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Fin de la trêve hivernale : "Peut-être que la police va venir et me mettre dehors"

Alors que la trêve hivernale a été repoussée jusqu'à la fin mai en raison de l'épidémie de Covid-19 et ses conséquences économiques, 30 000 familles risquent de perdre leur toit à partir de mardi.

Article rédigé par franceinfo - Claire Leys
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Rachida est menacée d'expulsion à partir du 1er juin 2021 pour impayés de loyer. Elle vit dans un appartement en très mauvais état à Paris. (CLAIRE LEYS / RADIO FRANCE)

Dans le hall d'entrée, les valises sont prêtes avec les médicaments, les papiers, et quelques vêtements. Rachida sait qu'à tout moment, la police peut sonner à sa porte. La trêve hivernale des expulsions locatives prend fin lundi 31 mai. Elle avait été prolongée de deux mois en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. 

En dix minutes, il faut s'habiller, rendre les clés et après, c'est la rue. Ce scénario tourne en boucle dans la tête de Rachida. "J'ai des idées noires. Je suis fatiguée, j'ai perdu mon travail, raconte-t-elle. J'ai perdu beaucoup de choses. Je dors avec des médicaments, la dernière fois, je suis partie voir un psychiatre. Ma vie, elle est changée, je ne peux pas aller travailler, je ne peux pas bouger de chez moi. Si je sors, peut-être que la police va venir derrière moi et me mettre dehors."

"Je n'en peux plus"

Pour Rachida, 49 ans, depuis 2018 les problèmes s'accumulent. D'abord la perte de son emploi dans la restauration, puis des soucis de santé. Elle vit avec 523 euros d'aides par mois. Cela va faire quatre ans qu'elle ne paye plus son loyer de 500 euros. Éligible au Droit au logement opposable (Dalo), Rachida est prioritaire pour être relogée : "La préfecture ne me reloge pas, je n'arrive pas à comprendre alors que j'ai un bon dossier et qu'il y a la loi Dalo, je n'en peux plus."

Si elle reste, ce n'est donc pas par choix. Elle habite une rue très chic du 16e arrondissement de Paris. Mais derrière le beau portail en fer forgé, se cache un appartement délabré. "Les fenêtres ne se ferment pas, décrit Rachida. S'il pleut la nuit, on entend du bruit. Si je prends une douche ça descend en bas chez les voisins, il y a de l'eau qui coule."

Rachida est menacée d'expulsion à partir du 1er juin 2021 pour impayés de loyer. Elle vit dans un appartement en très mauvais état à Paris. (CLAIRE LEYS / RADI FRANCE)

"On a une situation de tension très forte"

Rachida fait partie des 30 000 foyers qui pourraient perdre leur logement. En 2020, il y a eu très peu d'expulsions en raison de la pandémie de Covid-19 alors forcément les dossiers s'accumulent. La fondation Abbé Pierre est submergée d'appels à l'aide, explique le délégué général de l'association Christophe Robert : "On a une situation de tension très forte, c'est-à-dire qu'il y a ceux qui n'ont pas été expulsés l'année dernière mais pour lesquels la procédure continue et ceux qui sont menacés d'expulsion au titre de cette année."

"Il faut tout faire pour apporter des solutions de logements et s'il n'y en a pas, maintenir ces ménages dans leur logement tout en dédommageant les propriétaires le temps de trouver une solution de logements adaptés."

Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé Pierre

à franceinfo

Le gouvernement promet d'échelonner les expulsions sur deux ans et de trouver une solution de relogement ou d'hébergement aux personnes concernées. Une promesse intenable, selon les associations d'aide au logement qui décrivent la détresse immense en 2021 de milliers de foyers. Le gouvernement promet également de maintenir jusqu'au printemps prochain les milliers de places d'hébergement d'urgence. Pas de quoi rassurer la Fondation Abbé Pierre qui redoute les conséquences sociales de la crise sanitaire dans les mois à venir avec encore plus de foyers incapables de payer leur loyer.

Fin de la trêve hivernale des expulsions : reportage de Claire Leys

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