: Vidéo "On est à Marseille, là, pas à Disneyland !" Dans le quartier de Noailles, "Complément d'enquête" sur la piste des marchands de sommeil
En novembre 2018, dans le quartier de Noailles à Marseille, plusieurs immeubles vétustes se sont écroulés, tuant huit personnes. Depuis, toute la ville est sous le choc : malgré les alertes et les mises en demeure, les propriétaires n'avaient pas fait de travaux. Pendant deux mois, "Complément d'enquête" a recherché ces "marchands de sommeil". Extrait.
Marseille, rue des Feuillants. Dans le quartier de Noailles, où deux immeubles vétustes se sont écroulés quelques mois plus tôt, les journalistes ont découvert, en consultant le registre des sociétés, un petit empire immobilier. Celui des Belbachir, cinq frères qui règnent sur plusieurs sociétés civiles immobilières (SCI). Ils possèdent un immeuble ici. La façade sur la cour est particulièrement délabrée, ce qui n'empêche pas les loyers d'être astronomiques.
500 euros pour 15 m2, deux fois le prix du marché... et aucun confort
A l'intérieur, des locataires qui ont peur de leur propriétaire. Une seule a accepté de témoigner anonymement. Elle paie près de 500 euros pour 15 mètres carrés, deux fois le prix du marché. Et elle ne bénéficie même pas d'un confort minimal. Depuis deux ans, elle n'a pas d'eau chaude ; le propriétaire refuse de réparer le chauffe-eau, alors qu'il y est légalement tenu. Dans la salle de bain, il n'y a ni électricité ni chasse d'eau pour les toilettes. La locataire n'a "pas les moyens de prendre un appartement plus décent", et elle sait que le propriétaire profite de la situation. Elle se dit "prise en otage".
L'empire des Belbachir
Les Belbachir, eux, ne font pas que de l'immobilier. Leur petite entreprise vend aussi… des baguettes et des tartes aux pommes. En caméra discrète, le journaliste de "Complément d'enquête" s'est mêlé à la clientèle de leur boulangerie-pâtisserie, située au rez-de-chaussée de l'immeuble. Voici un homme qui ne demande pas un croissant au beurre, mais un appartement. Le boulanger lui conseille de repasser le lundi suivant.
"C'est pas M. Dupont qui habite ici !"
Interrogé sur l'état de ses logements, celui-ci nie tout problème d'insalubrité, mais fulmine contre ses locataires : "C'est pas monsieur Dupont qui habite ici ! Faut voir le bordel qu'ils foutent, aussi !" Après le drame de la rue d'Aubagne, n'a-t-il pas peur d'être assimilé aux marchands de sommeil ? "Moi, en mon âme et conscience, je ne le vois pas comme ça", prétend-il, arguant que "si les gens viennent ici, c'est parce qu'ailleurs, on leur demande des fiches de paye et des garants (...), c'est parce que Noailles c'est le quartier le plus pauvre d'Europe"
Des locataires qui ont peur de leur propriétaire
Et cette peur qu'inspirent les frères Belbachir à leurs locataires ? "Absolument pas, c'est faux. On ne nous craint pas, on se fait respecter. Attends, ho ! On est à Marseille, là, on n'est pas à Disneyland ! C'est normal !"
Ce boulanger en verve n'est pas un inconnu des services de la Ville. En 2014, son immeuble a été marqué en rouge sur cette carte par des experts. Rouge pour présumé insalubre ou dangereux, comme 120 immeubles du quartier de Noailles qui appartiennent à d'autres propriétaires.
Extrait de "Le nouveau business de l'insalubre", un reportage à voir dans "Complément d'enquête" le 11 avril 2019.
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