Taxes, subventions... Le foot français peut dire merci au contribuable
Les présidents de clubs parlent de "goutte d'eau qui fait déborder le vase" au sujet de la taxe à 75%. C'est oublier un peu vite toutes les aides publiques dont ils disposent.
"Les footballeurs ne bénéficient d'aucun avantage fiscal particulier. Ils ne l'ont, du reste, jamais demandé. Ce qu'ils souhaitent, c'est être traités comme les autres contribuables." Cette phrase a été écrite par Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, en 2009, au moment où se tramait la suppression d'une niche fiscale pour sportifs, le Droit à l'image collectif.
Depuis, la taxe à 75% a donné l'occasion au foot français de se plaindre. Sortons les mouchoirs ? Faisons plutôt les comptes du foot français, qui paye chaque année environ 700 millions d'euros de taxes diverses.
Les subventions, pas toujours bien déguisées
Les subventions ne représentent plus qu'une goutte d'eau dans le budget des clubs. "Lors de la saison 1970-71, les revenus d'un club de première division français provenaient à 81% de la billetterie, à 18% des subventions municipales et à 1% des sponsors. Pour la saison 2008-09, ils sont constitués à 58% des droits de retransmission télévisuelle, à 14% de billetterie et à 10% d'autres recettes", écrit Bastien Drut, dans son livre Économie du football professionnel. La loi limite les subventions de fonctionnement pour les clubs à 2,3 millions d'euros. Ce qui n'empêche pas les dérapages.
Un savoureux rapport de la Cour des comptes datant de 2009 distillait quelques anecdotes : en 2004-05, la construction en catastrophe de la tribune d'honneur du stade Parsemain d'Istres, décidée en raison de la montée du club en Ligue 1, a donné lieu à une subvention déguisée des collectivités locales. Aide illégale qui s'est ébruitée lorsque les collectivités se sont retournées contre l'entreprise de BTP pour malfaçon. Comme le note la Cour des comptes, "il semblerait que l’inclinaison de la partie supérieure soit insuffisante, si bien que les spectateurs qui n’ont pas la chance d’être assis aux premiers rangs n’ont pas le terrain dans leur champ de vision" (PDF, p.41). Cette même année, 65% des billets du club d'Istres lors de son bref passage en Ligue 1 ont été achetés par les collectivités locales.
Les stades rénovés à l'œil
Qui a payé le nouveau stade de Lille ? Les collectivités locales, à hauteur d'un demi-milliard d'euros. Michèle Demessine, l'adjointe aux Sports, résume dans le Nouvel Obs : "Le beau l'emporta sur le raisonnable." Qui a financé la rénovation du stade Bollaert, à Lens ? Le principal supporter du club, le président du conseil régional Daniel Percheron, passant outre les doutes d'une partie de sa majorité. A Lyon, le nouveau stade est financé par le club, cas unique en France. Mais pas le tramway, ni la bretelle d'autoroute à proximité, aux frais du contribuable. De même, c'est le conseil général qui s'est porté garant des prêts du club. L'addition pourrait monter à 400 millions d'euros pour les deniers publics, dénoncent les opposants, cités par le site Reporterre.
"Dans le cas de Lyon, la vertu ne paie pas, regrette Jean-Pascal Gayant, économiste du sport contacté par francetv info. C'est le seul club qui essaye de s'inspirer du modèle allemand, en construisant avec ses fonds un stade entouré de commerces où les gens pourraient passer l'après-midi. Mais le club se retrouve dans une situation épouvantable, car avec l'arrivée du PSG et Monaco, il n'est plus sûr de se qualifier à la Ligue des champions, seule condition pour rentabiliser son stade."
Les clubs sont-ils les seuls à blamer ? "Ce qu'il faut noter, c'est que la Ligue de football professionnel a beaucoup agi pour que les collectivités financent l'agrandissement des stades, relève Jean-Pascal Gayant. C'est un peu ce que fait Bernie Ecclestone, le grand argentier de la F1, pour choisir où vont se dérouler les Grand Prix de F1. Il demande sa dîme [25 millions de dollars], explique à l'organisateur qu'il n'arrivera pas à être rentable avec la billetterie, et leur dit : 'Vous n'avez qu'à vous appuyer sur les collectivités'. C'est extrêmement pervers !" D'autant que plusieurs études américaines ont montré que la construction d'un stade n'avait absolument aucun impact sur l'emploi...
La taxe sur les spectacles, vieille pomme de discorde
Selon que votre député-maire est fan de foot ou hostile au ballon rond, certains clubs payent la taxe sur les spectacles pour chaque billet vendu, ou pas. Ainsi à Lens, Nice, Bordeaux ou Ajaccio, la commune ne prélève aucun droit sur les entrées. Mais à Paris, si : le club parisien est le plus gros contributeur de la taxe (environ 3 millions d'euros en 2012). Ce qui a irrité au plus haut point les dirigeants du club parisien, qui sont allés en justice pour "distorsion de la concurrence". En vain.
En 2003, l'UCPF, le syndicat des clubs, n'hésitait pas à la jouer mélo, dans un rapport sur ladite taxe. "L’assujettissement des recettes de billetterie à la TVA en lieu et place de la taxe sur les spectacles permettrait en effet de générer d’importantes économies fiscales pour les clubs sportifs professionnels qui pourraient être de nature à combler une partie du fossé séparant les clubs français de leurs homologues européens." Des arguments qui rappellent furieusement ceux avancés contre la taxe à 75%. Montant du gain estimé : 13 millions d'euros pour l'ensemble du sport pro français, c'est-à-dire les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 de foot, et de Top 14 de rugby. 13 millions divisé par 54 équipes, cela fait peu pour combler un "fossé", non ?
L'impatriation, qui arrange bien le PSG et Monaco
Les joueurs venant de l'étranger, ou français de retour après avoir évolué hors de l'Hexagone pendant cinq ans, ont la possibilité d'obtenir une ristourne sur les impôts grâce au dispositif de l'impatriation, valable cinq ans. Moins 30% sur la feuille d'impôts, et quelques dispositions alléchantes, comme l'exonération de l'ISF, note le cabinet Hipparque Patrimoine. "Le régime des impatriés est très intéressant", écrivait sobrement l'UCPF dans une note. Et concerne au premier chef Ibrahimovic, Falcao ou Cavani, les stars du championnat de France dont le salaire dépasse allègrement le million d'euros annuel.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.