Hausse de la TVA : les centres équestres manifestent à Paris
"Calme, en avant et droit ".
La célèbre doctrine du Général Alexis L'Hotte (1825-1904), écuyer en chef à
Saumur, a bien du mal à faire autorité en ce moment. Dans les centres
équestres, c'est l'inquiétude qui domine. Ils se sont donné rendez-vous dans
les rues de Paris ce lundi. Et ils ne viendront pas seuls. Poneys, chevaux et cavaliers sont également invités à se joindre au cortège qui partira de Bastille à 13h30, direction République.
Après
Nancy, Metz, Rennes ou encore Meaux la semaine dernière, le défilé
parisien, organisé sous l'égide du Groupement hippique national (GHN), avec le
soutien du Comité régional d'équitation d'Ile-de-France (CREIF) vise à protester contre le passage de 7% à 20 % du taux de TVA applicable aux centres équestres à partir du 1er janvier.
Bruxelles tient les rênes
C'est donc la fin du taux réduit dont bénéficiaient les activités d'enseignement de l'équitation depuis 2004 (5,5% puis 7%). Selon les professionnels du
secteur, c'est aussi la disparition annoncée de 2.000 structures
équestres (sur 7.000 poney-clubs et
centres hippiques en France), 6.000 pertes d'emplois (sur 18.000 salariés du secteur) et un avenir plus qu'incertain pour 80.000 équidés (sur 250.000). Des chevaux et
poneys qui risquent pour l'essentiel d'être revendus par lots à des marchands
de chevaux pour terminer, au mieux chez des particuliers ou des structures qui
auront encore les moyens de les entretenir, au pire qui finiront à l'abattoir.
Le gouvernement se justifie par une obligation de mise en conformité avec la directive TVA européenne, sous peine de sanctions.
Le contentieux ne date pas d'hier. Cela fait plus de dix ans que Paris et Bruxelles
bataillent sur le sujet. Mais jusqu'ici la France avait réussi à
obtenir des dérogations.
Un sport à part
"Incompréhensible ", estiment
les professionnels de la filière. "La TVA réduite se justifie pour notre
activité car on élève des chevaux, avec toutes les charges que cela représente,
et on a de faibles marges. La machine équestre coûte de l'argent toute la
semaine pour en rapporter seulement le mercredi et le samedi ", explique
Louis Sagot-Duvauroux directeur du GHN, interrogé par l'AFP.
Dans un
communiqué, le président de la Fédération française d'équitation (FFE), la troisième
de France par le nombre de ses licenciés (700.000) après le tennis et le
football, défend "l'exception sportive ". "La commission
européenne a cédé pour une TVA réduite sur 'l'exception culturelle' ", fait valoir
Serge Lecomte. " 'L'exception sportive', qui permet à nos concitoyens de
mieux vivre et d'être en bonne santé pourrait également être défendue par la France.
A noter que l'équitation de tradition française est inscrite depuis 2011 sur la
liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'UNESCO
grâce à l'Ecole Nationale d'Equitation (ENE) ! " poursuit-il.
"On ne pourra pas encaisser toute la hausse " (centre équestre)
Niché en bordure de forêt de Rambouillet, dans les Yvelines, le centre équestre La Lisière a accueilli ses cavaliers ce dimanche, comme tous les autres dimanches. Créée en 1963, la structure est dirigée depuis 1997 par Patrick Mellec et Danielle Massuda,*** deux anciens de l'UCPA qui ont décidé de s'associer
pour monter leur propre entreprise. "Elle
a changé sept fois de propriétaires mais nous sommes ceux qui avons duré le plus
longtemps* ", souligne Danielle Massuda en plaisantant.
Mais derrière l'accueil jovial
et la convivialité qui règne dans cette structure moyenne d'une trentaine de
chevaux pour environ 170 licenciés, la réalité
économique est la même qu'ailleurs. "Depuis 2009, le nombre de nos
clients diminue. Nous avons déjà dû appliquer des mesures de redressement pour
faire face à la crise ", explique la co-propriétaire du centre équestre qui n'emploie plus aujourd'hui qu'un enseignant permanent (contre deux auparavant),
un chef d'écurie et une apprentie (contre quatre précédemment). "Ç a
fait deux ans qu'on est tout juste à l'équilibre ", poursuit-elle. "C'est difficile
de faire du prévisionnel mais ce qui est sûr c'est qu'on ne pourra pas
encaisser toute la hausse (de TVA) ", indique la gérante.
Les cavaliers aussi devront donc vraissemblablement devoir mettre la main à la poche. Mais beaucoup ne pourront pas tirer sur un budget qui n'est pas extensible. "Nos
clients ne sont pas des gens qui roulent sur l'or ", souligne Danielle
Massuda, qui s'inquiète du retour à une époque où l'équitation était un sport
réservé à une élite.
Laurence est une fidèle du club. Elle monte ici depuis 2002, autant que son
travail et ses finances le lui permettent. "J'ai toujours aimé les
chevaux. C'est vrai que c'est un budget, ça demande du temps et de l'argent. Mais
c'est plus abordable qu'il y a quelques années ", explique-t-elle. Ce qu'elle
apprécie particulièrement, c'est l'implantation "près de la forêt, les chevaux sont calmes, on
peut s'évader de son quotidien ", raconte-t-elle. Si les tarifs augmentent, Laurence
n'abandonnera pas l'équitation, mais ce sera plus difficile. "Je ferai
moins de cours, il faudra se priver sur autre chose pour pouvoir continuer à
monter régulièrement ", confie la cavalière.
L'équitation et les jeunes
Aujourd'hui, une leçon d'équitation revient en moyenne à 15/20 euros la séance suivant les formules et la monture (cheval ou poney). Sa pratique est encore loin d'être accessible à toutes les bourses mais le passage de la TVA à 20% mettrait un frein définitif à sa démocratisation, estiment les acteurs de la filière.
Particulièrement plébiscitée par les jeunes et leurs parents, qui y voient une activité épanouissante et de pleine nature pour
leurs enfants, l'équitation gagne chaque année de nouveaux adeptes. "Ma
fille passe toute ses journées de temps libre au club ", raconte Patricia. Manon,
12 ans, monte à poney depuis l'âge de 5 ans et c'est une mordue. "L'équitation
l'a responsabilisée, lui a donné confiance en elle," poursuit sa mère.
Si ce sont les poney-clubs qui génèrent le plus de chiffre d'affaires,
ils sont aussi les plus menacés par cette hausse de la TVA. "Il y a des
parents qui font de gros sacrifices pour payer des cours à leur gamin ",
explique Danielle Massuda. Si le prix augmente, "ils se tourneront
vers d'autres activités ", redoute-t-elle.
Au-delà du sport, les professionnels du secteur insistent plus que jamais sur les dimensions sociale et pédagogique de l'équitation. Un sport, un loisir, une passion qui concernent près
de deux millions de pratiquants en France.
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