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Le secteur agricole, gisement d’emplois pour la jeunesse africaine

La forte croissance démographique en Afrique va se traduire par l’arrivée de 13 millions de jeunes chaque année sur le marché du travail. L’agriculture et les filières agroalimentaires peuvent absorber une grande partie de ces nouveaux actifs. Un colloque organisé par la fondation FARM préconise plusieurs pistes pour donner aux jeunes le goût de l'agriculture et leur faire détester l'émigration.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Cueillette dans une plantation de café en Zambie (afp /Olekandr Rupeta)

Le secteur agricole contribue à 61% de l’emploi et 36% du PIB du continent africain. Il joue donc un rôle clé pour répondre aux 800 millions d’actifs supplémentaires attendus à l’horizon 2050. Créer des emplois dans le secteur agricole c'était le thème d'un colloque organisé par la fondation FARM

En Afrique, on va assister à un doublement de la population des villes mais aussi des campagnes, affirment les démographes. La transition démographique et l’exode rural qui ont eu lieu en Europe ces dernières décennies ne peuvent se reproduire avec la même ampleur en Afrique. En France, en 50 ans, on est passé de 40% de personnes vivant de l’agriculture à moins de 4%.

Selon Hubert Cochet, professeur à AgroParisTech, l’Afrique ne pourra pas suivre le modèle européen. «Il faudrait pour cela que les villes africaines absorbent un milliard de personnes d’ici 2050, ce qui n’est ni souhaitable ni réaliste. (...) Par conséquent, sans idéaliser les petites agricultures familiales, il est nécessaire de maintenir le plus possible la population rurale, tout en améliorant, de manière durable, la productivité de la terre.»
 
Dégradation des sols
Or, la pressions sur la terre et la mauvaise utilisation des engrais minéraux ont conduit à une surexploitation des sols et une baisse de leur fertilité (de 10 à 15% par an dans les zones semi-arides d’Afrique.

«La dégradation des terres se pose de manière particulièrement aiguë en Afrique. Elle serait due en grande partie à la perte de biodiversité et au changement climatique», affirme Melih Ulueren, ambassadeur de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD). «La communauté internationale doit relever le triple défi de protéger, restaurer et améliorer les sols agricoles, pour assurer leur fertilité et réduire les émissions de gaz à effet de serre… la régénération des sols agricoles peut entraîner, directement ou indirectement, la création de nombreux emplois.»  


Agriculture intensive ultra-mécanisée (Brésil) ou agriculture familiale qui génère de nombreux emplois. (AFP PHOTO / Yasuyoshi CHIBA)

Moins de 2 dollars par jour
72% des jeunes en milieu rural vivent avec moins de 2 dollars par jour. Pour John M.Ulimwengu,chercheur à l’IFPRI, «les politiques publiques en Afrique doivent donner la priorité à l’agriculture pour que la croissance économique profite aux plus pauvres.
Les agriculteurs doivent impérativement se professionnaliser et se moderniser pour améliorer leurs revenus.
(...) Il faut donc leur donner accès aux moyens de production les plus efficaces (machinisme agricole, intrants, irrigation, etc.) et aux marchés.»
Cela passe par la construction de routes, par l’accès aux transports et à l’énergie, indispensables au développement des filières agricoles.
 
650 millions d’Africains sont encore privés d’électricité. En matière énergétique, l’avenir est aux unités solaires ou hydrauliques destinées à alimenter dispensaires, éclairage public, écoles, magasins de stockage, motopompes, etc.
 
Pour réussir cette modernisation agricole, plusieurs leviers doivent être actionnés: améliorer l’accès à la terre alors que les droits coutumiers compliquent souvent l’accès au foncier. Assurer la stabilité des revenus agricoles pour une activité soumise aux aléas climatiques. Privilégier la production locale, face aux importations de produits alimentaires.
 
Coopératives
Papa Bakary Coly, de la Fédération des acteurs de la filière avicole au Sénégal, a montré comment «la forte augmentation des droits de douane dans les années 1980 puis l’interdiction d’importation des cuisses de poulet en 2005, lors de la grippe aviaire, ont favorisé la croissance de la production avicole locale. De 2005 à 2012, celle-ci a été multipliée par 5, son chiffre d’affaires a bondi de 20 à 145 milliards FCFA et le nombre d’emplois est passé de 7000 à 30.000. Aujourd’hui, les poulets sénégalais sont exportés vers les pays limitrophes.»
 
Plusieurs intervenants du colloque ont également souligné l’importance du regroupement des producteurs en coopératives, un phénomène qui se développe rapidement sur le continent. Au Sénégal, la Coopérative agro-industrielle de Saint-Louis, qui rassemble 3000 femmes productrices de légumes sur 1000 hectares, a pu négocier des prix plus favorables grâce au volume de son offre. Ces coopératives agricoles accroissent le pouvoir de négociation face aux acheteurs et aux grandes surfaces qui se développent sur le continent.

Enfin, principal défi à relever: «Faire aimer l’agriculture aux jeunes pour qu’ils ne soient plus attirés par les lumières de la ville et l’aventure dangereuse de l’émigration.»

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