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Le Nutella est-il vraiment mauvais pour la santé ?

Adopté mercredi, l'"amendement Nutella" sur l'huile de palme jette la lumière sur la pâte à tartiner culte, souvent accusée d'être un produit malsain.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La commission des Affaires sociales du Sénat a adopté, mercredi 7 novembre, un "amendement Nutella" au projet de budget de la Sécu, visant à augmenter de 300% la taxe sur l'huile de palme. (JOHANNA LEGUERRE / AFP)

SANTE - Adopté mercredi 7 novembre par la commission des Affaires sociales du Sénat, l'"amendement Nutella" vise à augmenter de 300% la taxe existante sur l'huile de palme, une graisse très controversée présente entre autres dans la composition de la pâte à tartiner star du goûter.

L'occasion pour francetv info de se pencher sur ce bocal riche en saveurs et en polémiques, souvent appelé à comparaître dans les procès faits par les consommateurs à l'agroalimentaire. 

1Le procès de l'huile de palme 

L'accusé : elle "permet à l’industrie d’obtenir, à moindre coût et en remplacement du beurre, une texture craquante et de mieux conserver les produits", indique l'association de consommateurs Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) sur son site, Le point sur la table. Accusée d'être dangereuse d'un point de vue écologique (déforestation) et nutritionnel (cholestérol), on retrouve l'huile de palme dans la plupart des produits manufacturés de l'agroalimentaire, mais aussi dans les cosmétiques. Adrien Gontier, jeune thésard en géochimie qui a tenu le pari de vivre un an sans en consommer, a établi une liste des produits qui en contiennent.

Nutella à la barre : Ferrero, le fabricant du Nutella, a été épinglé en 2011 par un rapport de l'ONG WWF (en anglais) pour son usage important d'huile de palme "non durable". Conscient de l'impact de ces accusations sur son image de marque, l'entreprise a indiqué en janvier dernier faire de nombreux efforts pour assurer la qualité sanitaire de ses produits, indique ConsoGlobe.com. Selon la firme, on trouve en effet 3,1g d’acide palmitique pour 30g de Nutella. Mais à titre de comparaison, on en trouve 3,3g dans 15g de beurre. 

Pour la nutritionniste Béatrice de Reynal, citée par le site Owni"prétexter que les enfants consomment seulement une tartine par jour est un peu provocateur. Ils prétendent que la quantité recommandée sur 30 g de pain est 15g de Nutella… Je vous mets au défi de trouver des adolescents qui ne mettent que 15g de Nutella sur du pain".

Et la loi dans tout ça ? La taxe relevée sur l'huile de palme, si elle devait être adoptée en séance, permettrait un rendement de l'ordre de 40 millions d'euros, estime Yves Daudigny (PS), auteur de l'amendement et rapporteur de la commission. De quoi envoyer un signal, non pas aux consommateurs, mais aux "industries agroalimentaires pour qu'elles substituent à ces huiles de nouvelles compositions plus respectueuses de la santé humaine", indique le député.  

2Le procès des phtalates

L'accusé : on en trouve dans les cosmétiques, les peintures, les fournitures scolaires, mais aussi dans les jouets en plastique, sextoys inclus, indiquait L'Express en 2011.

Selon une étude de l'Inserm (PDF) réalisée en 2008, les phtalates sont "délétères pour la mise en place du potentiel reproducteur masculin dans l’espèce humaine". Ils "peuvent même atteindre les fœtus et entraver le développement des testicules", poursuit 20minutes. Quand ils ne sont pas incriminés plus largement dans des troubles de la croissance ou le développement de l'asthme ou d'allergies, selon des études compilées par le Réseau environnement santé (PDF). Si les phtalates (et notamment un type appelé DEHP) réduisent la fertilité des hommes, ils pourraient constituer un facteur dans l'apparition du diabète chez les femmes, écrivait en juillet la revue Science Daily (article en anglais). 

