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Vrai ou faux La France est-elle le seul pays à disposer d'impôts de production, comme l'affirme Philippe Juvin ?

Le candidat à la primaire de la droite et du centre Philippe Juvin a affirmé sur franceinfo que les impôts sur la production étaient une spécificité française, au détriment des entreprises du pays. Mais c'est inexact.

Article rédigé par franceinfo - Julien Nguyen Dang
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Le maire Les Républicains de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), Philippe Juvin, prend la parole lors d'un rassemblement du Printemps républicain le 30 novembre 2019, à Paris. (DANIEL PIER / NURPHOTO / AFP)

"Les impôts de production, c'est une plaie pour l'industrie française." Philippe Juvin, médecin et candidat à la primaire de la droite pour l'élection présidentielle, n'a pas mâché ses mots, mercredi 4 août sur franceinfo. Interrogé sur les mesures qu'il souhaiterait proposer aux électeurs, le maire Les Républicains (LR) de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) a expliqué militer pour "une baisse massive" de ces impôts. Des prélèvements obligatoires acquittés par les entreprises et qui portent sur la valeur ajoutée, le travail, le capital, le foncier ou encore le chiffre d'affaires.

"Ce sont les impôts les plus idiots de la Terre", accuse le chef des urgences de l'hôpital Georges-Pompidou. "Il n'y a d'ailleurs que les Français qui les ont gardés dans l'Union européenne (...) C'est comme si [les entreprises françaises] avaient un sac plein de pierres et qu'on leur demandait de courir aussi vite que les autres", avance Philippe Juvin, dénonçant le désavantage que subiraient les entreprises françaises par rapport à leurs homologues allemandes, par exemple.

Les impôts de production pratiquement les plus élevés de l'UE

Hétéroclites, les impôts de production se composent en réalité de cinq types de prélèvements : les impôts sur la masse salariale ou les effectifs employés, les impôts sur le chiffre d'affaires, les impôts sur la valeur ajoutée, les impôts sur le foncier et d'autres contributions. 

Et cela rapporte gros : en 2016, les impôts de production s'élevaient à 72,1 milliards d'euros, selon une note du Conseil d'analyse économique, soit 3,2 points de PIB, près de 2,5 fois plus que l'impôt sur les sociétés. Un pourcentage resté "relativement stable" entre 2000 et 2019, constate d'ailleurs un rapport d'information de l'Assemblée nationale. L'objectif de cette myriade d'impôts : financer les collectivités territoriales et la sécurité sociale.

Mais les impôts français sur la production sont-ils pour autant uniques au sein de l'UE, comme l'affirme Philippe Juvin ?

Eh bien non. Comme l'expose le Conseil d'analyse économique, organisme qui conseille le Premier ministre, l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni ou encore la Grèce disposent eux aussi de ce type d'impôts. En 2016, la France détenait ainsi le deuxième niveau d'impôts sur la production de l'Union européenne avec 2% du PIB (hors impôts sur la masse salariale), juste derrière la Grèce et ses 2,6%, et loin devant l'Allemagne (moins de 0,5% du PIB). Une deuxième place conservée par la France en 2018, selon une analyse de la chaire d'économie urbaine de l'Essec (PDF) autour des impôts de production et d'importation en Europe, à partir des données d'Eurostat.

Une imposition bien supérieure à celle de l'économie allemande, confirme La Gazette des communes, mais en deçà des affirmations de Bercy, qui plaçait en 2020 les prélèvements français à un niveau sept fois supérieur qu'outre-Rhin.

Une comparaison complexe

Cependant, une simple comparaison de l'imposition occulte les différences internationales en matière de politique fiscale. Là où les impôts sur le foncier ne représentent que 34% des prélèvements sur la production en France, ils en constituent près des deux tiers en Allemagne, et même 85% au Royaume-Uni, observait en 2018 un groupe de travail pour le ministère de l'Economie (PDF).

De même, là où deux impôts "contribuent à plus de 80% au produit total des impôts sur la production au Royaume-Uni", et cinq en Italie et en Allemagne, ce nombre monte à 13 pour la France, précise le même document.

Enfin, l'écart d'imposition sur la production entre la France, l'Allemagne et les autres pays européens peut s'expliquer par des différences de typologies : par exemple, l'imposition locale de l'activité des entreprises est classée comme impôt de production en France et comme "impôt sur le revenu des entreprises" en Allemagne, observe le document du groupe de travail de Bercy.

Une forte baisse en 2021 et 2022 

Ciblés par Philippe Juvin, les impôts de production sont également dans le viseur du gouvernement : avec 20 milliards d'euros de baisses d'impôts de production réparties entre 2021 et 2022, "produire en France sera moins cher", avait défendu le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, en juillet 2020 sur France 2, jetant les bases d'un plan de relance de sortie de crise de 100 milliards d'euros. 

Des "impôts qui pèsent lourd dans les comptes des entreprises" et qui constituent les prélèvements "les plus nocifs en raison des distorsions qu'ils engendrent tout au long de la chaîne de production", défendait quant à lui le Conseil d'analyse économique, y voyant une cause de "la relative atrophie du secteur productif français".

Mais cette réduction des impôts de production pose "de sérieux et multiples problèmes", selon Attac. Comme le souligne l'organisation altermondialiste, ces 20 milliards d'euros de prélèvements en moins représentent un manque-à-gagner pour les collectivités territoriales et la sécurité sociale. Ils pourraient aussi préfigurer une austérité budgétaire accrue. 

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