Cet article date de plus de quatre ans.

Vidéo Trop d’épargne pour toucher le RSA : quand les départements inventent des critères illégaux

Publié
Temps de lecture : 4min - vidéo : 3min
L'oeil du 20 heures - 28 septembre 2020
L'oeil du 20 heures - 28 septembre 2020 L'oeil du 20 heures - 28 septembre 2020
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
France 2

C'est le minimum social que l'on accorde à ceux qui n'ont pas de revenus : le RSA est géré par les départements, mais tous les départements n'ont apparemment pas les mêmes critères. Ainsi certains le refusent à ceux qui ont des économies.

Quand on est sans ressources, on peut demander le revenu de solidarité active, le RSA. Mais les départements, qui financent l’essentiel de cette aide, ont pour certains inventé de nouveaux critères. Ils contrôlent l’épargne des demandeurs, et ceux qui ont un peu trop d’argent de côté sont privés de RSA. Sauf que c’est illégal. 

Dans la Manche, L’œil du 20 heures a rencontré un ancien salarié, aujourd’hui en difficulté. Ces dernières années, il a enchaîné les CDD, avant le chômage, et la crise du coronavirus. Aujourd’hui hébergé par des proches, il avait droit à 400 euros de RSA par mois... jusqu’à cette lettre du conseil départemental : “le montant des capitaux détenus actuellement par votre foyer dépassant 23.000 euros, vous ne percevrez plus cette allocation”. 

En cause : ses économies. Pour lui, une épargne de précaution : "j’ai moins de 30.000 euros. Moi j’ai l’impression qu’on me punit. On me retire la seule aide que finalement le gouvernement me donnait." 

Une "délibération illégale"

Pas de RSA pour ceux qui ont plus de 23 000 euros d’épargne. Comme l’a révélé Mediapart, cette règle a été adoptée par le conseil départemental de la Manche en juin 2016. Depuis, 444 allocataires du département ont été privés de RSA parce qu’ils avaient un compte épargne trop fourni.

L’un d’eux a saisi le tribunal administratif il y a deux ans, avec Nicolas Toucas, son avocat. Le juge a qualifié d’« illégale » la délibération du département, dans une décision confirmée par le Conseil d’Etat en novembre dernier. "Les départements n’ont aucune légitimité," résume Me Nicolas Toucas. "ls n’ont pas le pouvoir de prendre ce type de décision. Il n’y a aucune place au doute." 

Un autre département, l’Eure, avait décidé d’interdire le RSA à tous ceux qui possèdent plus de 9 670 euros. Mais il s’est vite ravisé, comme nous le confie un cadre de la collectivité : “on n’a jamais mis en place cette délibération parce qu’en creusant juridiquement, on s’est rendu compte que ça ne tenait pas, ce truc-là.” 

Un plafond d'épargne en vigueur dans quatre départements

En tout, huit départements reconnaissent avoir pris des délibérations similaires. Mais seuls quatre - deux de droite (la Manche et l'Orne), et deux de gauche (les Pyrénées-Orientales et l'Hérault), continuent de les appliquer aujourd’hui, malgré la décision du juge administratif.

Dans la Manche, pour le président (LR) Marc Lefèvre, sa délibération est bonne, c’est la loi qu’il faudrait changer. "Je considère qu’elle n’est pas forcément illégale ; je crois que c’est de la libre appréciation et administration des collectivités. Ou alors à ce moment-là, considérons que le RSA est une compétence de l’Etat et l’Etat reprend la main !"   

Tant que cette délibération qualifiée d’illégale par la Justice n’aura pas été annulée, c’est à chaque allocataire radié de saisir le juge administratif pour faire valoir ses droits... Et d’utiliser son épargne pour se payer un avocat.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.