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Les emplois des "dames pipi" de Paris menacés : "A nos âges, qui va nous reprendre ?"

"2theloo, voyous !" crient les manifestants au pied du Sacré-Cœur. La société a racheté des toilettes publiques de la mairie de Paris début juillet. Depuis, 11 "dames pipi" sont sans emploi. 

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Manifestation des "dames pipi" contre la société 2theloo, rue Lamarck (Paris, 18e) le 23 juillet 2015.  (CAMILLE ADAOUST / FRANCETV INFO)

Clémentine Codjia, Angèle Lawson, Awan Te-be, Charlotte Mensah... Ces noms ne vous disent rien. Pourtant, vous les avez peut-être déjà croisées. Elles sont "dames pipi" dans les toilettes de Paris depuis, pour la plupart, une trentaine d'années. Elles sont réunies, jeudi 23 juillet, rue Lamarck, dans le 18e arrondissement, et manifestent, comme la veille, de 7 heures à 18 heures contre la société hollandaise 2theloo.

Selon son site, l'entreprise gère 200 toilettes dans 14 pays. Sa particularité ? Des "lavatories" payants mais esthétiques, accompagnés d'une boutique. Depuis le 1er juillet dernier, l'entreprise a repris six lieux d'aisance publics à Paris, auparavant entretenus par Stem Propreté. On compte notamment des établissements proches de Notre-Dame, de la place de l'Etoile ou de Montmartre.

"On aime notre travail, même s'il est difficile"

Problème : à son arrivée, la société a refusé de garder les agents d'entretien. Onze "dames pipi" ont ainsi perdu leur travail. "Ils ont jeté toutes nos affaires en s'installant. Nos bouilloires, nos tasses et nos blouses. A la poubelle", raconte Dede Lier, 51 ans, "dame pipi" depuis onze ans. Cette mère de famille s'inquiète pour elle et ses amies : "A nos âges, qui va nous reprendre ?"

Dede Lier, agent d'entretien des toilettes publiques de la mairie de Paris, manifeste dans le 18e arrondissement de Paris pour le maintien de son emploi, le 23 juillet 2015.  (CAMILLE ADAOUST / FRANCETV INFO)

Elles ont pour la plupart la soixantaine. Gabrielle Adams et Clémentine Codjia ont même entretenu et fleuri les célèbres toilettes de la Madeleine, désormais fermées, comme l'explique Le Parisien. "On aime notre travail, même s'il est difficile. On est toujours en contact avec les gens. Et puis, on ne sait rien faire d'autre", déplore le groupe d'amies. Dede Lier, par exemple, est venue en France en 2002. "Quelques mois après mon arrivée, j'ai commencé dans les toilettes publiques. Je n'ai fait que ça ici", raconte-t-elle. 

Quelques mètres plus loin, rue Lamarck, les représentants de la société 2theloo osent à peine s'approcher des manifestantes en colère. Et quand ils tentent de rouvrir les toilettes du Sacré-Cœur, elles en bloquent rapidement l'accès. "Au lieu de discuter avec nous, ils s'en vont. Hier, ils nous ont envoyé un huissier de justice. Ils ne sont pas ouverts à la discussion", raconte Kedir Abbes, représentant du Feets-Force ouvrière, spécialisé dans l'équipement, l'environnement, les transports et les services. La société n'a d'ailleurs pas voulu parler à francetv info non plus. 

Bataille autour du code du travail

Ce que ces 11 employés contestent, c'est le non-respect de la loi française. Chacune invoque l'article L 1224-1, qui oblige toute société à conserver les contrats de travail en cours d'une entreprise dont elle fait l'acquisition. "Ils sont hors la loi et on continuera jusqu'à ce qu'on soit entendu. On veut les mêmes horaires de travail, on veut conserver leur ancienneté et, surtout, on veut leur rendre leur lieu de travail", réclame Jonathan Mayelle, délégué du personnel chez Stem Propreté.

Contacté par Le Monde, un consultant de la société 2theloo expliquait que l'entreprise n’avait "pas d'obligation de reprendre les salariés. On n'est pas une société de nettoyage, on ne fait pas le même métier. On diffuse un concept de boutique-toilette payante, on vend des produits. On ne facture pas une prestation à la mairie, on verse un loyer pour une concession. On ne relève pas de la convention collective de la propreté, mais du code du travail."

En janvier dernier, le même combat avait opposé 2theloo aux agents d'entretien des toilettes des gares SNCF. Trente-six postes étaient en jeu. Après onze jours de grève, la société avait abandonné et les 36 agents avaient été réembauchés. "Finalement, le vrai problème, c'est la mairie de Paris, qui cautionne des cas comme ça", blame le représentant FO.

"Depuis le début, la mairie s’est préoccupée du devenir des personnels"

Ce à quoi la Ville de Paris, contactée par francetv info, répond : "Il y a eu un changement de contrat, maintenant c’est une concession. Ce n’est pas vraiment une reconduction de contrat. La mairie n’a donc pas la possibilité, juridiquement, d’obliger le titulaire à reprendre les employés. Mais on ne comprend pas vraiment pourquoi l’entreprise Stem, informée depuis février de la fin du contrat, n'a pas essayé de trouver une solution pour le personnel en place." La mairie assure que la protection des employés est une priorité. "Depuis le début, la mairie s’est préoccupée du devenir des personnels. Dans l’appel d’offres, on a bien spécifié le nombre d’employés présents et la société 2theloo s’est engagée à auditionner les personnes en place. On va leur rappeler ces obligations mardi 28 juillet lors d’une réunion", explique la Ville. 

En effet, un consultant de Sarivo PointWC, la filiale française de 2theloo, a expliqué au Monde que les salariées allaient être reçues "individuellement, pour voir si elles sont capables de vendre, d’encaisser. Et, si on en reprend, ce ne sera pas dans le cadre de la convention collective de la propreté, et sans leur ancienneté." Des conditions que ne peuvent accepter les syndicats et les salariés. "Je ne parle pas bien français, mais je sais faire mon travail ! Et ils vont quand même me renvoyer", affirme Pham Thai-Hoa, agent depuis treize ans. 

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