manifestations, "les agents ont le visage dissimulé ou ne sont pas porteurs de leur numéro RIO [qui permet de les identifier]assure l’association.

Afin d'en finir avec ce "règne de l'opacité", l'Acat réclame la publication régulière de "données concernant l'usage des armes, le nombre de personnes blessées ou tuées dans le cadre d'interventions des forces de l'ordre". De plus, l'ONG plaide pour la création d'un "organe indépendant chargé d'enquêter sur les faits commis par des agents de police et de gendarmerie". En clair, l'Acat remet en cause l'impartialité des enquêtes réalisées par l'IGPN ou l'IGGN.

Privilégier des solutions alternatives

Enfin, le dernier volet de ce rapport insiste sur des modèles alternatifs au maintien de l'ordre à la française. Ainsi, l'Acat souligne les effets positifs des "unités dédiées au dialogue" mises en place en Suède, aux Pays-Bas ou en Allemagne. Et l'Acat de demander que des officiers de liaison soient désormais présents dans les manifestations. Avec un but : "Faciliter la communication entre les différentes parties prenantes de la manifestation dans un esprit de dialogue et de facilitation de celle-ci."

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