Les contribuables vont-ils remplir leur dernière déclaration de revenus cette année ?
Le ministre de l'Action et des Comptes publics a annoncé qu'il voulait y mettre fin, notamment grâce au prélèvement à la source. Mais la mesure semble encore difficile à mettre en œuvre.
Bientôt la fin de la traditionnelle déclaration de revenus obligatoire ? Fin mars, le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a déclaré dans l'Hémicycle que l'année 2019 "sera la dernière (...) pour laquelle les contribuables français auront une déclaration obligatoire à faire". A la mi-mars, il avait déjà évoqué cet objectif face à des étudiants en commerce, lors d'un événement organisé en partenariat avec La Tribune. "Vous n'aurez plus à faire votre déclaration d'impôts." Cette mesure n'a pas encore été détaillée, mais le ministre pourrait apporter quelques précisions, mardi 9 avril, avec le début de la nouvelle campagne annuelle de déclarations.
Surfer la vague des déclarations pré-remplies
Ce dispositif ne devrait "pas poser de problème pour 85% à 90% des 38 millions de foyers fiscaux français", estime un agent du fisc interrogé par Le Parisien. La plupart des Français, d'ailleurs, n'ont pas même à retoucher leur déclaration pré-remplie. Citée par Ouest-France, la Direction des finances publiques précise pour sa part que 4,6 millions d'usagers n'ont pas retouché leur déclaration pré-remplie l'an passé. C'est donc "principalement à eux que s'adresserait la déclaration 'tacite'."
"Elles permettent à une fraction importante de contribuables de ne pas avoir à procéder à la mention des revenus", abonde Olivier Rozenfeld, président du groupe Fidroit, contacté par franceinfo. Mais cela ne veut pas dire que l'administration ne centralisera plus les données des foyers fiscaux. "Physiquement, nous aurons toujours besoin d’un support où sont étayés les éléments constitutifs de la situation fiscale." Même avec la fin des déclarations uniques, les Français devraient toujours se plonger dans les papiers. “Il appartient au contribuable de vérifier l’exactitude des informations appréhendées et synthétisées par l’administration fiscale, car il peut toujours y avoir des erreurs entre les sources d’information”, rappelle Olivier Rozenfeld.
Des angles morts en l'absence de déclaration
Par ailleurs, tous les contribuables seront-ils concernés ? Difficile à croire, selon le spécialiste. Aujourd'hui, l'administration fiscale peut obtenir sans mal les données liées aux salaires ou aux traitements. Elle peut également prendre connaissance des revenus capitaux mobiliers à l'aide des imprimés fiscaux uniques (IFU) que lui envoient les banques. Mais un grand nombre de situations lui échapperaient en l'absence de déclaration. "Prenons par exemple le cas de deux parents qui versent une pension alimentaire à un enfant dans le cadre intra-familial, souligne Olivier Rozenfeld. Comment ferait l'administration fiscale sans déclaration ? Et si je prends en charge et que j’héberge une personne âgée, je peux bénéficier d’avantages fiscaux sans qu’il y ait de flux financier." Une déclaration s'impose alors.
La suppression de la déclaration obligatoire semble également délicate à mettre en place pour les indépendants et les professions libérales, qui doivent aujourd'hui déclarer eux-mêmes leurs revenus. Idem pour les crédits d'impôt, par exemple pour les parents qui emploient un salarié à domicile. Pour contourner ce dernier obstacle, quelques aménagements sont d'ores et déjà évoqués à Bercy, écrit Le Parisien. Ainsi, le Cesu (chèque emploi service universel) et Pajemploi pourraient transmettre eux-mêmes au fisc les règlements qui donnent droit à un crédit d'impôt, avec pour effet de diminuer l'impôt en temps réel lors du prélèvement à la source.
"Pour le moment, on ne sait pas faire." Contacté par Le Monde, l'entourage de Gérald Darmanin a lui-même reconnu l'existence de ces obstacles, tout en affichant son ambition dans le projet. "La première étape, peut-être pour 2020, c’est la contemporanéité des crédits d’impôt", qui permettrait aux contribuables de percevoir les aides chaque mois et de les intégrer dans le prélèvement à la source. "Mais notre objectif, c’est bien que la déclaration ne soit plus obligatoire, même si elle pourra le rester pour certains, comme les indépendants."
Informer le fisc sera toujours une obligation
Quoi qu'il advienne, la possible fin de la déclaration d'impôts annuelle ne mettrait pas fin aux obligations du contribuable, poursuit Olivier Rozenfeld. A l'avenir, les usagers devraient alors mettre à jour leurs informations au fil de l'eau – à chaque fois que leur situation fiscale évolue – pour une prise en compte immédiate lors du calcul du prélèvement à la source. "On peut imaginer qu'il devra alimenter son espace personnel à chaque nouveau revenu, en lieu et place d'une déclaration unique", résume le président du groupe Fidroit.
Entre le système de familiarisation et de conjugalisation, les niches fiscales et certains revenus comme les pensions alimentaires, cette déclaration devrait être effectuée de toute manière, et elle le serait de manière fractionnée.
Olivier Rozenfeld, président du groupe Fidroità franceinfo
Dans ces conditions, résume le fiscaliste, "évoquer la fin des déclarations obligatoires est uniquement sémantique". D'autant qu'elle pourrait isoler certains foyers dans leurs démarches. "La charge pourrait donc être plus lourde pour le contribuable, alors que l’impôt déclaratif est aujourd’hui un moment fort de l’année, qui mobilise l’administration et ses conseils."
Dans un communiqué, Solidaires Finances publiques s'interroge d'ailleurs sur le cas des contribuables concernés chaque année par des changements dans leur situation familiale et financière et qui "se demanderaient s'ils doivent ou non effectuer une déclaration". Sur un plan symbolique, le syndicat dénonce enfin un mauvais coup porté "au lien citoyen par excellence qu'est l'acte déclaratif de l'ensemble des foyers fiscaux". Contacté par l'AFP, fin mars, Bercy a évoqué une "volonté de faire de nouvelles simplifications", dans le cadre de la réforme du prélèvement à la source. "Si on avance bien, ça sera pour l’année prochaine."
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