Nutella à la barre : c'est pour la présence de phtalates dans certains de ses emballages que Ferrero a été montrée du doigt, notamment dans le documentaire L'emballage qui tue, diffusé en 2010 sur Arte. Sur ce point aussi, la société italienne a choisi de se défendre, rappelant au passage que ses pots de pâte à tartiner sont souvent en verre. "Les phtalates, par leur caractère volatile, sont omniprésents dans l’environnement domestique, à tel point qu’il est possible de relever leur présence dans l’air ambiant et dans l’eau", indique le communiqué de Ferrero.  

"Les analyses menées sur Nutella par des laboratoires indépendants (Laboratoire Sofia à Berlin et Laboratoire Galab à Hambourg), réalisées en avril 2010, montrent la présence de traces infimes de phtalates (60 microgrammes/kg en moyenne), équivalentes voire inférieures à celles que nous retrouvons dans n’importe quel autre produit (en moyenne 65 microgrammes/kg)", se défend le groupe. D'après lui, il faudrait s'en goinfrer ("25kg de Nutella par jour") pour atteindre la limite journalière de 500 microgrammes fixée par les autorités sanitaires européennes.

Et la loi dans tout ça ? Sur ce dossier, le législateur s'active. Et notamment le député PS Gérard Bapt, qui a déposé un texte en forme de proposition de loi auprès de son groupe parlementaire, prônant l'interdiction des phtalates dits "nocifs". Depuis le 1er juin 2011, la présence de DEHP doit d'ailleurs être notifiée au-delà d'une concentration de 0,1%.

3Le procès des calories

L'accusé : l'organisme puise son énergie dans les sucres (glucides), les corps gras (lipides) et les protéines. L'énergie transmise par ces trois nutriments se mesure en calories. Si l'on ingère plus de calories qu'on en dépense, on prend du poids. Le Nutella lui, contient environ 530 calories pour 100g. C'est plus qu'un Big Mac de McDo (495 Kcal), mais moins que 100g de beurre (750 Kcal).

Nutella à la barre : "La pâte à tartiner, malgré les noisettes et le verre de lait qui ornent son étiquette, ne contient que 13% des premières et 6% du second. Nutella, c'est du gras et du sucre, à 60%",écrit Le Point dans un article consacré à la success story de la pâte préférée des gourmands. Pour le docteur Frédéric Saldmann, cardiologue et nutritionniste à l'hôpital Georges Pompidou interrogé par l'hebdomadaire, "il est devenu un produit symbolique, pour comprendre en particulier l'obésité infantile, contre laquelle on cherche souvent un bouc émissaire".

Pour justifier de sa bonne foi, l'entreprise brandit sa charte éthique. Sur le site de Ferrero, la chef de marché confiserie enfant, Stéphanie Loir, assure que Nutella délivre un message responsable. En tant qu'entreprise de "produits gourmands (…) on veut se développer, mais pas à n'importe quel prix (…) On ne veut pas amener le consommateur à surconsommer nos produits". Un message qui passe par la pub, explique-t-elle, où la pâte se partage à l'heure du goûter, sur une tartine, et non en engloutissant le pot à la cuillère, comme le font les grands accros. 

Et la loi dans tout ça ? En juin 2010, des rumeurs (démenties par la suite) évoquaient l'ajout par l'Union européenne d'une étiquette "produit dangereux" sur le fameux pot. Plus soft, le Parlement européen a voté en juillet 2011 un règlement en matière d’étiquetage des produits alimentaires, rendu obligatoire à partir du 13 décembre 2016, explique le site spécialisé agro-media.fr. La valeur énergétique tout comme la quantité de graisses devra figurer sur le produit, quel qu'il soit. Car dans le domaine de la nutrition, l'information est primordiale. Ne "sachant" pas que le Nutella n'était pas aussi sain que goûtu, une mère de famille californienne a initié en 2011 une plainte collective contre Ferrero. L'entreprise avait dû se résoudre à régler aux plaignants presque 2,4 millions d'euros.

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