Taxe à 75% : que valent les arguments des présidents de clubs ?
Ils se sont fendus d'une pleine page dans "Le JDD" et dans "L'Equipe" pour défendre leurs arguments contre ce prélèvement. Avec quelle dose de mauvaise foi ?
Une pleine page dans L'Equipe et dans Le Journal du dimanche, dimanche 27 octobre : le syndicat des patrons des clubs de foot français, l'UCPF, a fait les choses en grand pour mettre la pression sur François Hollande, à trois jours des négociations entre l'Elysée et les représentants des clubs sur l'application de la taxe à 75%. Mais les arguments présentés dans leur lettre ouverte au président sont-ils recevables ? Explication de texte.
L'UCPF a acheté une page dans L'Equipe ce matin. Voici le communiqué pic.twitter.com/mTD82XffD7
— Ruiz Joseph (@RuizJoseph) October 27, 2013
"Le foot fait vivre 24 000 salariés et 1 000 joueurs"
VRAI. Un rapport est commandé annuellement par l'UCPF (Union des clubs professionnels de football) au cabinet Ernst & Young, intitulé Baromètre du foot pro. Il indique que le nombre de salariés et de joueurs est en baisse légère, mais constante, depuis la saison 2008-2009. Cependant, ce document constitue l'unique source d'information en la matière.
"Un spectacle qui représente la France à l'étranger"
VRAI, MAIS... En 2006, la Ligue de football professionnel (LFP) annonçait triomphalement que le championnat était diffusé dans 180 pays dans le monde (PDF, p.49). En 2013, la LFP annonce triomphalement... toucher 180 pays à nouveau. Le tarif a un peu augmenté (30 millions d'euros), mais c'est toujours vingt fois moins que ce que touchent les clubs anglais. Et vingt fois moins de téléspectateurs aussi ? A titre d'exemple, un match de Ligue 1, hors PSG, c'est 25 000 téléspectateurs de moyenne en Suède, note Le Parisien.
"Un spectacle qui crée du lien social et anime le territoire"
DISCUTABLE. L'UCPF claironne, dans son Baromètre du foot pro, que "pour chaque joueur professionnel, près de 23 emplois sont créés dans l’économie locale et nationale." Un bémol : il n'existe aucune étude incontestable sur les retombées économiques, d'image ou en terme de lien social du sport professionnel.
"Le spectacle, car il est exceptionnel, génère des droits télé et des recettes redistribuées"
DE MOINS EN MOINS. "Spectacle exceptionnel", terme marketing depuis 2006-2007 quand la LFP vantait déjà "le plus grand spectacle français". Spectacle tellement extraordinaire qu'environ 30% des places sont distribuées gratuitement, notait le président du gendarme financier du foot français dans France Football, fin 2012. Quant à la redistribution, par exemple au foot amateur via la taxe Buffet, elle est en baisse constante, note la Cour des comptes (PDF, p.154).
"Une nouvelle taxe imprévue et rétroactive"
FAUX. Imprévue ? François Hollande a fait la promesse de la taxe à 75% en février 2012, alors même qu'il était encore candidat. Même si elle était passée sous sa forme initiale (payée par les contribuables et non par leurs entreprises), les plus gros clubs comme le PSG auraient dédommagé leurs joueurs. La rétroactivité de la taxe, plus contestable, est l'une des marges de manœuvre dont disposent François Hollande pour faire face à la fronde des clubs.
"Un prélèvement conçu pour les hauts salaires à l’origine et qui retombe sur des clubs déficitaires"
VRAI. La situation économique de la plupart des clubs français est précaire, avec une centaine de millions d'euros de pertes cumulées pour la saison dernière. Mais pourquoi les clubs sont-ils déficitaires ? Parce qu'ils surpayent et prolongent le contrat de joueurs moyens, de peur de les laisser quitter le club sans indemnité de transfert, au terme de leur contrat. C'est Philippe Diallo, le directeur général de l'UCPF, qui l'avoue dans une mission d'information de l'Assemblée nationale. La masse salariale atteint 69% du budget des clubs de L1 français, contre 51% en Allemagne, modèle considéré comme vertueux.
"Contrairement à une idée reçue, les clubs sont des entreprises extraordinaires"
DISCUTABLE. Quand il a fallu obtenir le droit d'introduire les clubs de foot en Bourse, les présidents n'hésitaient pas à affirmer que les clubs étaient des entreprises comme les autres. Ainsi Jean-Michel Aulas, patron de l'Olympique lyonnais, en 2007 : "Nous ne sommes pas un club de foot mais une holding de divertissement", relèvent Les Cahiers du football. D'ailleurs, comme les entreprises, les clubs de foot sont sujets aux aléas de la crise économique : l'action OL, introduite à 24 euros, n'en vaut plus que 2. Qui a contribué à instiller cette "idée reçue" dans l'inconscient collectif, si ce n'est les présidents de club eux-mêmes ?
"L’application de la taxe à 75% relèguera notre championnat en 3e division européenne"
IL Y EST DÉJÀ. Comment appelle-t-on un pays qui place un club en quart de finale de Coupe d'Europe de temps en temps, et dont les autres représentants échouent piteusement dans les premiers tours des compétitions européennes ?
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