Nicolas Sarkozy exhorte dans une lettre les parlementaires à "se rassembler" pour remettre en ordre les comptes publics
Il s'y félicite de "l'étape fondamentale" qu'a constitué selon lui le sommet de Bruxelles, en rappelant l'ambition de construire "un véritable Fonds monétaire européen" et en souhaitant "un véritable gouvernement économique" pour la zone euro.
La gauche a dénoncé une "opération de communication" du chef de l'Etat sur la "règle d'or".
Dans sa lettre aux députés et sénateurs, rendue publique mardi, le président de la République vante le plan de sauvetage financier de la Grèce, adopté jeudi par les dirigeants de la zone euro, grâce à l'accord franco-allemand qu'il avait conclu la veille avec la chancelière Angela Merkel à Berlin.
Il estime que l'étape suivante doit être un renforcement de la gouvernance économique de la zone euro, pour permettre à celle-ci d'agir "avec rapidité et efficacité".
"Nous devons doter la zone euro d'un véritable gouvernement économique, dont la réunion au sommet des États doit être l'élément central", explique Nicolas Sarkozy. "Lui seul peut définir une stratégie économique commune assurant la cohérence des politiques des États membres."
"Nous devons désormais déterminer ensemble nos politiques économiques, afin de renforcer notre convergence et notre compétitivité au service de notre prospérité commune", explique Nicolas Sarkozy, qui confirme qu'Angela Merkel et lui feront des propositions communes en ce sens avant la fin de l'été.
Mais "pour réussir dans cette entreprise, pour entraîner ses partenaires, la France (...) doit être exemplaire dans la remise en ordre de ses comptes publics et de son économie", écrit-il.
"La France doit être exemplaire"
Le président appelle les parlementaires à "se rassembler" au-delà "des intérêts partisans". "En France, dans les mois qui viennent, nous avons besoin aussi de nous rassembler sur ces questions essentielles, au-delà des intérêts partisans", poursuit le président Sarkozy.
"La représentation nationale que vous incarnez jouera, j'en suis sûr, un rôle majeur pour assurer le sens de notre responsabilité commune face à l'Histoire", ajoute-t-il alors que la question d'une convocation du Congrès pour inscrire dans la Constitution des règles de retour à l'équilibre budgétaire devrait être débattue à la rentrée.
Assemblée nationale et Sénat ont voté en termes identiques l'inscription dans la Constitution d'une "règle d'or budgétaire" imposant aux gouvernements français de limiter les déficits budgétaires et de rééquilibrer les comptes publics.
Mais pour entrer en vigueur, il doit être adopté par le Congrès où une majorité des 3/5èmes est requise, un seuil délicat à atteindre alors que l'opposition continuer de s'opposer à cette réforme.
A neuf mois de l'élection présidentielle, l'opposition, en particulier le Parti socialiste, n'entend pas faire cette fleur au président français, candidat probable à sa succession.
Dans sa lettre, Nicolas Sarkozy s'efforce donc de mettre l'opposition face à ses contradictions, tout en prenant soin de ne pas trancher définitivement la question d'une convocation du Congrès, désormais repoussée à septembre ou à cet automne.
Réactions
A droite
La ministre du Budget, Valérie Pécresse, a appelé le PS à revoir sa position et à rallier la majorité pour l'inscription dans la Constitution de la "règle d'or" concernant le retour à l'équilibre budgétaire. Pour Valérie Pécresse qui "appelle le PS à revoir sa position, dans un esprit de responsabilité, pour les Français et pour la jeunesse à qui nous ne devons pas transmettre nos dettes", "aujourd'hui, il y a deux options: les déficits ou la règle d'or, il n'y a pas de troisième voie".
Le ministre du Budget, François Baroin, a assuré que le moment choisi par l'Elysée pour lancer cette initiative est dicté uniquement par la crise de la dette en Europe. "Ce calendrier est une déclinaison de la crise, ce n'est pas un choix tactique du président de la République, ce n'est pas une malice du gouvernement (...) c'est une conséquence de la crise, cette règle d'or", a-t-il dit.
A gauche
Martine Aubry, candidate à la primaire PS, a jugé que Nicolas Sarkozy était "totalement disqualifié pour donner à quiconque une quelconque leçon de maîtrise des comptes publics". "L'histoire retiendra que la décennie de la droite au pouvoir aura été celle du doublement de la dette; aux dires mêmes de la Cour des comptes, la gestion de M. Sarkozy et de ses amis est responsable des 2/3 des déficits", affirme-t-elle.
