Congrès de la CGT : le syndicalisme doit "renouer avec le terrain"
Dominique Andolfatto, professeur en sciences politiques, explique que les syndicats se sont repliés dans la fonction publique ou les grandes entreprises.
À partir de lundi 13 mai jusqu'à vendredi 17 mai, la CGT se retrouve en congrès pour réélire Philippe Martinez à sa tête et surtout pour trouver une stratégie face à Emmanuel Macron et aux "gilets jaunes". Invité de franceinfo dimanche, Dominique Andolfatto, professeur en sciences politiques à l'Université de Bourgogne, spécialiste du syndicalisme explique que les syndicats, pas seulement la CGT, ont "disparu d'une grande partie du territoire français".
franceinfo : Est-ce que la CGT est en crise alors qu'elle est passée de premier à deuxième syndicat en France derrière la CFDT ?
Dominique Andolfatto : Cela fait de longues années que la CGT, et pas seulement elle, perd des adhérents et des parts d'audience électorales dans les entreprises. Le phénomène n'est pas nouveau. Depuis 20 à 30 ans, il y a un certain déclin. Cela dit, la CGT reste le deuxième syndicat en France et elle est loin d'avoir disparu. Elle est présente dans de nombreuses entreprises, notamment les plus grandes. Dans la fonction publique, elle reste également le premier syndicat. C'est donc un paysage un peu ambivalent. Il y a des zones qui sont en progression et d'autres où il y a un certain déclin.
Le mouvement des "gilets jaunes", qui se passe des syndicats, a-t-il eu l'effet d'une claque pour les syndicats ?
Oui, c'est un problème qui a surgi depuis quelques mois pour tous les syndicats. On s'aperçoit que le syndicalisme a décliné ou a disparu d'une grande partie du territoire français. Les unions départementales sont en difficulté. Dans beaucoup de départements, les salariés les plus précaires ou ceux qui ont les revenus les plus modestes ne rencontrent plus les syndicats pour défendre leurs intérêts parce que les syndicats se sont repliés soit dans la fonction publique soit dans les grandes entreprises. On pourrait dire que la nature ayant horreur du vide, on a vu surgir ces nouveaux mouvements qui, implicitement et même parfois directement, interrogent les modes d'action collective et interrogent le syndicalisme.
Comment les syndicats peuvent-ils renouveler et moderniser leurs propos pour redevenir plus audibles et surtout conquérir de nouveaux adhérents ?
C'est un vrai défi. La situation actuelle est le produit d'une longue évolution. Et parmi ces évolutions les plus néfastes, il y a ce phénomène de professionnalisation du militantisme. Les syndicats sont également très aidés, soit par les pouvoirs publics soit par des entreprises, et ça les a conduits à s'éloigner des nouveaux salariés et des plus jeunes. Ce qu'il faudrait faire, c'est essayer de renouer avec ce nouveau salariat, avec ces jeunes, reconstituer des équipes sur le terrain, faire que le syndicalisme construise des liens sociaux dans l'entreprise et dans le monde du travail, parce que souvent les syndicalistes ont été conduits, plus ou moins implicitement, à se replier dans des équipes de professionnels, de négociateurs avec les dirigeants d'entreprise, avec les DRH, négligeant le terrain. Cela étant, je veux quand même souligner que beaucoup d'équipes syndicales sont connectées avec le terrain, mais il y a ce phénomène d'éloignement chez certains, parce que c'est difficile de construire ces liens, ce contact est très exigeant et c'est assez ingrat comme fonction.
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