L'ancien trader de la Société Générale compte plaider la relaxe lors de son procès prévu du 8 au 23 juin
Après deux ans de silence et à la veille de la sortie d'un livre baptisé "L'engrenage, mémoires d'un trader", Jérôme Kerviel a levé le voile sur une partie de sa stratégie de défense, mardi sur France 5.
Accusé d'avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à ses anciens employeurs, l'ex trader ne veut pas être le seul à payer.
Affirmant encore une fois que sa hiérarchie était au courant et aurait même encouragé des opérations qui lui ont ensuite été reprochées, contrairement à ce qu'a établi l'enquête, Jérôme Kerviel a réaffirmé mercredi qu'"il y a assez de pièces dans le dossier".
D'autant plus, dit-il, que le président du tribunal vient "de nous autoriser l'accès aux scellés qui nous avait été refusé par le juge d'instruction" et que "les éléments prouvant tout ce que je disais dans l'instruction étaient dans les scellés qui n'ont pas été versés au dossier".
"Je n'ai pas envie de payer pour tout le monde", insiste-t-il. "J'entends assez régulièrement que l'enjeu de mon procès, c'est la notoriété de la place financière de Paris, ce sont des enjeux qui me dépassent complètement", assure M. Kerviel.
Avec son ouvrage, il entend faire découvrir au public "un système financier devenu fou" pour lequel il refuse de payer seul les pots cassés.
Un livre pour faire valoir sa vérité
Interrogé dimanche soir dan le Journal télévisé de France 2, Jérôme Kerviel a reconnu : "J'étais dans un monde irréel, complètement obnubilé par mon métier, dans un truc totalement virtuel".
"Je souhaite que ce livre interpelle l'opinion publique sur la réalité des pratiques bancaires. Qu'elle y découvre le témoignage d'un homme qui reconnaît ses fautes mais refuse de payer pour un système financier devenu fou", peut-on lire sur la quatrième de couverture de son livre.
Jérôme Kerviel, 33 ans, qui travaille désormais dans une société informatique en banlieue parisienne pour "un peu plus de 2000 euros par mois", y raconte son travail à la Société Générale, le fonctionnement d'une salle des marchés, sa passion pour son métier et combien ses supérieurs appréciaient alors sa manière de "faire du pognon" en "bonne gagneuse".
Lui qui touchait jusqu'à 100.000 euros bruts par mois, bonus compris, reconnaît s'être "précipité dans une fuite en avant", avoir été "grisé" par les sommes gagnées, au point d'exposer la Société Générale dans des proportions inouïes.
Kerviel se dit "serein" avant le procès
Mais il n'accepte pas d'avoir été traité de "fou" et de "terroriste", et réaffirme comme il l'a toujours soutenu durant l'enquête que la banque ne lui opposait aucun "garde-fou". Selon lui, la banque était au courant des pratiques hors normes qui lui sont reprochées et ses supérieurs le laissaient faire dès lors qu'il faisait gagner de l'argent.
Il ne comprend donc pas pourquoi il est le seul prévenu au procès prévu en juin devant le tribunal correctionnel de Paris.
En attendant, "j'essaye de me focaliser sur ma défense, je travaille énormément mon dossier", a-t-il expliqué dimanche au journal de 20h de France 2. "Je suis très confiant, je suis serein, j'attends avec impatience le procès", a-t-il ajouté. Selon lui, "on n'aura pas de mal à prouver à l'audience" que ses supérieurs étaient au courant.
Le procès débute le 8 juin
L'ancien trader doit comparaître du 8 au 23 juin devant le tribunal correctionnel de Paris pour y répondre des 4,9 milliards d'euros de pertes qu'il est soupçonné d'avoir provoqués début 2008, en prenant des positions hors normes (jusqu'à 50 milliards d'euros) sur les marchés financiers.
Il sera jugé pour abus de confiance, faux et usage de faux et introduction de données frauduleuses dans un système informatique. Il risque cinq de prison et 375.000 euros d'amende.
Kerviel appelle ses ex-collègues à témoigner
Dans un entretien au Journal du Dimanche, Jérôme Kerviel appelait ses anciens collègues "qui n'ont pas dit ce qu'ils savaient", à "témoigner".
"Beaucoup de pistes n'ont pas été explorées au cours de l'instruction, beaucoup de questions sont restées en suspens, et de nombreuses personnes n'ont pas dit ce qu'elles savaient, des collègues notamment", a affirmé Jérôme Kerviel au JDD.
"Je lance aujourd'hui un appel aux bonnes volontés, parce que je croise énormément de gens, des milieux financiers ou universitaires qui m'assurent de leur soutien mais refusent de témoigner, parce qu'ils ont peur de représailles ou de perdre leur emploi", ajoute-t-il, estimant que ces personnes "ne peuvent pas dire ouvertement que ce que la Société Générale raconte ne tient pas debout."
Les juges Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset en ont jugé autrement et l'ont renvoyé seul devant le tribunal, jugeant que le jeune homme avait outrepassé le mandat confié par la banque en prenant des positions hors normes -jusqu'à 50 milliards d'euros- sur les marchés financiers.
La Société Générale promet elle aussi "des surprises" à l'audience
L'avocat de la Société Générale, Me Jean Veil, a répliqué que si Kerviel "promet des surprises à l'audience, je lui en promets de belles aussi."
Concernant les contrôles défaillants au sein de la banque, l'avocat estime que "cela n'autorise pas à commettre des fraudes". "Ce n'est pas parce que les volets sont mal fermés qu'un voleur est autorisé à rentrer dans votre appartement par la fenêtre", raisonne-t-il.
Dans un texte publié sur son site internet, la banque a dit de son côté attendre "une sanction exemplaire" du procès en correctionnelle de son ancien trader. Pour elle, il s'agit d'une "fraude exceptionnelle" qui "a mis en péril" son existence.
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