Logement social : "C'est inédit, on n'a jamais eu autant de demandeurs en France", alerte Emmanuelle Cosse

"Il y a des régions où en moins d'un an vous avez un logement social et d'autres où il faut deux, trois, voire huit ans pour obtenir un logement social", estime sur franceinfo Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat.
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Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, en septembre 2021. (DAVID THIERRY / MAXPPP)

"C'est inédit, on n'a jamais eu autant de demandeurs en France, tout le secteur est grippé", a déclaré mardi 3 octobre sur franceinfo Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, alors que le nombre de logements sociaux en France n'est pas suffisant. Fin 2022, 2,42 millions de ménages étaient en attente d'un logement social - dont 1,63 million pour une première attribution. Le congrès HLM se tient de mardi à jeudi à Nantes.

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franceinfo : Combien de temps faut-il pour obtenir un logement social ?

Emmanuelle Cosse : L'année dernière, il y avait une chance sur six d'avoir une demande pourvue dans l'année. Il y a des régions où en moins d'un an vous avez un logement social et d'autres où il faut deux, trois, voire huit ans pour obtenir un logement social. C'est insupportable pour les personnes qui font cette demande. Ce qui est inédit, c'est qu'on n'a jamais eu autant de demandeurs de logement social en France, et qu'on n'a jamais aussi peu produit de logements sociaux.

Comment expliquez-vous ce manque de logements malgré la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) qui impose un taux de logements sociaux aux communes ?

La loi SRU qui a obligé d'avoir des logements sociaux dans beaucoup de communes a permis de construire dans pas mal de villes, mais ce n'est pas suffisant. Ces cinq dernières années, on a été moins aidé pour construire. Il y a sept ans, le gouvernement avait des exigences plus fortes et mettait des moyens sur la table. À partir de 2018, on a eu des moyens réduits et on nous a demandé de faire moins de logements. Depuis la crise du Covid, on est beaucoup plus bas. Il ne suffit pas que le gouvernement demande de construire, il faut une mobilisation des préfets et des élus locaux pour qu'on trouve les terrains, les projets et qu'on puisse les faire. Et aujourd'hui, c'est très difficile.

Que fait le gouvernement ?

J'appelle depuis plusieurs années à une mobilisation très forte. On est arrivé à une crise qui atteint son paroxysme parce qu'en même temps qu'il y a une crise dans le logement social, on a une crise de l'accès au logement privé. Tout le secteur est grippé. Cela fait des mois que l'on alerte, qu'on demande un sursaut, une réponse très forte. Je ne dis pas qu'on n'a pas de soutien, mais il n'est pas à la hauteur de la crise et de l'attente insupportable.

Environ 85 000 nouveaux logements sociaux vont être construits en 2023, a indiqué le ministre chargé du Logement Patrice Vergriete, qui reconnaît que ce n'est "pas suffisant" pour résorber la crise du logement. Qu'en pensez-vous ?

On peut en faire 110 000 et c'est l'un des plus mauvais chiffres de ces 20 dernières années. On vient de faire une étude qui montre qu'il faudrait produire chaque année environ 198 000 logements, soit du logement neuf, soit du logement que l'on fait dans des bâtiments existants. Là, péniblement, on va peut-être en faire 85 000 cette année. C'est très peu. Il en manque 40 000. Il faudrait au moins sortir 120 000 logements par an pour retrouver un peu d'air. Le logement quand ça marche mal, ça s'effondre rapidement et après, il faut des années pour retrouver un rythme de production de logements qui soit acceptable.

Le budget 2024 vous a-t-il rassuré ?

Depuis 2018, l'Etat prend 1,3 milliard des recettes de loyers des bailleurs sociaux pour les réinjecter dans le budget national de l'Etat. C'est un scandale fou. Le budget 2024 ne nous rassure pas. On a des aides classiques pour construire des logements, mais ce n'est pas suffisant. Il n'y a aucune aide pour la rénovation et la réhabilitation des logements sociaux. Aujourd'hui, on a besoin de subventions et de soutien financier pour rénover le parc social et de soutien supplémentaire pour construire des logements, notamment des subventions et des taux de TVA réduits. Cela fait cinq ans qu'on encaisse des baisses sur notre secteur.

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