BFMTV et RMC vendus à CMA CGM : "Quand on possède un tel empire médiatique, on a un outil de négociation avec le pouvoir", analyse un historien des médias

Le groupe CMA CGM, propriété du milliardaire franco-libanais Rodolphe Saadé, a annoncé vendredi avoir signé une promesse d'achat en vue de l'acquisition d'Altice Media, maison mère de BFMTV et RMC.
Article rédigé par franceinfo
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Le PDG de CMA CGM Rodolphe Saadé photographié devant le Mucem, à Marseille, lors d'un déplacement d'Emmanuel Macron, le 27 juin 2023. (LUDOVIC MARIN / POOL)

"Quand on possède un tel empire médiatique, on a un outil de négociation avec le pouvoir", analyse vendredi 15 mars sur franceinfo Alexis Lévrier, historien des médias, après l'annonce du rachat d'Altice Media, maison mère de BFMTV et RMC, par l'armateur français CMA CGM. Un accord de rachat pour 1,55 milliard d'euros a été conclu.

"Au-delà du fait que ça peut être rentable en soi, c'est la cohérence d'ensemble et les intérêts du groupe que Rodolphe Saadé [PDG de CMA CGM] cherche à défendre", poursuit Alexis Lévrier. "C'est un groupe qui est très puissant, L'Obs révélait à la fin de l'année dernière que c'est un groupe qui a réalisé 42 milliards d'euros de bénéfices en deux ans et qui n'a payé que 2 % d'impôts grâce à la bienveillance de l'État", décrit Alexis Lévrier.

De nouveaux empires médiatiques

L'historien des médias décrit un contexte dans lequel "il y a des nouveaux acteurs qui cherchent à construire des groupes médiatiques présents à la fois dans le papier et dans l'audiovisuel". Parmi eux se trouvent "Saadé mais aussi Daniel Kretinsky et on sait que Xavier Niel lorgne aussi les médias audiovisuels", liste-t-il. "Quand c'est bien géré, quand on a des possibilités de concentrations verticales et horizontales, on a les moyens de construire un groupe rentable", explique l'historien.

La progression de CMA CGM dans les médias a été "très rapide", rappelle Alexis Lévrier, avec "d'abord de la PQR et ensuite La Tribune". Fin 2023, le groupe a lancé La Tribune dimanche avec la volonté de "faire concurrence à ce qu'est devenu le JDD, c'est-à-dire un hebdomadaire d'extrême droite, en reprenant l'identité originelle du JDD, un journal plutôt d'influence et plutôt d'accompagnement du pouvoir politique, interprète le spécialiste. Rodolphe Saadé est quelqu'un qui ne sera pas dans la logique idéologique de Vincent Bolloré, il reprend des médias parce que c'est rentable mais aussi parce que ça permet de faire pression sur le pouvoir."

Une "crise d'identité"

"Depuis la fin de l'ère Drahi, BFM était un peu dans une crise d'identité, c'est-à-dire que le succès de BFM a longtemps reposé sur le hard news, et puis, ces derniers temps, ils ont essayé d'aller sur les plates-bandes de CNews, mais pas avec le même succès. Donc il faut s'attendre à ce que BFM se recentre sur son identité originelle parce que ça fonctionnait bien, mais ça ne sera pas dans une logique de contestation du pouvoir, ça ne fait aucun doute", avance l'historien.

Alexis Lévrier fait toutefois part d'une "inquiétude". "Ces empires qui sont quand même en nombre très restreints, qui peuvent être dans la contestation du pouvoir, mais qui sont quand même très majoritairement dans l'accompagnement du pouvoir, posent un problème", lâche-t-il. "Dans quelle mesure respectent-ils l'indépendance éditoriale de leur rédaction ? C'est cela aussi qu'il faudra observer dans les mois et années à venir", prévient-il.

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