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Les six malédictions du futur stade de Lyon

Le projet subit tant de déconvenues depuis deux ans que c'est à se demander s'il n'a pas été marabouté. Explications.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le début de la construction du stade des Lumières, à Décines-Charpieu (Rhône), près de Lyon, le 22 octobre 2012.  (JEFF PACHOUD / AFP)

Le stade des Lumières espère recevoir le match d'ouverture de l'Euro 2016 de football, prévu en France. Sur le papier, le bébé de Jean-Michel Aulas, patron de l'Olympique lyonnais, a reçu son permis de construire jeudi 20 décembre. Reste que ce chantier, situé sur la commune de Décines-Charpieu, à l'est de Lyon, a déjà subi tant de déconvenues qu'il faut rester prudent avant de réserver son abonnement.   


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Malédiction n°1 : l'affaire des terrains bradés

Ce graphique de Lyon Capitale montre bien l'accroissement fulgurant de la valeur des terrains entre le prix payé par les collectivités locales et celui valorisé par l'OL. D'après les associations de défense des riverains, les terrains ont été vendus à l'OL pour 40 euros/m2, alors que le prix du marché tournerait autour de 150 euros/m2. Le rapporteur public a émis un avis favorable aux demandes des requérants. Si le juge tranche en leur faveur, l'OL va devoir sortir de sa poche plusieurs dizaines de millions d'euros pour combler le manque à gagner. Jugement le 10 janvier 2013.

Malédiction n°2 : les paysans se rebiffent 

Pour compléter le thriller politico-campagnard, des paysans expropriés font de la résistance. Parmi eux, un céréalier-détective qui tient la dernière ferme de Décines. Les opposants au projet dénoncent la disparition des dernières terres agricoles dans la banlieue est de Lyon. Plus de 5 000 personnes ont signé la pétition contre leur expropriation. 

Malédiction n°3 : le financement trouble

Pour construire ce grand stade (58 000 places), Jean-Michel Aulas doit trouver 400 millions d'euros. Contrairement aux stades de Lille ou de Nice, il s'agit d'une enceinte financée par les capitaux privés, sans aide de l'Etat (hormis 150 millions pour construire le tramway et les accès routiers au stade, qui font tiquer les riverains). La répartition : 100 millions de la poche de l'OL, 100 millions de celle de Vinci et 200 millions auprès des banques, comme l'expliquait Jean-Michel Aulas sur BFM-Business en octobre. 

Sauf que :

- Vinci a refusé de financer directement la filiale de l'OL qui gère la construction du stade, et préfère avancer de l'argent au club.
- Pour rassurer les banques, le club a demandé au département de garantir une partie de l'emprunt, 40 des 80 millions évoqués. 
- Le département l'a voté, mais l'UMP et EELV sont vent debout contre une opération aux contours très flous. Et même côté socialiste, on doute. C'est le cas de ce conseiller général, cité par Rue89Lyon : "On s’offusque au sujet des emprunts toxiques que Michel Mercier [le président centriste du conseil général] a contractés auprès de Dexia, on fait un vrai boulot d’opposition, et nous voilà en train de voter une garantie d’emprunts pour un équipement privé. C’est quand même limite."

Malédiction n°4 : le parking potentiellement toxique

Même si le permis de construire du stade proprement dit n'a été délivré que le 20 décembre, des travaux ont déjà commencé. Notamment ceux du parking. Mais les riverains dénoncent l'utilisation d'un mâchefer issu d'incinération de déchets, potentiellement nocif pour les nappes phréatiques, rapporte Lyon Mag.

Malédiction n°5 : le choix du nom du stade

L'OL espérait annoncer le partenaire dont l'enceinte va porter le nom avant qu'elle sorte de terre. Le nom de stade des Lumières-Hyundai a ainsi été évoqué début décembre, sans que cela soit confirmé. Il y a pourtant urgence : une fois qu'un nom provisoire est entré dans l'inconscient collectif, comme le stade du Hainaut à Valenciennes ou le Grand Stade à Lille, les partenaires financiers hésitent à verser quelques millions d'euros pour des retombées forcément moindres. Sans parler du fait qu'un choix de nom anticipé ferait du bien aux caisses de l'OL, plutôt que d'attendre 2015, date de l'inauguration, pour le baptiser.

Le projet du stade des Lumières, à Lyon, qui devrait pouvoir accueillir 58 000 spectateurs.  (© BUFFI & ASSOCIÉS / GOLEM)

Malédiction n°6 : un cimetière indien... pardon, un temple antique, découvert à Décines

Lors des fouilles préalables à la construction, les archéologues ont découvert sur le site un temple antique datant du IVe siècle après Jésus-Christ. D'après le site de l'INRAP, il s'agit d'un fanum, un temple gallo-romain composé d'une pièce centrale sacrée interdite aux fidèles. Est-ce pour cela que les dieux se déchaînent contre le projet de stade ?

Les opposants au projet se sont rapprochés de ceux qui bataillent contre l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, et ont participé à la journée de lutte contre les grands projets inutiles, le 8 décembre. La guérilla judiciaire n'est pas terminée : les opposants ont encore quelques recours (non suspensifs) dans leur manche après en avoir déposé plusieurs dizaines. Faut-il encore s'étonner que Décines est l'une des communes qui a le plus massivement signé la pétition contre la tenue de l'Euro 2016 en France ?

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