Visite d'Emmanuel Macron à Marseille : le directeur de la rédaction de "La Provence" mis à pied une semaine, une grève illimitée votée par les salariés
Le directeur de la rédaction du journal La Provence Aurélien Viers a été mis à pied une semaine, a appris vendredi 22 mars franceinfo de source syndicale, après un choix de une portant sur l'opération "place nette XXL". Cette décision suscite l'émoi au sein de la rédaction. Les salariés du journal La Provence ont voté en assemblée générale à une large majorité vendredi après-midi une grève illimitée, a appris franceinfo de sources syndicales.
Une motion de défiance a également été votée contre la direction générale de La Provence et Whynot Media, le groupe de presse de Rodolphe Saadé. Le groupe Whynot Media a récemment fait l'acquisition des chaînes BFMTV et RMC.
"Aucune faute déontologique n'a été commise"
Dans le détail, sur les 163 voix exprimées, 129 ont voté pour la grève à compter de ce vendredi à l'heure de la proclamation du vote. Une action est également prévue lundi matin suivi d'une nouvelle assemblée générale. "La direction ne doit pas remettre en cause notre travail journalistique", déclare à franceinfo Emilie Davy de la CFE-CGC La Provence.
D'après le communiqué des syndicats de la rédaction de "La Provence" que franceinfo a pu consulter, "par cette motion, la rédaction de La Provence se refuse d'exercer ses missions la peur au ventre vis-à-vis de sa direction alors que le métier de journaliste est de plus en plus mis à mal par le pouvoir politique mais aussi par l'opinion publique". La rédaction "réaffirme qu'en l'espèce aucune faute déontologique n'a été commise" et réclame "la réintégration immédiate du directeur de la rédaction, Aurélien Viers".
"On nous a dit que les propos en "Une" faisaient la propagande des dealers", explique à France Bleu Provence Sophie Manelli, déléguée SNJ. "On est tombé de notre chaise. Déontologiquement, je ne vois pas ce qu'on peut reprocher à cette une".
Des excuses du directeur de la publication
Selon les syndicats de La Provence, le traitement éditorial de la visite surprise d'Emmanuel Macron à Marseille mardi a déplu en "haut lieu", dénonçant de possibles pressions de la part de l'actionnaire principal, l'armateur CMA CGM Rodolphe Saadé. Jeudi, le quotidien affichait sur sa une une photo d'un quartier de Marseille avec, en titre, la citation : "Il est parti et nous, on est toujours là". Aurélien Viers a été mis à pied vendredi pour une semaine, avec entretien préalable au licenciement dans les prochains jours.
La une de vendredi affiche par ailleurs des mots d'excuse de la part du directeur de la publication. "La une de La Provence de jeudi matin a ému beaucoup d'entre vous", écrit ainsi Gabriel d'Harcourt. Il regrette que "la citation en une et la photo d'illustration qui l'accompagnait ont pu laisser croire que nous donnions complaisamment la parole à des trafiquants de drogue décidés à narguer l'autorité publique". Pour le directeur de la publication, cela "ne reflète en rien les valeurs et la ligne éditoriale" du journal. "Nous avons induit en erreur nos lecteurs et La Provence leur présente ses plus profondes excuses", ajoute-t-il. À noter que, d'après l'intersyndicale, le journal La Provence ne paraîtra pas ce samedi.
Les sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV et RMC et les syndicats SNJ, CGT et SNME-CFDT d'Altice Media dénoncent, dans un communiqué commun, les "décisions scandaleuses" prises à La Provence et réaffirment "leur attachement indéfectible à l'indépendance des rédactions de tous pouvoirs, et à la liberté éditoriale". "Cet enjeu qui touche à l'essence même de la démocratie doit interroger tous les salariés du groupe, qui sont aussi des citoyens." Les signataires rappellent "les engagements de pluralisme, d'indépendance et d'éthique journalistiques" annoncés par l'actionnaire CMA-CGM "il y a une semaine". Les syndicats et les SDJ souhaitent être reçues par les représentants de la CMA-CGM pour rédiger "une charte éthique solide et engageante". Les organisations appellent à un "rassemblement symbolique" des rédactions à Paris et en régions lundi à 10h pour "défendre la liberté d'informer".
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