Encadrement des loyers : la Fondation Abbé Pierre note "une tendance à un meilleur respect" mais "une tendance encore fragile"

La Fondation plaide pour "augmenter le niveau maximal d'amende" qui n'est actuellement "pas très dissuasif", indique jeudi sur franceinfo son directeur des études, Manuel Domergue.
Article rédigé par franceinfo
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Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, à Paris, le 1er février 2023. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"On voit qu'il y a une tendance à un meilleur respect de l'encadrement des loyers à Paris", mais cette tendance "est encore fragile", a souligné jeudi 5 octobre sur franceinfo Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, le jour de la publication de son troisième baromètre sur le sujet, alors que l’encadrement des loyers progresse à Paris et dans plusieurs grandes villes de France, selon le baromètre de la fondation Abbé Pierre rendu public jeudi. Ainsi à Paris, la part des annonces locatives qui dépassent le plafond légal est en baisse. De 31 % en 2022 et de 35 % en 2021, ce taux est tombé à 28 % en 2023. 

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Pour Manuel Domergue, il faut "des sanctions contre les propriétaires qui ne respectent pas cette loi", car "ce n'est pas en option". La Fondation plaide pour "augmenter le niveau maximal d'amende" qui n'est actuellement "pas très disuasif".

franceinfo : Est-ce que la baisse des annonces locatives qui dépassent le plafond légal est due à l'encadrement des loyers ?
Manuel Domergue : Oui. C'est quand même une tendance intéressante qui est encore fragile. Mais on voit qu'il y a une tendance à un meilleur respect de l'encadrement des loyers à Paris, où c'est en place depuis 2019. Donc on peut penser que bailleurs et locataires commencent à s'habituer, à comprendre cette mesure. Les premiers mois, c'est normal qu'il y ait un peu de méconnaissance. Et puis la mairie de Paris a fait des efforts. Elle a repris la compétence à l'Etat pour faire respecter l'encadrement des loyers. Elle a mis en place des procédures plus faciles pour les locataires. Et elle a contacté, de manière assez volontariste, les propriétaires bailleurs qui ne respectent pas cet encadrement et a commencé à dresser des amendes, alors que la préfecture, l'Etat auparavant, ne faisait quasiment rien. Donc ça prend du temps. Ça fait très longtemps qu'on parle de cet encadrement des loyers, mais ça commence à se mettre en place.

Est-ce que cela se passe de la même manière ailleurs qu'à Paris ?
Il y a eu une tendance plutôt positive, notamment à Lille qui a mis en place l'encadrement à peu près au même moment que Paris. On voit des villes également comme Bordeaux où ça s'améliore, ou comme Lyon et Villeurbanne. Il y a d'autres villes où c'est un peu tôt pour avoir un bilan. Il faudra le faire peut-être l'an prochain. Il faut aussi que les acteurs locaux apprennent à comprendre cette mesure. Et il faut surtout faire de l'information, de l'accompagnement des locataires, parce que très peu savent comment ça se passe pour contester un loyer abusif. Et il faut qu'il y ait des amendes. Il faut qu'il y ait des sanctions contre les propriétaires qui ne respectent pas cette loi. La loi, ce n'est pas en option. La question du montant des loyers, ce n'est pas quelque chose d'annexe. 

"Le dépassement moyen qu'on a pu constater en France, c'est de 200 euros par mois. Ça veut dire que tous les locataires, si cette loi était bien respectée par tout le monde, gagneraient 200 euros par mois. Ce n'est pas rien."

Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre

à franceinfo

Que dites-vous aux locataires des villes qui sont concernées et qui, pour certains, ne sont pas au courant que l'encadrement des loyers les concerne ?
On leur dit, allez sur les sites internet qui vous expliquent quel est le niveau de loyer maximum que le bailleur doit respecter. Et si vous vous apercevez que ce n'est pas le cas, tentez une médiation à l'amiable avec le bailleur. Et puis, si ça ne suffit pas, il faut contacter la mairie ou la préfecture. Il y a une commission départementale de conciliation. Vous devez faire respecter vos droits. Vous ne risquez rien. Le bailleur n'a pas le droit de vous donner un congé parce que vous avez contesté le loyer. Donc il faut tenter sa chance. Après, il ne faut pas que tout repose sur l'action des locataires. Il faut vraiment beaucoup plus d'information et d'actions pour sanctionner les bailleurs.

Est-ce que les villes font suffisamment d'information et d'accompagnement des locataires sur le sujet ?
On voit que la mairie de Paris, mais aussi Lille, ou encore Lyon, font des efforts particuliers. Après, ça va prendre un peu de temps parce qu'on sort d'années de laxisme où un bailleur avait plutôt un intérêt à ne pas respecter la loi parce qu'il ne risquait quasiment rien. Il faut faire comprendre à tout le monde que cette loi, il faut la respecter, sinon les sanctions arriveront. Peut-être qu'il faut augmenter aussi le niveau maximal d'amende, (actuellement de) 5 000 euros. Quand on peut dépasser (le plafond) de 2 000 à 3 000 euros par an, une sanction potentielle et très rare de 5 000 euros, ce n'est pas très dissuasif. 

"Il faut que tous les acteurs de l'immobilier, les CAF, les agents immobiliers, fassent aussi respecter cette loi auprès des personnes qu'ils accompagnent."

Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre

à franceinfo

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