Le candidat à la primaire PS François Hollande a estimé mardi que "Nicolas Sarkozy n'a aucune leçon à donner, il a même plutôt une repentance à avouer: c'est sous son mandat que les comptes publics se sont dégradés avec la plus grande rapidité et hélas la plus grande intensité", a jugé François Hollande, en marge d'un déplacement de campagne à Asnières (Hauts-de-Seine).
"Nicolas Sarkozy devrait se soucier vraiment de la dette et non faire de la politique médiocre plus de neuf mois avant d'affronter le jugement des Français", a déclaré le président socialiste de la commission des Finances de l'Assemblée, Jérôme Cahuzac. "Toutes les réformes fiscales depuis 2007 ont été financées par l'endettement : paquet fiscal, taxe professionnelle et ISF repésentent près de 20 milliards chaque année à emprunter. A chacun de juger qui est laxiste du PS ou de l'UMP", a-t-il ajouté.
Au centre
"J'entends bien ceux qui disent il y a une exploitation politique, qu'il y a un avantage politique que Nicolas Sarkozy entend tirer de cette règle d'or après avoir laissé beaucoup filer les déficits", a déclaré l'ancien premier ministre Dominique de Villepin, ajoutant : "Je crois qu'il ne faut pas faire de calculs partisans sur de telles échéances. Il faut saluer la décision du chef de l'Etat et il faut le prendre au mot : le grand bénéficiaire, ce sera la France (...)".
A l'extrême droite
La présidente du Front national, Marine Le Pen, a critiqué pour sa part les "artifices de communication de Nicolas Sarkozy pour tenter de se présenter comme un gestionnaire vertueux", lui reprochant d'être le président de la Ve République "qui aura le plus creusé notre dette".
La réaction des éditorialistes de la presse écrite
Pour les éditorialistes, l'initiative de l'Elysée sur la "règle d'or" de l'équilibre budgétaire est bien la preuve que "la question de l'endettement devient un sujet majeur dans les principaux pays occidentaux", note Bruno Dive dans Sud-Ouest. Et de faire le parallèle avec le très musclé débat aux Etats-Unis entre le président démocrate et les parlementaires républicains.
Ce faisant, "Nicolas Sarkozy s'est lancé dans une grande opération de communication pour mettre en difficulté le Parti socialiste, plombé par son incapacité à refuser les politiques d'austérité", écrit Patrick Apel-Muller dans L'Humanité. Il tend un "piège politique" à la gauche en la plaçant devant ses propres contradictions, constate Chantal Didier dans L'Est Républicain : les principaux candidats du PS refusent la "main tendue" de l'Elysée alors même qu'ils "acceptent de revenir à l'équilibre dès 2013".
Le chef de l'Etat cherche ainsi "à tirer les bénéfices hexagonaux" du récent accord européen sur le plan de sauvetage à la Grève, observe Jacques Guyon dans La Charente Libre. Mais aussi à travailler "son image d'homme responsable et de rassembleur", ajoute Bertrand Meinnel dans Le Courrier Picard. Ce faisant, "il vient de mettre les deux pieds dans le plat de la campagne présidentielle", écrit Jacques Guyon dans La Charente Libre.
Campagne, vous avez dit campagne ? Alors qu'il prônait "la règle d'or", Nicolas Sarkozy en désignait lui-même "la première exception: les restaurateurs et cafetiers seront dispensés de l'effort pour la réduction des déficits publics" puisqu'"ils préservent leur TVA à 5,5 %", observe de son côté, un peu fielleusement, Pascal Jalabert dans Le Progrès.
Dans le même temps, le chef de l'Etat sait que sa proposition est "déjà rejetée", la gauche refusant "d'être contrainte en cas de victoire en 2012", pense l'éditorialiste picard. "Au final, ce sujet crucial devient un énième dialogue de sourds ou de petites phrases, alors que chaque parti est conscient du problème ou des risques encourus", ajoute-t-il.
"Les déficits demeurent et eux ne sont ni de droite ni de gauche. Qu'elle s'appelle règle d'or, cause nationale ou tour de vis, la remise à flot des caisses de l'État sera au programme du prochain mandat présidentiel sous peine d'exposer la France à une dégringolade à la grecque", prévient l'éditorial du journal de la capitale des Gaules...
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