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Projet de fusion entre TF1 et M6 : quatre questions qui se posent après l'annonce de négociations

Les négociations doivent mener à la fusion des activités de TF1 et M6 et à la création d'"un groupe de médias français d'envergure", ont annoncé les groupes dans un communiqué.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Photo d'illustration. M6 et TF1 ont annoncé le 17 mai 2021 leur projet de fusion.  (MAXPPP)

Jusqu'ici rivaux acharnés, bientôt alliés ? M6 et TF1 ont annoncé lundi 17 mai leur projet de fusion. "TF1, M6, Bouygues et RTL Group annoncent aujourd'hui qu'elles ont conclu des protocoles d'accord d'entrée en négociations exclusives pour fusionner les activités de TF1 et M6 et créer un groupe de médias français d'envergure", ont fait savoir les groupes dans un communiqué. Ils disent tabler sur une finalisation de la transaction d'ici à la fin de 2022. Un séisme dans le paysage médiatique français qui soulève des questions.  

1Comment devrait se passer la fusion ?

M6, qui possède aussi des stations de radio, dont RTL, était à vendre depuis plusieurs mois par son actionnaire principal, le groupe allemand Bertelsmann, via sa filiale RTL Group. Il avait reçu fin mars plusieurs offres, dont celles de Vivendi (Canal+), de Xavier Niel (Iliad), ou encore de l'entrepreneur tchèque Daniel Kretinsky, selon des informations de presse. C'est finalement Bouygues, maison mère de TF1, qui l'a emporté et qui prendra le contrôle du futur groupe avec 30% des parts, si la fusion est autorisée. Pour sceller l'opération, le groupe va débourser 641 millions d'euros.

RTL Group garderait alors 16% du capital et agirait de concert avec Bouygues, les deux partenaires contrôlant donc 46% de la future entité fusionnée. A sa tête : le patron emblématique de M6, Nicolas de Tavernost. L'actuel PDG de TF1, Gilles Pélisson, deviendrait directeur général adjoint de Bouygues en charge des médias. 

La fusion vise à réaliser un maximum de synergies, par exemple en permettant de ne conserver qu'une seule régie publicitaire. TF1 et M6 disent aussi vouloir créer une plateforme commune de rattrapage et de streaming, et un service de VOD par abonnement (SVOD).

2Est-ce autorisé ? 

Le point décisif sera le feu vert de l'Autorité de la concurrence. Plusieurs obstacles sont à franchir avant une fusion. Tout d'abord, en France, seules sept autorisations pour diffuser sur les ondes hertziennes peuvent être accordées à un même groupe de télévision, explique le site du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Le groupe M6 détenant déjà cinq fréquences (sa chaîne éponyme, W9, 6ter, Gulli et Paris Première), un rachat par TF1, également propriétaire de cinq canaux (TF1, TMC, LCI, TFX, TF1 Cinéma Séries) impliquerait la cession de trois chaînes.

Ensuite, le mariage de la première et de la troisième chaîne du PAF en termes d'audience ferait émerger un acteur géant de la télévision, dépassant France Télévisions avec plus de 30% de part d'audience et représentant les trois quarts du marché publicitaire sur ce média. De quoi inquiéter les annonceurs. "La capacité à contrôler le prix à l'achat et à la vente, la limitation de la capacité de nouveaux entrants à pénétrer le marché, la réduction de l'innovation… Tout cela est inquiétant pour les marques, qui ont besoin de la télévision pour se développer", a réagi auprès d'Europe 1 Jean-Louis Chetrit, le président de l’Union des marques.

Autres freins possibles à l'accord des autorités antitrust : "le poids prépondérant que TF1 et M6 réunis occuperaient sur l'achat de films et de séries" et le "risque de position dominante auprès des distributeurs de chaînes, notamment les 'box', qui rémunèrent désormais les chaînes gratuites pour la reprise de leur signal et leur replay", énumère BFMTV. La décision pourrait être rendue dans plusieurs mois, expose l'Autorité de la concurrence sur son site.

3Pourquoi ce rapprochement ?

"La consolidation est une impérieuse nécessité pour que le public français et l'ensemble de la filière continuent de jouer un rôle prédominant face à une concurrence internationale exacerbée qui connaît une accélération fulgurante", a justifié Nicolas de Tavernost dans un communiqué de presse"Le marché audiovisuel est en croissance sur le long terme. Dans ce contexte, Bouygues se réjouit de contribuer à la création d'un grand groupe média français", a pour sa part affirmé le directeur général de Bouygues, Olivier Roussat, cité dans le communiqué.

L'entité veut donc pouvoir rivaliser avec les géants américains du secteur, dont Netflix et Amazon. Philippe Bailly, du cabinet NPA Conseil, structure spécialisée dans l’économie de l’audiovisuel, explique à franceinfo "Effectivement, on devrait enfin avoir notre champion national. Cela serait à l'échelle du paysage audiovisuel français une vraie recomposition, une vraie consolidation. Cela fait des années qu'on en parle." Cette fusion suit par ailleurs un mouvement international. "On est dans un monde qui bouge à une vitesse phénoménale. Il y a des méga-ensembles qui sont en train de se constituer", continue le spécialiste.

4Quelles sont les craintes ? 

Outre la possible création d'un monopole sur le marché de la publicité, d'autres inquiétudes émergent après cette annonce. "Si TF1 rachète, certains redoutent une 'casse sociale' sur les éventuels doublons et les services transversaux. Les journalistes craignent un rapprochement entre les rédactions de LCI et de RTL façon BFMTV/RMC, et ses conséquences sur l'emploi", écrit Télérama (article payant). Les promoteurs du projet n'ont en effet pas encore évoqué ses éventuelles conséquences en termes d'emplois. Le gouvernement prévient, lui, "que l'opération doit être synonyme de 'croissance' pour les salariés", précise Le Monde (article payant).

"Il y a un risque que le marché créatif s'assèche", ajoute auprès de franceinfo Arnaud Mercier, sociologue des médias. "Le risque, c'est également d'avoir une force de frappe très forte pour faire pression sur les créateurs, que ce soit des émissions de jeux ou des séries télé. Avec peut-être, dans un certain nombre de cas, un risque de remise en cause d'une forme de pluralisme, parce qu'il y aurait une sorte de standardisation forcée, alerte-t-il. Puisque c'est le plus gros employeur, c'est lui qui fixe un peu les règles."

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