Réforme des retraites : "On a un mouvement qui va au-delà de la seule frange de la jeunesse mobilisée traditionnellement", estime un sociologue
Avec la contestation contre la réforme des retraites, "on a un mouvement qui va au-delà de la seule frange de la jeunesse mobilisée traditionnellement", a estimé mardi 28 mars sur franceinfo le sociologue Camille Peugny, spécialiste de la mobilisation de la jeunesse. Pour cette 10e journée de mobilisation contre la réforme des retraites, les renseignements territoriaux s'attendent à ce que "650 000 à 900 000 personnes défileront partout en France" mardi. Selon cette note, si environ 30 000 jeunes étaient dans les cortèges le jeudi 23 mars, ce chiffre "pourrait doubler, voire tripler". "L'annonce du recours au 49.3 a vraiment mobilisé une partie de la jeunesse autour de revendications démocratiques qui vont au-delà de cette réforme", constate le sociologue.
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franceinfo : Est-ce que ce regain de mobilisation de la jeunesse est lié au recours au 49.3 de la part du gouvernement ?
Camille Peugny : L'annonce du recours au 49.3 a vraiment mobilisé une partie de la jeunesse autour de revendications démocratiques qui vont au-delà de cette réforme. Je crois que, chez les jeunes d'aujourd'hui, il y a une soif de participation, une soif de voir son avis écouté. En 1958, quand la Constitution et cet article 49.3 se mettent en place, on a la moitié des jeunes qui ne vont pas au-delà de l'enseignement primaire. Or, aujourd'hui, la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur est majoritaire.
"On a des générations de plus en plus éduquées, de plus en plus critiques, qui estiment, à juste titre, avoir un avis légitime sur ces questions-là et n'acceptent pas ce qu'ils ressentent comme un passage en force de la part du gouvernement."
Camille Peugny, sociologueà franceinfo
Est-ce qu'il y a un profil type de ces jeunes engagés ?
On a un mouvement de contestation qui, me semble-t-il cette fois, déborde de cette jeunesse déjà habituellement mobilisée. Dans les premiers cortèges contre la réforme des retraites, on avait déjà des jeunes qui étaient déjà en emploi. Des emplois pénibles souvent, puisque lorsque l'on travaille à 20 ans, c'est qu'on a fait peu d'études et donc la probabilité d'avoir un emploi pénible est assez forte. Là, on a la mobilisation d'une partie de la jeunesse étudiante avec des blocages d'universités qui ont fleuri un peu partout en France la semaine dernière. On a donc un mouvement qui va peut-être au-delà, cette fois ci, de la seule frange mobilisée traditionnellement de la jeunesse étudiante ou des syndicats étudiants.
Ces jeunes sont-ils plus radicaux ?
Ce qu'on peut voir, par exemple la semaine dernière dans le cortège parisien, c'est que l'immense majorité des jeunes étaient parfaitement pacifiques et manifestaient dans le cortège syndical. Donc, je crois ne pas me tromper en vous disant que très majoritairement, les jeunes qui se mobilisent manifestent pacifiquement comme le reste de la population.
Le gouvernement doit-il craindre cette mobilisation de la jeunesse ?
C'est vrai que traditionnellement, quand la jeunesse descend dans la rue, les gouvernements sont davantage prompts à écouter et éventuellement à adapter leurs réformes. Or, les jeunes d'aujourd'hui sont trop jeunes pour avoir connu presque le CPE. Et c'est vrai que, ce qui avait causé la perte du CPE, c'est la mobilisation massive des jeunes dans les cortèges. Ceux qui se mobilisent sont des jeunes qui discutent avec leurs parents et qui donc peuvent avoir un effet d'entraînement pour le reste de la société. Effectivement, pour un gouvernement, voir les jeunes qui, par définition, sont les forces vives de demain se mobiliser contre une réforme n'est pas une bonne nouvelle. La crainte c'est le fait que les jeunes manifestent la journée mais ensuite discutent avec leurs parents, des parents inquiets de ce qui se passe la journée dans les mobilisations et qui ont par conséquent envie que le gouvernement écoute la colère des manifestants.
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