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Réforme des retraites : pourquoi Emmanuel Macron choisit-il à nouveau de communiquer via un débat national ?

Le président de la République répondra aux questions des lecteurs de la presse régionale à Rodez (Aveyron), jeudi, à partir de 18h30.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le président Emmanuel Macron s'exprime devant des maires, le 15 janvier 2019 à Grand Bourgtheroulde (Eure), pour le lancement du grand débat national. (LUDOVIC MARIN / AFP)

La réforme des retraites ? Emmanuel Macron entend Ia promouvoir lui-même auprès des citoyens. Après un report d'une semaine dû à la mort de Jacques Chirac, le chef de l'Etat lance, jeudi 3 octobre à Rodez (Aveyron), le débat national promis par l'exécutif sur le nouveau système universel à points, qui doit fusionner en un seul les 42 régimes existants, et entrer en vigueur à partir de 2025.

Quelle est la forme choisie pour cette opération dont la presse régionale est partenaire ? Le président de la République participera, à partir de 18h30, à un débat qui réunira 500 lecteurs du groupe de presse La Dépêche. La durée n'est pas définie. En début d'année, Emmanuel Macron avait montré sa capacité à tenir le micro des heures pour répondre aux questions lors du grand débat national qui avait suivi la crise des "gilets jaunes". Pourquoi opte-t-il de nouveau pour cette méthode ? Eléments de réponse.

Parce que la formule lui a déjà réussi

Testée après un automne secoué par le mouvement des "gilets jaunes", la période du débat national avait été jugée positive par le gouvernement. Elle avait contribué, aux yeux de l'exécutif, à déminer la crise, à l'aide des mesures annoncées en décembre 2018 (prime de fin d'année, etc.).

D'où l'intérêt de relancer la formule, d'autant que la séquence avait offert à Emmanuel Macron une tribune pour vendre ses réformes, dont il avait largement profité. Entre le 15 janvier et le 15 mars, le chef de l'Etat, rappelle Le Figaro, "a traversé onze régions, organisé cinq réceptions à l’Elysée, rencontré plusieurs milliers de maires, et échangé pendant près d’une centaine d’heures". Au passage, ce grand débat lui avait permis de regagner plusieurs points de popularité au premier trimestre 2019, soulignent Les Echos. Le chef de l'Etat était ainsi passé d'une cote de confiance de 26% en janvier 2019 à un taux de 31% en mars (avant une rechute à 28% en avril), selon un sondage Elabe publié par le journal économique.

Autant dire que rien n'est laissé au hasard pour les débuts de ce second grand débat organisé à quelques mois des municipales. Emmanuel Macron, explique France 3 Occitanielance le mouvement à Rodez parce qu'il s'agit d'une terre "amie". Il y avait effectué son dernier déplacement de campagne comme candidat, en 2017, et y avait recueilli 30,6% des voix au premier tour de la présidentielle (80% au second). A la tête de la mairie, Christian Teyssèdre est un proche qui "figure parmi les premiers élus ayant soutenu le futur président de la République", selon France 3. Preuve de cette proximité, "l'épouse du chef de l'Etat et celle du maire de Rodez ont eu depuis lors de nombreux contacts personnels", glisse encore La Dépêche, fortement impliquée dans ce grand débat puisque l'assistance est constituée de ses lecteurs. A priori, le cadre est donc favorable. 

Pour tenter de déminer le dossier

"Avec la réforme des retraites, il y a là de quoi faire sauter plusieurs gouvernements", prédisait déjà l'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard en 1991. Et certains exécutifs se sont cassé les dents sur ce dossier sensible. En 1995, après une grève de trois semaines des transports publics qui avait paralysé la France, le chef du gouvernement, Alain Juppé, avait dû plier. Et retirer son projet qui prévoyait, entre autres, de retarder l'âge de départ à la retraite des bénéficiaires des régimes spéciaux (SNCF, RATP). 

Il s'agit donc de déminer un dossier hautement explosif. D'où la décision d'Emmanuel Macron de ralentir le tempo. Annoncé initialement pour 2019, le projet de loi sur les retraites ne sera finalement programmé qu'à l'été 2020, comme l'a indiqué le Premier ministre, Edouard Philippe. Le 16 septembre, devant quelque 200 députés et sénateurs de la majorité, le chef de l'Etat a réaffirmé sa volonté de ne pas trop presser le rythme : "Nous aurons des discussions sur les professions pour qui il y a des régimes spéciaux", mais "peut-être faudra-t-il plus de temps. Il ne faut rien fermer, ne rien fermer trop tôt." Au journal de 20 heures de France 2, le 26 août, il avait également assuré vouloir agir dans la concertation : "On décidera ensemble", avait-il déclaré. II s'agit donc de rassurer les Français alors que "près des deux tiers d'entre eux ne font pas confiance au gouvernement pour mener" cette réforme, selon un sondage Ifop-JDD publié le 31 août.

Pour s'adresser à la France rurale

Ce grand débat s'accompagne d'une opération de séduction auprès de la presse quotidienne régionale (PQR), et surtout de ses lecteurs. Perçu comme le candidat des grandes métropoles dynamiques, Emmanuel Macron tient ainsi à envoyer un message à une France rurale et âgée, qui se sent souvent délaissée. 

En choisissant de parler à Rodez, il s'adresse à un département, celui de l'Aveyron, où les plus de 60 ans représentent un tiers de la population, rappelle La Dépêche. Au-delà de ce territoire, plusieurs titres de PQR sont partenaires de l'opération. "Au cours de ce débat citoyen organisé en partenariat avec la presse quotidienne régionale (PQR), Emmanuel Macron répondra à des questions de lecteurs de différents titres de la presse régionale", explique ainsi Nice-Matin. Dans la région lyonnaise, le quotidien Le Progrès invite de son côté ses lecteurs à "sélectionner les questions" :

Une façon, selon La Dépêche, de rappeler que le président tient à entretenir un "dialogue permanent" avec une "population à dominante rurale". Un électorat précieux, appelé aux urnes dès mars prochain pour les municipales.

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