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Fermeture de Bridgestone à Béthune : "Ils nous ont menti" et "il faut aller au bras de fer", dit Xavier Bertrand, président de la Région des Hauts-de-France

L'usine de pneus compte 863 salariés. La brutalité de l'annonce a été dénoncée dans un communiqué commun du gouvernement et la Région.

Article rédigé par franceinfo
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Xavier Bertrand, le 28 février 2018 à franceinfo. (JEAN-CHRISTOPHE BOURDILLAT / FRANCE-INFO)

"C’est quelque chose qu'ils ont en tête depuis déjà un petit moment. Ils nous ont menti comme les cyniques qu'ils sont, les dirigeants de Bridgestone", a réagi ce mercredi 16 septembre sur franceinfo, Xavier Bertrand, président de la Région Hauts-de-France après l’annonce du projet de fermeture de l’usine de pneus à Béthune, dans le Pas-de-Calais. L’usine du groupe japonais, ouverte en 1961, emploie 863 salariés. Le gouvernement et la Région Hauts-de-France dénoncent la brutalité de cette annonce, dans un communiqué commun et exigent que des scénarios alternatifs à la fermeture soient étudiés.

franceinfo : Vous parlez d’assassinat. Pourquoi utilisez-vous ce mot ?

Xavier Bertrand : En novembre 2019, j’avais alerté le gouvernement qui avait accepté que l’on convoque les dirigeants de Bridgestone. Il nous avait dit les yeux dans les yeux : 'Vous savez, le marché est franchement pas très bon, mais à court et moyen terme vous n'avez rien à craindre pour l'usine de Béthune'. Ils nous ont clairement menti. Cette annonce brutale ne peut absolument pas être mise sur le dos de la crise sanitaire qu'on a traversée. Honnêtement, tout ça, c’est de la flûte. Leur vrai sujet, c'est qu'ils sont en surproduction et qu'ils ont décidé de fermer, d'assassiner l'usine de Béthune. Sauf que je pense que ça ne va pas se passer aussi facilement qu'ils le pensent.

Qu’est-ce que vous allez faire ?

On s'est mis d'accord avec le gouvernement et avec les élus locaux. On va leur dire la chose suivante : 'Clairement, vous avez d'autres possibilités plutôt que de fermer ce site. Il faut que vous ayez un autre plan industriel. Investissez sur ce site et dans ce cas-là, la Région et l'État financeront avec vous. Nos propositions, vous n’en avez pas tenu compte jusque-là, mais tenez-en compte.' Est-ce qu'on va avoir affaire à des industriels qui peuvent entendre ce langage ? Réponse dans les jours qui viennent. Si ce sont uniquement des financiers, il va falloir qu'ils sachent compter. Dans ce cas-là, s'ils décident de fermer ce site, c'est la loi française. On n’est pas aux États-Unis où on balance les gens comme des mouchoirs. Ça va leur prendre des années et leur coûter très cher.

Le groupe évoque des problèmes de marché structurels. Vous pensez qu’ils vont discuter autour d’une table ?

C’est du pipeau, tout ça. Le problème, c'est que les pneus, ça continue à se vendre. Sauf que Bridgestone à Béthune, depuis des années, continue de fabriquer des petits pneus pour des toutes petites voitures. Il n'y aura pas de marché, il n'y aura pas de débouchés. Ce qu'il faut faire ? C’est produire des pneus plus grands. Du 16 pouces, du 17 pouces, du 18 pouces qui coûte plus cher et qui permet d'avoir justement de véritables marges. Sauf qu'ils n'ont pas voulu investir pour le faire. Ils ont décidé de le faire ailleurs. Je vais être très clair là-dessus. Ce qu'on dit aux dirigeants de Bridgestone, c'est : si vous décidez de tout fermer, ça va être un combat, des années de procédures. Vous êtes venu en France pour la qualité du travail parce qu'il y a eu aussi des aides importantes qui ont été données et on ne part pas comme ça. Mais si vous investissez, regardez, ça vous coûte beaucoup moins cher et c'est plus intelligent comme choix.

L’État est-il impuissant ?

Non, parce qu'il faut maintenant qu'on fasse pression, qu'on engage un bras de fer avec les dirigeants. J’ai vu différents dossiers sur lesquels on me disait que c'était foutu. Notamment le dossier Ascoval. On s'est battu d'ailleurs tous ensemble. On a mis de côté la politique et aujourd'hui, Ascoval, c'est une entreprise qui tourne. Il y a des entreprises sur lesquelles on n'a pas assez fait de bras de fer avec les dirigeants, comme notamment Whirlpool. Et ils sont partis. Il faut amener ces gens-là, si c'est des industriels, à voir leurs intérêts industriels et si c'est uniquement des financiers qui ont une calculette à la place du cœur à faire leurs comptes et leur montrer que ça va leur coûter beaucoup plus cher.

En tant que président de Région qu’allez-vous faire ?

Mon boulot, en tant que président de Région, c'est de faire pression au maximum. Et si ça marche, c'est d'investir. Et si ça ne marche pas, j'aurai une responsabilité de ne pas laisser tomber les salariés et de leur retrouver individuellement des solutions. Et encore une fois, mon boulot, ce n'est pas seulement de causer, ce n'est pas seulement de m'indigner, c'est de trouver les solutions. Nous avons une usine qui va ouvrir ses portes en 2023, à 22 minutes de là. C'est une usine de batteries portée par le groupe PSA et Total. Il y aura 2 000 emplois. Je préférerais que ces emplois soient pourvus par des salariés qui soit retrouveront un emploi, soit par des jeunes qui sortiront de formation. Mais cela peut aussi être une solution pour les salariés qui ne seront plus dans les pneus.

Une alliance politique est possible pour faire pression tous ensemble ?

Vous croyez qu’on va se tirer la bourre sur des dossiers comme ça ? Vous me prenez pour un malade ou quoi ? Le vrai sujet, c'est qu'il faut jouer l'intérêt général, l'intérêt national. J'en ai parlé avec la ministre. J'ai même proposé qu'on fasse la table ronde ensemble. On a intérêt à bosser tous ensemble. Il n’y a pas que le président de la République. Il y a le président du département. Vous savez quoi ? Il est socialiste. On bosse très bien ensemble. Chacun retrouve certainement ses petits, ses billes au moment des élections. Mais entre deux, les gens, ils veulent savoir une seule chose. On va se battre pour eux ou pas ? Moi, je me bats pour eux.

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